Les avis sur le budget 2025 insistent sur un certain manque de transparence et de précision quant à l’impact financier de certaines mesures. (Photo: Shutterstock)

Les avis sur le budget 2025 insistent sur un certain manque de transparence et de précision quant à l’impact financier de certaines mesures. (Photo: Shutterstock)

Dans leurs avis respectifs, les chambres professionnelles et les institutions concernées par la procédure législative soulignent que beaucoup de mesures phares du gouvernement ne sont pas chiffrées. Ce qui, pour elles, rendra difficile l’évaluation de l’efficacité et de la pertinence de ces mesures. Tour d’horizon.

Volonté délibérée ou bien simplement calcul trop compliqué à estimer, le budget étant avant tout une somme d’hypothèse et non une science exacte comme le rappelait en mars 2024 , rapporteur du premier budget présenté par le gouvernement Frieden? Les députés trancheront sur la question de la bonne foi du gouvernement.

Un exemple de la difficulté à estimer les impacts budgétaires de telle ou telle disposition: une mesure phare contenue dans le budget et qui n’est pour l’instant pas chiffrée est la lutte contre le non-recours aux aides sociales, plus particulièrement la subvention de loyer et l’allocation de vie chère (AVC). Deux aides pour lesquelles le taux de non-recours serait «très élevé»: 80% pour la subvention de loyer et 40% pour l’AVC. Questionnés à ce sujet, les services du Premier ministre ont répondu ceci: «En ce qui concerne les aides mentionnées, les ministères compétents n’ont pas procédé à des simulations afin de chiffrer l’impact exact si tous les bénéficiaires éligibles le demandaient, au vu des difficultés techniques pour estimer le non-recours de manière précise.» En ce qui concerne un point précis de cette lutte contre le non-recours – l’automaticité de l’AVC et de la prime énergie pour les seules personnes bénéficiant d’une allocation d’inclusion dans le cadre du Revis –, le gouvernement estime la facture à 6,2 millions d’euros. «Les chiffres inscrits dans le projet de budget se basent sur des hypothèses qu’un nombre important de personnes sollicitent les aides en question, sur base des expériences des années précédentes.»

Les mesures qualitatives non chiffrées évoquées dans les avis touchent à de nombreux domaines, mais plus particulièrement à ceux de la fonction publique, de la simplification administrative et de la politique sociale.

Des absences regrettables…

Parmi les absences notables de chiffrage pour certaines mesures gouvernementales relevées dans les différents avis rendus sur le budget, on trouve les dispositions suivantes:

La réduction de la base imposable des droits d’enregistrement et de transcription. La Chambre de commerce applaudit cette mesure destinée à redynamiser le marché immobilier, mais s’étonne de l’absence d’évaluation de son impact financier. Le ministre des Finances a évoqué 100 millions d’euros, un chiffre nuancé par la suite, sans projections détaillées selon différents scénarios, détaille la Chambre de commerce.

— Plus globalement, la Cour des comptes se penchant sur les mesures de relance du marché du logement souligne que l’incidence budgétaire de ces mesures n’est pas chiffrée et invite le gouvernement à fournir une évaluation.

— La Cour des comptes critique l’absence d’un plan de lutte actualisé contre le tabagisme, soulignant le caractère unidimensionnel de la hausse des accises sur le tabac sans objectifs mesurables.

— Dans le domaine de la santé toujours, la Chambre des salariés (CSL) s’inquiète de l’impact de la réduction de la lettre clé pour les laboratoires d’analyses sur la viabilité financière des laboratoires et sur la qualité des soins de santé.

— La Cour des comptes critique de son côté le non-chiffrement des «Solidaritéitspak 2.0» et «3.0». Elle invite le gouvernement à fournir une évaluation chiffrée exhaustive.

— Le Syvicol réclame la publication annuelle des éléments composant la dotation forfaitaire du Fonds de dotation globale des communes (FDGC).

Un certain manque de transparence en matière de dépenses…

La Banque centrale du Luxembourg (BCL) est particulièrement préoccupée par le manque d’accès détaillé aux données des dépenses publiques, «au-delà de celles présentées dans la documentation budgétaire». Un accès restreint qui l’empêche «de réaliser une analyse approfondie des dépenses et de formuler des recommandations adéquates». Notamment en ce qui concerne les dépenses salariales. Des dépenses qui, constate la BCL, ont été systématiquement sous-estimées dans les projets de budget des dernières années. «Ce manque de précision budgétaire rend difficile l’évaluation de la soutenabilité des finances publiques à long terme.» Et d’enfoncer le clou: «Malgré une hausse importante des dépenses de rémunération projetées pour 2024, les informations fournies ne permettent pas de comprendre les facteurs sous-jacents à cette augmentation.» Et face au manque de transparence sur les mesures pour freiner les dépenses, la BCL s’interroge sur la volonté réelle du gouvernement de freiner la dynamique des dépenses.

Pour la Chambre des métiers, c’est le manque de détails sur les investissements publics qui est regrettable, «ce qui rend difficile l’évaluation de leur pertinence et de leur contribution au développement économique et à la résolution des défis structurels du pays».

L’attention de la Cour des comptes s’est focalisée sur les fonds spéciaux. Elle déplore l’absence d’informations «essentielles» concernant les projets financés par les fonds spéciaux, tels que les autorisations légales, les coûts globaux autorisés, les paiements effectués et prévus et pointe l’absence de ventilation des dépenses pour certains fonds, comme le Fonds de dotation globale des communes, rendant impossible l’analyse de la répartition des fonds entre les différentes communes.

Le Conseil national des finances publiques (CNFP) recommande au gouvernement d’expliquer de manière transparente les raisons pour lesquelles les montants maximaux de dépenses de l’administration centrale sont dépassés 

… et en matière de recettes

La BCL et la Chambre de commerce soulignent dans leurs avis la volatilité et la concentration de l’impôt sur le revenu des sociétés (IRS) principalement dans le secteur financier et l’impact que tout changement structurel affectant ces sociétés pourrait avoir sur les recettes publiques. Dans le contexte de l’imposition minimale des multinationales (le pilier 2), le rendement de cet impôt devient difficile à prévoir. La BCL encourage le ministre des Finances à fournir des précisions à ce sujet, «compte tenu de leur importance pour l’évaluation des finances publiques». Elle critique le manque de cohérence entre les projections de recettes de la taxe d’abonnement et les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes et pointe également du doigt des révisions importantes et surprenantes des recettes de la TVA sur une longue période. Enfin, la BCL recommande la publication régulière de la répartition des recettes provenant des participations de l’État dans le projet de budget, pour une meilleure transparence.

La Cour des comptes souligne que les estimations du PIB sont souvent révisées au fur et à mesure que des données supplémentaires sont collectées. Elle encourage des révisions régulières et transparentes des prévisions budgétaires pour refléter au mieux la réalité économique du pays.