La bonne nouvelle, c’est que cette remontée des taux est maintenant derrière nous, et des coupes se dessinent désormais à l’horizon. Alors que la neige a commencé à recouvrir les coteaux de l’Alzette la semaine dernière, le marché est déjà prêt pour la descente de 2024 (c’est-à-dire la baisse des taux). Et un peu en mode tout schuss, d’ailleurs.
Il y a un peu plus d’un mois, la volatilité des marchés s’enflammait (alors que les prix des indices boursiers baissaient) sur fond de peurs inflationnistes persistantes. Le marché anticipait alors environ trois baisses de 25 points de base plutôt sur la fin de 2024. Maintenant, cette même volatilité a récemment marqué des niveaux bas que nous n’avions pas vus depuis l’avant-Covid, car cette inflation aurait disparu alors qu’elle ne fait que ralentir. Les indices boursiers sont revenus à leurs sommets. Le marché estime maintenant que la Fed pourrait baisser ses taux cinq fois (et la Banque centrale européenne six fois), et ce à partir du printemps 2024. Le marché n’irait-il pas trop vite? C’est le moment de faire le point.
Les questions centrales que les investisseurs doivent se poser sont les suivantes: est-ce que les banques centrales vont couper les taux, car le combat contre l’inflation est gagné sans dommages collatéraux trop importants pour l’économie? Ou bien vont-elles le faire parce que le resserrement monétaire a justement entraîné une récession? N’oublions pas que les précédentes baisses des taux avaient poussé les marchés dans le gouffre en raison des crises économiques sous-jacentes (éclatement de la bulle internet, crise financière et confinement global).
Un ralentissement de la croissance prévisible
De notre côté, nous prévoyons que la croissance ralentisse sous sa tendance en 2024. En outre, nous estimons qu’une récession légère est le scénario le plus probable pour la zone euro, le Royaume-Uni et les États-Unis. En tout cas pour le début de l’année, car nous pensons que la croissance pourrait se stabiliser et rebondir dans la deuxième partie de l’année. Cette récession est le résultat du resserrement du crédit brutal et rapide des banques centrales en 2022-2023, ce qui ralentit effectivement la croissance. De plus, la Chine, qui contribue à hauteur de 20% du PIB mondial, ralentit également à un rythme inférieur au passé.
La reprise post-réouverture déçoit sur fond d’une confiance des ménages en berne et de crise immobilière sans mesures de soutien structurelles. Une récession qui devrait donc être légère et non systémique en raison de l’absence de déséquilibres tels que ceux qui avaient caractérisé les précédentes récessions (en 2000 et 2008). Nous pensons que c’est la raison pour laquelle les marchés continuent d’être optimistes.
Par exemple, la zone euro est très probablement déjà en récession après la contraction de la croissance au troisième trimestre, alors que les indices des directeurs d’achat d’octobre et novembre sont bien restés dans le rouge. Pourtant, le DAX allemand marque des plus hauts historiques et le CAC 40 français n’en est pas loin.
Dans ce contexte et avec divers risques globaux, il convient de rester sélectif, de trouver de la valeur dans des actifs adaptés à ce contexte et de se diversifier. En effet, un ralentissement économique plus sévère que prévu n’est pas à exclure. Par ailleurs, le monde dans lequel nous vivons est bien plus fragmenté et moins globalisé qu’il ne le fut il y a 5-10 ans. À ce titre, des élections importantes auront lieu l’an prochain. Aux États-Unis, au Royaume-Uni (avant le 28 janvier 2025), à Taïwan, en Belgique, mais aussi en Inde et en Indonésie, deux pays qui représentent un peu plus de 20% de la population mondiale. Les politiques fiscales, mais aussi étrangères, étant donné la persistance des risques géopolitiques, seront probablement au premier plan.
Privilégier les actifs de qualité et les tendances à long terme
Quelles solutions se présentent alors aux investisseurs pour faire face à tous ces risques alors que le marché reste festif? Tout d’abord, avec les taux des banques centrales au sommet, les rendements obligataires ont déjà probablement marqué un pic. Les obligations de qualité restent attractives et devraient bénéficier du ralentissement économique en cours et des futures baisses des taux. Elles offrent, en outre, une protection supplémentaire en cas de ralentissement plus sévère que prévu.
En ce qui concerne les actions, en attendant que l’économie se stabilise et rebondisse, celles à plus faible volatilité et, en général, celles des entreprises aux bilans solides sont privilégiées. Les matières premières peuvent aussi être une source supplémentaire de diversification et de couverture contre certaines incertitudes géopolitiques et contre le risque asymétrique de rebond de la croissance et/ou du retour de l’inflation (ce qui n’est pas notre scénario de base).
Finalement, une exposition à des facteurs plus structurels tels que l’innovation ou les changements démographiques (de la Chine notamment, dont la population décroît) permet de capturer des tendances à long terme. À ce titre, nos convictions couvrent de manière générale les thèmes liés à la planète, à la productivité et aux personnes.