Alexandra Kahn: «Nous allons essayer de nous positionner dans les pays voisins, sans pour autant viser une trop grande taille.» (Photo: Andrès Lejona)

Alexandra Kahn: «Nous allons essayer de nous positionner dans les pays voisins, sans pour autant viser une trop grande taille.» (Photo: Andrès Lejona)

Alexandra Kahn jongle entre la prise en main de nouvelles installations, la préparation de commandes et l’internationalisation de Genaveh, la chocolaterie de Steinfort qu’elle a reprise et qu’elle dirige depuis 2017.

Comment se passe cette année décidément particulière?

Alexandra Kahn. – «Nous rencontrons des hauts et des bas. Des peurs, et, en même temps, des bonnes surprises. En plus du Covid, auquel personne n’était préparé, avec un confinement en pleine période de Pâques, nous avons lancé les travaux de rénovation et d’agrandissement de la chocolaterie, qui va passer de 300 à 800m². Même si nous travaillons avec un bureau d’études et un architecte, je suis aussi devenue chef de chantier!

Votre défi immédiat est de pouvoir assurer une production qui réponde à la demande pour les fêtes de fin d’année?

«Oui, sachant que notre déménagement de l’ancien au nouveau hall a pris du retard. Nous devons encore prendre nos marques, nous faisons face à des coupures d’électricité, ce qui ne plaît pas aux machines… Quant aux prévisions de commandes, nous pensons que les clients vont venir en boutique ou chez nos revendeurs et utiliser notre site internet – dont le nombre de visites a explosé depuis le confinement –, mais la grande inconnue résidait jusqu’à récemment dans les demandes des entreprises. Il s’avère que tout le monde se réveille à la dernière minute, nous devons donc nous adapter, en étant capables de répondre souvent à du sur-mesure.

Comment fait-on pour garder le cap dans une période cruciale, et ce, malgré ces aléas?

«On garde le sourire! Nous avons malheureusement aussi connu des dégâts des eaux en une semaine, ce qui nous a fait perdre la moitié d’une production et a entraîné des retards supplémentaires.

La dure réalité de la vie d’entrepreneur…

«J’avais eu beaucoup de chance jusqu’à présent!

Comment faire pour rester zen?

«Je peux compter sur une équipe forte qui met la main à la pâte pour colmater les brèches, ainsi que sur les prestataires qui ont travaillé sur le projet, mais je dois avouer que, dans des moments pareils, on dort mal le soir. Heureusement que la famille et les proches sont présents également. Ceci dit, nous sommes repartis dans une spirale positive en rattrapant notre retard grâce à des renforts dans l’équipe – soit 14 personnes –, dont une stagiaire qui m’aide pour la gestion. En dehors de la haute saison, nous sommes sept. La grande majorité de l’équipe permanente était déjà en place avec la fondatrice de la chocolaterie, feu Mme Naveh.

L’objectif est d’être bien installés, de bien fonctionner, d’être présents dans des points de vente qui ont du sens, et surtout, de faire du bon chocolat.
Alexandra Kahn

Alexandra KahndirectorChocolaterie Genaveh

Que vous apportent-ils?

«De la fidélité, de la loyauté, c’est aussi leur chocolaterie. Je peux compter sur leur dévouement, en particulier durant la haute saison.

Comment parvenir à se faire une place lors de la reprise d’une entreprise existante, avec une équipe en place?

«Je l’ai pris avec le sourire, sans jouer sur la hiérarchie. C’est comme ça que j’ai gagné leur confiance. Ils ont aussi vu l’ambition que j’ai pour la chocolaterie en la développant, en changeant le packaging… et puis, nous n’avons plus de période véritablement creuse durant l’année.

Est-ce un atout d’être une jeune patronne – 29 ans – pour fédérer une équipe?

«L’équipe est globalement jeune, tout le monde se tutoie, on se comprend. Je suis facilement abordable, ce qui contribue au climat agréable. J’ai certainement moins de ressources que quelqu’un avec de l’expérience, je prends les choses à cœur, je me cache pour pleurer, mais je commence à savoir prendre un peu de recul.

La question «tarte à la crème»: est-ce plus difficile d’être une femme à la tête d’une entreprise artisanale?

«Je ne sais pas. Un seul homme travaille chez nous, ce qui est assez rare dans le milieu. Nous en tirons une force, car nos produits sont assez raffinés, et on ressent une touche de féminité. La difficulté résidait plutôt du côté des fournisseurs et des clients, auprès desquels il a fallu négocier, s’imposer, gagner une certaine confiance. Mais finalement, je constate que c’est plutôt un atout d’être une femme et d’être jeune. Ça ouvre des portes.

Quelles sont les tendances pour les cadeaux d’entreprise pour la fin de l’année?

«Nous constatons une forte demande pour remercier les employés de leur fidélité en cette période particulière, plus qu’une demande à destination des clients. Les budgets par employé sont aussi plus élevés, car les fêtes de fin d’année ont été annulées.

Sur quel pilier de votre activité allez-vous consentir un effort particulier?

«Nous développons particulièrement notre présence à l’étranger. Nous sommes présents à la Grande Épicerie du Bon Marché à Paris depuis le mois de mars, c’est notre première porte pour entrer en France. Et je reçois des demandes pour des entrées dans d’autres épiceries grâce à la réputation qui commence à essaimer via la Grande Épicerie. Nous avons aussi mis en place un pop-up store à Bruxelles, chez le traiteur Pandin, qui nous revend officiellement maintenant. Nous allons essayer de nous positionner dans les pays voisins, sans pour autant viser une trop grande taille. L’objectif est d’être bien installés, de bien fonctionner, d’être présents dans des points de vente qui ont du sens, et surtout, de faire du bon chocolat. Nous voulons rester une chocolaterie artisanale.

Le fait d’avoir des relations par l’entremise de mon père a fortement aidé. Je ne sais pas comment certains jeunes font pour monter leur projet...
Alexandra Kahn

Alexandra KahndirectorChocolaterie Genaveh

Comment définir le chocolat luxembourgeois?

«C’est un vrai mix des techniques belge et française. Ce sont des chocolats assez gourmands, qui correspondent au Luxembourg et aux Luxembourgeois. Ce ne sont pas des petites bouchées à la française de 6-8 grammes, on est sur 11-12 grammes le bonbon. La gamme des saveurs est assez large, pour représenter la diversité du Luxembourg.

Quels sont les facteurs qui pèsent particulièrement sur votre rentabilité?

«Le cours du cacao et des matières premières, tout d’abord. Au Luxembourg, certains frais fixes sont importants, comme les loyers. La main-d’œuvre est aussi un poste énorme. C’était mon premier défi lors de mon arrivée: parvenir à payer les frais fixes et conserver toute l’équipe, et ce, malgré le fait qu’une partie de l’année était plus creuse. Mon objectif était donc d’augmenter le chiffre d’affaires et lisser la saisonnalité, ce que nous sommes parvenus à réaliser avec l’équipe.

Votre père, Daniel, ainsi que Tenzing Partners, vous a accompagnée et aidée pour monter le projet de la reprise de la chocolaterie. Auriez-vous imaginé pouvoir le faire seule?

«Avec du recul, je me dis que je n’aurais jamais pu le faire seule. Il faut que les banques puissent suivre. Le fait d’avoir des relations par l’entremise de mon père a fortement aidé. Je ne sais pas comment certains jeunes font pour monter leur projet...

Quelles sont les prochaines portes que vous souhaiteriez ouvrir?

«Maintenant que nous disposons de notre nouvel atelier, que la chocolaterie est sur les rails, je voudrais structurer davantage l’organisation en interne. Un prochain bel objectif serait également d’ouvrir un jour une boutique en ville.»

Cet article a été rédigé pour l’édition datée de , qui est parue le 17 décembre 2020.

Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine, il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

Votre entreprise est membre du Paperjam Club, vous pouvez réclamer un abonnement à votre nom.