Production locale – Cannad’Our propose une gamme de produits de chanvre industriel issu de sa propre culture. Elle compte 3.000 clients. (Photo: Marie De Decker)

Production locale – Cannad’Our propose une gamme de produits de chanvre industriel issu de sa propre culture. Elle compte 3.000 clients. (Photo: Marie De Decker)

Bien avant la légalisation annoncée du cannabis récréatif, l’entreprise Cannad’Our à Kalborn a fait du chanvre industriel sa spécialité depuis 25 ans.

Sur les 120 hectares que nous cultivons, 20% sont dédiés au chanvre, et ce, depuis 25 ans», explique Norbert Eilenbecker, cofondateur de l’entreprise Cannad’Our à Kalborn, dans le nord du pays. Il ouvrait les portes de son exploitation début octobre à l’occasion d’un networking organisé par la CLC autour de la question «Cannabis, une opportunité pour le commerce local?», dans le contexte du projet du gouvernement de légaliser le cannabis récréatif, un an après que son usage médical a été autorisé.

«Nous comptons 3.000 clients, répartis majoritairement au Luxembourg, dans la Grande Région, mais nous exportons aussi nos produits dans des pays comme la Pologne», ajoute Norbert Eilenbecker, qui était auparavant producteur laitier. L’entreprise produit du lin, du tournesol ou du colza... mais aussi du chanvre industriel, que l’on retrouve dans des tisanes, du thé, de la moutarde ou encore des huiles.

«Tous nos produits sont issus de notre culture de chanvre», appuie Norbert Eilenbecker. Ce chanvre ne dépasse pas la limite européenne, fixée à 0,3% pour le taux de tétrahydrocannabinol – le fameux «THC», qui entraîne des effets psychédéliques avec le cannabis.

«Le chanvre industriel, ou chanvre thérapeutique, sous forme d’huile concentrée de CBD, représente l’un des produits naturels à effet anti-inflammatoire, antalgique et antibactérien les plus puissants retrouvés dans la nature, appuie Norbert Eilenbecker. Nous avons par exemple des clients dans le sud de la France qui se fournissent chez nous pour un enfant victime de crises d’épilepsie.»

Cette culture locale n’est pas certifiée biologique, mais le chanvre est cultivé sans avoir recours aux pesticides et la sélection des fleurs se fait à la main. La production de l’huile de CBD est ensuite contrôlée par le Laboratoire national de santé (LNS).

«Nous fonctionnons de manière encore très artisanale, et l’indépendance que nous conservons est très importante, nous pouvons prouver la qualité et la traçabilité de nos produits», ajoute Norbert Eilenbecker. Cannad’Our, qui emploie cinq personnes toute l’année, se modernise pour gagner en efficacité, dont un investissement de 1,1 million d’euros en 2016 «pour notre hall de stockage et des machines». Le chanvre est conservé toute l’année dans des silos. «Nous faisons attention à la température, nous ne devons pas excéder 6% d’humidité.» La récolte se fait au mois de septembre, et quinze personnes s’affairent dans les champs durant cette période.

Un «exemple de diversification»

Suite à la volonté politique de légaliser l’usage récréatif du cannabis, «nous avons fait un appel du pied au ministère de la Santé afin de proposer de produire le cannabis consommé au Luxem­bourg, annonce André Steinmetz, docteur en sciences et cofondateur de Cannad’Our. Nous avions monté un dossier, nous pouvons par exemple cultiver d’autres variétés et sécuriser notre site pour la culture de cannabis, mais nous n’avons pas eu de retour de la part du ministère de la Santé pour fournir le cannabis au niveau local. Le ministère de l’Agriculture nous avait, lui, soutenus dans notre démarche.»

Présent lors de la , le ministre de l’Agriculture (LSAP) a confirmé que «la culture de chanvre est une bonne idée de diversification pour les agriculteurs. La plante n’a pas besoin de pesticides et peut être cultivée dans des zones de protection des eaux, donc elle peut parfaitement s’adapter à notre climat.» Et le ministre d’ajouter: «La légalisation du cannabis est dans le programme gouvernemental, il faut donc que les choses avancent. Je connais l’entreprise Cannad’Our depuis plusieurs années, elle prouve que la culture de chanvre peut permettre une croissance.»

Mais si le pays veut produire son propre cannabis à des fins thérapeutiques, et dans le cadre de la légalisation du cannabis récréatif, «il y aura tout un volet sécuritaire à mettre en place, ce qui n’est pas le cas avec le chanvre industriel». Les champs devront en effet être protégés d’éventuels pilleurs. «Les infrastructures devront être fermées, car le risque est bien là. Il devra y avoir un cadre législatif également pour les vendeurs et les producteurs, un groupe de travail est en train de plancher sur le sujet au sein du gouvernement», précise Romain Schneider. Si la production de cannabis au Luxembourg se confirme dans les prochains mois, Cannad’Our se positionnera très certainement comme un acteur du secteur.

Où en est le projet de loi?

Un projet de loi doit prochainement être présenté en conseil de gouvernement sur la légalisation du cannabis à usage récréatif, le sujet étant dans le programme gouvernemental. Le concept doit être finalisé avant la fin de l’année. Le ministre de l’Économie et également de la Santé, (LSAP), a d’ores et déjà annoncé à Paperjam en octobre que le cannabis ne serait vendu qu’aux résidents. Sauf que leur adresse n’est ni sur la carte d’identité ni sur le passeport.

«Il faut donc trouver une solution pour prouver sa résidence. (...) En pratique, ce sera compliqué», avait-il précisé. Le projet de loi 7253 autorisant l’usage du cannabis à des fins médicales a, lui, été adopté à l’unanimité en juin 2018 par les députés. En avril dernier, selon le ministre, plus de 120 patients en ont bénéficié.