Le Bureau de gestion des avoirs gère pour un milliard d’euros d’actifs saisis, principalement des actifs mobiliers. (Shutterstock)

Le Bureau de gestion des avoirs gère pour un milliard d’euros d’actifs saisis, principalement des actifs mobiliers. (Shutterstock)

Si le crime ne paye pas, il rapporte. 328.004,76 euros à  l’État en 2023. Somme récoltée par le Bureau de gestion des avoirs (BGA) créé en 2022. Bureau qui estime que les autorités judiciaires n’ont pas encore assez recours à ses services et qui plaide pour une extension de ses attributions.

Depuis le vote de la loi du 22 juin 2022, le Luxembourg s’est doté d’un Bureau de gestion des avoirs saisis et confisqués (le BGA) dont la mission est de gérer les sommes, créances et actifs virtuels, ainsi que, sur demande des autorités judiciaires, les autres biens dont la conservation n’est pas nécessaire à la manifestation de la vérité. Sur requête du procureur général d’État, le BGA gère également les biens confisqués au profit de l’État.

Le BGA est un service d’État à gestion séparée disposant d’un budget de 300.000 euros et employant neuf agents – 4 hommes et 5 femmes pour une moyenne d’âge de 38 ans. Il est dirigé par Michel Turk. Et il publie ce 17 octobre son premier rapport annuel.

Un milliard d’actifs sous gestion

Au 31 décembre, la BCA gérait 762 dossiers pour un montant global d’un milliard d’euros. Somme répartie comme suit: 508,995 millions d’euros en soldes créditeurs déposés dans 1.743 comptes bancaires; 456,387 millions d’euros en comptes-titres répartis dans 113 comptes-titres; 635.000 euros en numéraires qui ont donné lieu à 384 consignations; 40,561 millions en créances et 0,003.050.44 Bitcoin. Le BGA détient actuellement 99 biens immobiliers en gestion et 22 véhicules.

En 2023, les recettes générées par le BGA ont contribué à concurrence de 5.325,39 euros au Fonds de lutte contre certaines formes de criminalités et à concurrence de 328.004,76 euros au budget de l’État. Enfin, le BGA fait procéder à la destruction de plus de 42 tonnes de biens confisqués ou échus à l’État qui n’étaient plus valorisables.

Le BGA veut des réformes

Le premier report annuel est également le moment de dresser un premier bilan de l’action de l’institution et de faire des propositions d’amélioration relatives au droit et aux pratiques en matière de saisie et de confiscation.

Le BGA regrette que les mécanismes prévus pour l’aliénation ou la destruction de biens saisis, hormis les titres et les immeubles, soient «très» peu utilisés par les autorités judiciaires. «Faute par les autorités judiciaires de confier systématiquement au BGA la gestion des autres biens saisis et d’ordonner proactivement leur aliénation ou destruction dans les cas où la loi les y autorise, la loi du 22 juin 2022 est tout simplement inopérante. Le changement de paradigme voulu par le législateur où l’aliénation d’un bien saisi deviendrait la règle et sa conservation l’exception est (très) loin d’être atteint. Un remaniement profond de la procédure est nécessaire si nous voulons y remédier», lit-on dans le rapport.

La difficile gestion des stocks historiques

Le BGA évoque également la problématique de la gestion des stocks historiques, autrement dit les biens saisis avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 juin 2022. Des biens saisis «dont le volume est tel que les autorités judiciaires sont dépassées». Le BGA pointe «des lacunes identifiées de longue date en matière d’enregistrement des saisies et les autorités judiciaires n’ont ni les moyens ni la capacité de gérer une multitude de biens dont certains sont complexes. Dans l’arrondissement judiciaire de Luxembourg, les biens saisis continuent de s’entasser à la fourrière judiciaire de Sanem et le dépôt des pièces à conviction du parquet sans véritable suivi. Il s’ensuit une saturation des espaces de stockage, en particulier pour les véhicules». «Le législateur devrait décider s’il convient de confier cette tâche au BGA et le doter dans l’affirmative des pouvoirs et moyens nécessaires», estime le BGA. 

Un registre centralisé de tous les biens saisis

Parmi les réformes demandées, on trouve l’attribution au BGA de tous les biens saisis, y compris des pièces à conviction. «Cette solution permettrait de disposer d’un seul registre centralisé de tous les biens saisis y compris les pièces à conviction et d’assurer un stockage et une gestion professionnels», plaide le Bureau.

Le BGA réclame également le pouvoir de décider de l’aliénation ou de la destruction des biens saisis. La décision d’aliéner deviendrait ainsi une décision administrative et non plus judiciaire ce qui allégerait d’autant le travail des juges.

La transposition de la directive (UE) 2024/1260 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs «serait un moment opportun pour revisiter la loi du 22 juin 2022», glisse encore le BGA.