«Dans le courant du printemps nous retrouverons des délais plus normaux, de l’ordre de deux à trois semaines», affirme le président de la CNS Christian Oberlé. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

«Dans le courant du printemps nous retrouverons des délais plus normaux, de l’ordre de deux à trois semaines», affirme le président de la CNS Christian Oberlé. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Digitalisation, optimisation de l’organisation, déménagement prévu en 2023, retards des remboursements… Christian Oberlé, président de la CNS, fait le point sur les nombreux chantiers actuellement gérés par ses équipes.

Le délai de remboursement pour les prestations en nature est actuellement de quatre à six semaines, contre deux à trois semaines auparavant, comment expliquez-vous ce retard?

. – «Le volume est très élevé pour le moment, il a été multiplié par trois par rapport à la normale. Le nombre de boites contenant les demandes de remboursement s’élève à 220, contre 70 avant cette période. La CNS s’organise pour maintenir le délai à un maximum de six semaines, voire qu’il soit raccourci. Il y a un double impact qui explique le volume: l’impact saisonnier et l’impact du Covid-19, donc nous estimons que ces retards vont bientôt diminuer. Nous continuons notre processus de digitalisation, à court terme via le scanning, mais à moyen terme via le paiement immédiat direct. Dans le courant du printemps nous retrouverons des délais plus normaux, de l’ordre de deux-trois semaines.

Que change la digitalisation?

«Elle amène une rapidité de traitement bien supérieure. Nous le constatons déjà avec une amélioration continue de notre processus de scanning, dans un premier temps avec l’acquisition de scanners supplémentaires et puis par une meilleure récupération automatique des données scannées. Ainsi, nous pouvons maintenir des délais de traitement constants malgré une activité bien plus importante que la normale.

Combien de salariés sont présents au sein du département des «Prestations en nature maladie-maternité»?

«Ils sont quasiment 130 personnes, sur les 540 salariés présents au sein de la CNS. C’est le département principal de la CNS qui absorbe la partie la plus importante de la charge de travail.

Des recrutements sont intervenus l’année dernière?

«Nous avons débuté le recrutement sur l’ensemble de la CNS de près de 40 personnes l’année dernière. Nous avons adapté les descriptions de postes par rapport au futur fonctionnement de la CNS. Ainsi nous avons ouvert des postes qui nécessitent des compétences parfois assez poussées et des expertises bien spécialisées, dans des domaines qui nous aident à prendre le virage de la digitalisation et qui nous serviront lorsque nous serons digitalisés.

Rencontrez-vous des difficultés pour recruter?

«Pour certains postes, c’est compliqué, malgré le fait que nous ne sommes plus dans la logique d’une administration qui recrute uniquement auprès d’administrations. Depuis quelques années, nous avons fortement modifié notre approche, nous avons de plus en plus de profils qui viennent d’autres secteurs. L’environnement de travail de la CNS est très varié aussi, avec des domaines d’interventions très différents. En plus d’une bonne formation de base, l’idéal serait que les nouveaux recrutés disposent déjà de bonnes connaissances en matière de sécurité sociale luxembourgeoise, qui est très spécifique. Pour notre département légal par exemple, on a beaucoup de mal à trouver des juristes qui soient bien formés en sécurité sociale.

Quand nous aurons mis en place le paiement immédiat direct, le mode de travail va changer.
Christian Oberlé

Christian OberléPrésidentCNS

Un des grands chantiers de la CNS est donc la digitalisation de ses services?

«Oui, nous y travaillons en parallèle de notre travail quotidien, ce qui bloque quelques fois pas mal de ressources internes, et tout particulièrement les personnes les plus expérimentées. Un certain nombre de personnes nouvellement recrutées ou encore à recruter seront dédiés à de nouveaux métiers de la CNS, comme l’accompagnement et la gestion des projets stratégiques ou encore la mise en place d’une organisation plus agile. Nous avons également besoin de juristes, ou de spécialistes du domaine de la lutte contre abus et fraude.

«Quand nous aurons mis en place le paiement immédiat direct (PID, ndlr), le mode de travail va changer.» (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

«Quand nous aurons mis en place le paiement immédiat direct (PID, ndlr), le mode de travail va changer.» (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Que va changer la digitalisation dans le domaine de la fraude?

«Quand nous aurons mis en place le paiement immédiat direct (PID, ndlr), le mode de travail va changer. Aujourd’hui, nous sommes dans un système qui s’applique automatiquement, et lorsque la CNS reçoit les mémoires d’honoraires des médecins de la part des patients pour un remboursement ou d’autres documents dans le cadre du remboursement, la CNS contrôle la demande de remboursement par rapport aux règles légales, statutaires ou conventionnelles. Les agents de la CNS doivent donc exécuter un travail de vérification par rapport à chaque demande de remboursement. Quand on aura mis en place le PID, la logique va changer, toutes les règles seront paramétrées dans un moteur de règles et les contrôles des règles seront automatisés, sans intervention humaine.

Le remboursement se décidera endéans quelques centièmes de secondes sur base de contrôles automatisés du moteur de règles, qui va checker et effectuer le remboursement directement au médecin après validation du patient qu’il était bien dans le cabinet des médecins et qu’il a bien bénéficié de la prise en charge renseignée sur les mémoires d’honoraires ou d’autres types de documents. Il n’y aura pas de contrôle préalable comme nous le faisons actuellement, et comme on pourrait le faire aussi théoriquement avec un tiers payant.

Que va changer le PID dans votre organisation et votre manière de travailler?

«Nous n’interviendrons plus dans le circuit, donc nous devons revoir l’ensemble de toutes nos règles, pour lesquelles une automatisation est parfois très complexe, voire impossible. Par exemple, si le remboursement ou le taux de remboursement dépend du fait que le patient ait vu un autre médecin auparavant, ou pas, cette information n’existe pas encore forcément dans notre système, un contrôle automatique endéans quelques centièmes de secondes est donc impossible. Il y a donc des règles que l’on gardera, et d’autres non.

Il y a des milliers de règles à revoir et nous ne nous limitons pas à étudier si la règle est gérable par un moteur de règles, nous regardons également si une règle, qui a peut-être sa raison historique, fait toujours du sens aujourd’hui et, le cas échéant, nous l’annulons ou nous la modifions avec les adaptations statutaires qui s’avèrent nécessaires. Il y a donc tout un travail d’analyse légale pour accompagner le projet de digitalisation pour voir s’il faut adapter le cadre légal, les statuts, éventuellement les textes, la nomenclature, etc. C’est une des raisons pour lesquelles c’est un projet qui prend du temps. Mais c’est un projet majeur de modernisation de la CNS et nous y travaillons depuis deux ans.

Notre nouveau bâtiment, la “Cité de la sécurité sociale”, devrait être opérationnel au 2e trimestre 2023. C’est un projet très important pour la CNS parce qu’on a déjà pensé les infrastructures au service de ce qu’on est en train de mettre en place.
Christian Oberlé

Christian OberléPrésidentCNS

Vous avez lancé en octobre dernier la première phase de la digitalisation, à savoir le transfert des documents via une plateforme digitale, combien de médecins ont créé leur compte sur la plateforme?

«Nous avons aujourd’hui à peu près 90 médecins qui sont actuellement sur la plateforme. C’est moins que ce qu’on espérait, mais nous sommes contents de l’avoir lancée déjà mi-2021 dans une version de remboursement accéléré avant de mettre en production de PID au courant de 2023, comme ce qui était initialement prévu.

Pour quelles raisons?

«On était tout de même soucieux, parce qu’au fur et à mesure de l’avancement du projet, on se rend compte de son énorme complexité et on voulait disposer d’une phase transitoire pour résoudre déjà un certain nombre de problèmes avant la mise en production du PID. Ce n’est pas seulement le nombre élevé de changements complexes qui crée des problèmes potentiels, le PID engendrera également des modifications importantes pour les professionnels de santé et pour les assurés. Il peut y avoir des soucis tant au niveau des logiciels des médecins qu’au niveau des transmissions de donnée ou encore au niveau de notre moteur de règles qui est quelque chose de complètement nouveau pour la CNS. C’est pour cela que l’on voulait faire cette étape intermédiaire avec le remboursement accéléré. Cela nous a permis de constater que la mise à jour des logiciels des médecins n’est pas chose aisée, il y a une adaptation des éditeurs à faire dans leurs logiciels et il faut convaincre les médecins à utiliser une nouvelle version de leur logiciel. Lorsqu’on a contacté les éditeurs pour faire une première analyse, on a constaté que leurs systèmes ne sont pas nécessairement prêts pour communiquer avec l’extérieur d’un point de vue technologique. Ou d’un point de vue de la sécurité.

Craignez-vous que cela retarde l’entrée en vigueur du PID?

«Non, ça ne va pas le retarder la mise en production du système côté CNS, mais ça risque de rallonger la période nécessaire pour le déploiement des nouvelles versions de logiciels médicaux préparées par les éditeurs. Plus tôt, nous commencerons à mettre en place et à tester des solutions d’échange de données avec les médecins, plus fluide sera la mise à jour des systèmes des médecins après la mise en production du PID qui devrait être opérationnel à la mi-2023.

«Nos collaborateurs vont être formés par rapport aux attentes ou besoins d’une organisation plus centrée sur l’assuré.» (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

«Nos collaborateurs vont être formés par rapport aux attentes ou besoins d’une organisation plus centrée sur l’assuré.» (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Les médecins sont-ils réticents à entrer dans ce processus de digitalisation?

«Je ne pense pas, je pense que ce qui les intéresse c’est une transition facile pour eux, et nous devons travailler pour y contribuer. Un des chemins pour y arriver est une collaboration étroite avec les éditeurs. Et, bien entendu, il faut également avancer rapidement avec la mise en production d’autres solutions digitales. Le PID n’est qu’un élément parmi d’autres dans tout un écosystème digital de la santé qu’on souhaite mettre en place.

Il y aura toujours une expertise de la part des collaborateurs, mais toute la charge de travail d’encodage, de manipulation de documents papier (…) va fortement diminuer.
Christian Oberlé

Christian OberléPrésidentCNS

Le Dossier de soins partagés (DSP) est également un projet important de la CNS, quels sont les derniers chiffres dont vous disposez sur le sujet?

«Actuellement, le nombre de DSP ouvert est de 954.286, 497.961 sont actifs avec au moins un document. 1.879 DSP ont été fermés à la demande du patient, le taux de fermeture est donc de 0.19%. Le nombre de documents partagés est de 6.152.754.

Le nouveau bâtiment de la CNS, la «Cité de la sécurité sociale», près de la gare de Luxembourg-ville sera également bientôt opérationnel?

«Normalement, il devrait l’être au 2e trimestre 2023. Pour nous c’est un projet très important pour la CNS parce qu’on a déjà pensé les infrastructures au service de ce qu’on est en train de mettre en place, aussi bien au niveau de la digitalisation que de la mise en place d’une organisation agile à la CNS et du développement d’une nouvelle façon de travailler. Parce que le digital va changer progressivement la nature de travail des collaborateurs de la CNS.


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C’est-à-dire?

«Il y aura toujours une expertise de la part des collaborateurs, mais toute la charge de travail d’encodage, de manipulation de documents papier, de vérification des données ou encore de croisement d’informations va fortement diminuer. En retour, le service à l’assuré va fortement gagner en importance, ce qui est nécessaire du fait que les prestations de services deviennent plus ciblées et plus complexes. Pour ce type de travail plus transversal, nous allons progressivement compléter notre organisation en silo par une organisation qui favorise le travail en équipe, l’échange d’information et qui facilite l’accès aux informations par rapport à l’assuré.

Nos collaborateurs vont être formés par rapport aux attentes ou besoins d’une organisation plus centrée sur l’assuré. Pour que l’organisation reste agile, il faut créer le cadre nécessaire pour qu’ils aient la possibilité de développer leurs propres initiatives et vont évoluer vers une nouvelle façon de travailler ensemble. Et nous avons conçu les infrastructures dans notre nouveau bâtiment dans cette optique-là, nous n’aurons plus les petits bureaux fermés, mais nous allons mettre en place des surfaces collaboratives autour desquels seront regroupés différents types de lieux de rencontre pour travailler sous forme de projets ou d’ateliers co-créatifs, mais également des espaces permettant de s’isoler pour un travail nécessitant de se concentrer.

Le télétravail gardera une place importante dans votre organisation?

«Oui, il y aura toujours de la place pour plus de télétravail. Nous sommes allés jusqu’à 3 jours par semaine durant la pandémie, mais cela me semble un peu trop, car nous voulons favoriser le travail de collaboration, d’échange et protéger la culture d’entreprise très présente de la CNS. Mais nous devrions être capables de proposer un à deux jours de télétravail par semaine en fonction du poste des collaborateurs. Pour nous, l’expérience du télétravail pendant la pandémie est positive, nous n’avons pas pu constater que quelqu’un qui travaille de chez lui est moins performant que s’il était au bureau.

La CNS est donc sur plusieurs fronts en même temps?

«Oui, trois axes internes évoluent en parallèle: l’organisation de la CNS, la digitalisation et la mise à disposition de l’espace approprié pour. L’idée est de faciliter le changement à nos salariés. Nous ne pouvons pas faire l’un sans l’autre, donc c’est vrai que c’est un projet ambitieux, mais maintenant c’est le moment d’évoluer.»