La crise sanitaire a montré les coopérations possibles dans la Grande Région, avec l’échange de patients Covid. Une solidarité que Cosan veut élargir. (Photo: Henri Lewalle)

La crise sanitaire a montré les coopérations possibles dans la Grande Région, avec l’échange de patients Covid. Une solidarité que Cosan veut élargir. (Photo: Henri Lewalle)

Henri Lewalle ambitionne d’ouvrir les frontières de l’accès aux soins dans toute la Grande Région. Il présente son projet Cosan du programme Interreg V, auquel il souhaite donner un coup d’accélérateur.

Éviter aux patients de devoir faire une heure de route pour se rendre à l’hôpital, alors qu’ils mettraient seulement quelques minutes en traversant la frontière: tel est l’objectif du projet Cosan – pour «Coopération transfrontalière en santé», inscrit dans le programme Interreg V A Grande Région. Déposé en 2016 et validé début 2020 selon son coordinateur, Henri Lewalle, il se termine fin 2022.  À une vingtaine de mois de son échéance, et en amont des 100 ans de l’Union économique belgo-luxembourgeoise créée en juillet 2021, les porteurs du projet veulent accélérer le processus et ont organisé un webinaire pour sensibiliser différents acteurs à ce sujet. Le point avec Henri Lewalle.

Que prévoit votre projet Cosan pour améliorer l’accès aux soins dans la Grande Région?

Henri Lewalle. – «Nous avons plusieurs actions. La première est de réaliser les bases d’un observatoire de la santé dans la Grande Région. Il s’agirait de mettre en évidence tous les éléments nécessaires dont auraient besoin les ministères de la Santé pour prendre des décisions: l’état de santé de la population, l’offre de soins, les capacités frontalières voisines. L’idée, bien antérieure à la pandémie, trouve vraiment son sens car on a vu récemment que les autorités régionales sont contraintes de s’informer sur ce qu’il se passe chez nos voisins.

La deuxième action est appelée ‘coopération transfrontalière’. Il existe déjà une ZOAS (zone organisée d’accès aux soins) entre la province de Luxembourg, au sud de la Belgique, et la Meuse et la Meurthe-et-Moselle, en France. Initiée en 2008 mais étendue depuis, elle permet aux patients du territoire transfrontalier de pouvoir se faire soigner de part et d’autre de la frontière, sans obstacles administratifs et financiers. Les travailleurs frontaliers bénéficient déjà des soins dans le pays où ils travaillent, mais l’idée est d’étendre cela à tous les résidents des zones frontalières.

Puisque nous l’avons réalisée entre la Belgique et la France, nous pensons que nous pouvons le faire dans les autres régions frontalières, pour répondre à la carence de l’offre médicale. Les patients doivent parfois faire de longues distances pour accéder aux soins.

Comme troisième action, nous voulons développer une aide médicale urgente transfrontalière, comme nous l’avons fait entre Arlon et Mont-Saint-Martin. Quand vous êtes malade à Aubange, plutôt que d’appeler les SMUR (services mobiles d’urgence et de réanimation) d’Arlon (environ 20 minutes de route, ndlr), vous pouvez appeler ceux de Mont-Saint-Martin (environ cinq minutes, ndlr). En cas d’AVC, chaque seconde compte.

Nous avons encore d’autres projets mineurs, comme l’échange de bonnes pratiques.

Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’accords de ce type dans la Grande Région?

«Pour faire cela, on a besoin d’un cadre légal, c’est-à-dire un accord-cadre entre deux États. J’ai initié le premier entre la France et la Belgique en 2002, signé en 2005. Il a été reproduit entre la France et l’Allemagne, et entre la France et le Luxembourg (ratifié en 2018).

Il n’y en a pas entre le Grand-Duché et la Belgique, entre l’Allemagne et le Grand-Duché, et entre l’Allemagne et la Belgique.

D’autres ZOAS ont-elles été créées dans les endroits où des accords-cadres existent?

«Jusqu’à présent, je n’ai pas vu arriver concrètement sur la table un projet de coopération comme celui entre Arlon et Mont-Saint-Martin. Les gens se consultent, réfléchissent.

Qu’est-ce qui bloque la création d’autres accords-cadres ou ZOAS?

«Il y a le problème de la souveraineté. Les États disent, de manière fallacieuse, que cela va coûter plus cher. Alors que si on devait construire le long de la frontière des hôpitaux pour répondre aux besoins de soins qu’on ne sait pas traiter, on n’y arriverait pas. Les acteurs sont souvent partants. Qu’est-ce qu’on attend? C’est une question de décision politique, qui est lente.

D’où votre séminaire du 12 mars dernier…

«On s’est dit qu’on allait inviter des personnes pouvant aller dans une direction de lobby décisionnel. Par exemple, Karl-Heinz Lambertz, ancien président du Comité européen des régions et président du Parlement de la communauté germanophone de Belgique. Mélissa Hanus, députée fédérale belge, qui a posé une question à l’ancienne Première ministre sur le sujet. Au Luxembourg, nous nous sommes tournés vers une personnalité qui pouvait avoir un rôle déterminant dans le dossier, Mars Di Bartolomeo. Il a été ministre de la Santé, il est vice-président de la Chambre des députés et à la présidence de la commission santé. Il s’est positionné favorablement également.

Quels lieux mériteraient une attention prioritaire pour cette coopération transfrontalière en matière de santé?

«Le long de la Moselle Est, avec la Sarre, il y a des coopérations à développer.

Entre l’Allemagne et la Belgique, on a créé une première convention qui permet aux personnes de Prüm (Allemagne) de pouvoir accoucher à Saint Vitth (Belgique), mais il faudrait aller plus loin.

Entre le Grand-Duché et ses voisins, il y a possibilité de faire des ZOAS sur tout le territoire. Dans le Nord, il y a un intérêt de proximité avec l’hôpital de Bastogne. Plus bas, la proximité entre Arlon et Colpach (où se trouve le centre de réhabilitation, ndlr) pourrait apporter une solution aux patients belges pour la réadaptation. Il y a entre Esch-sur-Alzette, Mont-Saint-Martin, Arlon et Colpach une possibilité de travailler davantage ensemble.

On pourrait aussi autoriser les SMUR à traverser les frontières sans histoires.

Qu’est-il prévu après 2022?

«Nous ne serons pas démobilisés au 31 décembre 2022 et nous allons aller vers un autre projet, si on veut bien nous l’agréer.»