La Cour des comptes exprime son inquiétude quant à la soutenabilité de la dette publique à long terme. (Photo Shutterstock)

La Cour des comptes exprime son inquiétude quant à la soutenabilité de la dette publique à long terme. (Photo Shutterstock)

La Cour des comptes s’inquiète de l’évolution de la dette publique et de sa soutenabilité, regrette l’absence de chiffrage du coût de Entlaaschtungs-Pak et formule des recommandations quant à l’amélioration de la transparence et la gestion des finances publiques, notamment par rapport aux fonds spéciaux.

La Cour des comptes a rendu ce 26 novembre son avis sur projet de loi concernant le budget des recettes et des dépenses de l’État pour l’exercice 2025 et le projet de loi relatif à la programmation financière pluriannuelle pour la période 2024-2028. Un avis dans lequel elle constate en le déplorant le triplement de la dette depuis 2008 et surtout «d’une quelconque stratégie de rééquilibrage budgétaire à court et/ou moyen terme». «En tant que petite économie ouverte, le Luxembourg est particulièrement exposé aux chocs externes et doit, de ce fait disposer d’une marge de manœuvre budgétaire plus importante que de grandes économies moins vulnérables», analyse la Cour pour qui, face à la multiplication des crises géopolitique et environnementale, «il serait utile que le gouvernement s’attache à concevoir une stratégie de rééquilibrage budgétaire proactive susceptible de renforcer la résilience des finances publiques et qui, de surcroît, réserverait le recours à l’endettement au financement d’investissements orientés vers l’avenir promouvant, notamment, la transition énergétique, socio-environnementale et digitale de notre économie».

La cour note que les garanties financières accordées par l’État soit 11,13% du PIB en 2023 – pourraient avoir un impact important sur la situation financière de l’État si elles devaient être invoquées.

Paris non chiffrés

Si la Cour ne critique pas l’Entlaaschtungs-Pak «ayant pour objectif de relancer l’activité économique par des allègements fiscaux», elle regrette l’absence d’une quantification exhaustive de l’incidence budgétaire des paquets de mesures adoptées pour limiter la hausse des prix. Elle invite le gouvernement à fournir une évaluation chiffrée plus détaillée lors du dépôt des comptes généraux de l’État et des projets de budget.

Elle s’interroge également sur la réduction du taux de l’impôt sur le revenu des collectivités (IRC) d’un point de pourcentage à compter du 1er janvier 2025 au nom du renforcement de la compétitivité des entreprises et de l’économie luxembourgeoise. En l’absence de chiffrage des retombées de cette mesure, elle met en doute l’hypothèse centrale de la politique fiscale selon laquelle la croissance économique induite par les baisses fiscales compenserait la perte de recettes qui en découle. Une critique déjà émise par le Conseil National des Finances Publiques pour le projet de budget 2024. «Les effets positifs de la baisse de l’impôt demeurent incertains, alors que l’impact financier sur les recettes fiscales et le budget de l’État est incontestable.»

Dernière source d’inquiétude pour la Cour, l’importance du secteur financier dans les recettes fiscales qui «expose le budget à une certaine volatilité, en fonction de l’évolution des marchés financiers».

Haro sur les fonds spéciaux

Dans son avis, la Cour des comptes formule également des recommandations pour améliorer la transparence et la gestion des finances publiques. Dans son viseur les trente-trois fonds spéciaux actuellement existants dont elle prône pour certains d’en revoir le bien-fondé, de réduire leur nombre et d’intégrer leurs dépenses dans le budget de l’État. «Pour les exercices 2024 à 2028, les dépenses des fonds spéciaux dépasseraient régulièrement les recettes. Il s’ensuit que le niveau des avoirs financiers des fonds spéciaux diminuerait de 2,97 milliards d’euros en début d’exercice 2024 à 1,42 milliard d’euros en fin d’exercice 2028» détaille la Cour qui suggère également de compléter le programme des dépenses des fonds spéciaux par des autorisations légales et des coûts prévisionnels des projets.

La Cour des comptes invite en outre le gouvernement, «conformément à la recommandation du Conseil de l’Union européenne» de prendre des mesures pour lutter contre la planification fiscale agressive, notamment en garantissant une imposition suffisante des paiements sortants.

Une fiscalité verte insuffisante

Quant à la promotion d’une fiscalité verte, la Cour des comptes a analysé l’évolution des taxes environnementales et leur contribution à la réalisation des objectifs du Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC). Elle constate que les recettes des taxes environnementales restent modestes par rapport au PIB et que le Luxembourg se situe en dessous de la moyenne européenne en la matière. «La Cour réitère les recommandations formulées dans son rapport spécial concernant la mise en application du Protocole de Kyoto et dans son avis sur le projet de budget de l’État pour les exercices 2014 et 2020 en faveur de la promotion de la fiscalité verte en tant que levier pour réaliser les objectifs climatiques du Luxembourg à l’horizon 2030», lit-on dans l’avis.

En ce qui concerne la hausse de 5,5% des accises sur les cigarettes et le tabac à fumer à compter du 1er janvier 2025, la Cour estime que, «eu égard aux augmentations successives et substantielles intervenues dans certains pays limitrophes pour assurer la protection de la santé publique, cette mesure se limitera à renflouer les recettes de l’État sans pour autant ambitionner une réelle diminution de la demande. Cette augmentation relève davantage d’une initiative ponctuelle que d’une stratégie cohérente et intégrée visant à atteindre des objectifs mesurables à moyen terme dans la lutte contre le tabagisme». La Cour est d’avis que les recettes de la vente de tabac devraient être mises en relation avec les coûts sanitaires et sociaux engendrés par le tabagisme.