Lors de la session de printemps de l’assemblée parlementaire de l’Otan, qui s’est tenue du vendredi 19 au lundi 22 mai, la guerre en Ukraine a bien sûr été au cœur des discussions. Mais l’événement permet aussi de remettre sur la table l’éternelle polémique concernant le montant de la participation du Luxembourg au budget de l’Otan, le pays étant bon dernier en la matière.
Selon les estimations de l’Otan pour 2022, le Luxembourg consacre en effet 0,58% de son PIB aux dépenses de défense (le ministère de la Défense évalue cette part à 0,62%), loin derrière l’avant-dernier, l’Espagne (1,01%).
Ce chiffre surprend d’autant plus que les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Otan se sont mis d’accord en 2014 – en réaction à l’annexion illégale de la Crimée par la Russie – pour se rapprocher d’un budget défense équivalent à 2% de leur PIB d’ici 2024. Le Luxembourg est donc bien loin de pouvoir prétendre atteindre un tel objectif.
Le pays a toutefois fait des efforts ces dernières années. Alors qu’il consacrait 0,37% de son PIB en dépenses de défense en 2014, celles-ci ont depuis presque doublé (+96%) avec un budget de 464 millions d’euros en 2022.
Il convient cependant de noter que, sur la même période, d’autres pays européens ont bien davantage investi dans le domaine: +240% pour la Lituanie, +174% pour la Lettonie, +140% pour la Slovaquie… La Pologne, qui consacre déjà 2,4% de son PIB à la défense en 2022, a même annoncé l’été dernier vouloir atteindre 5%.
1% du PIB en 2028
Le gouvernement luxembourgeois veut en tout cas continuer sur sa lancée: il vise un budget de 649 millions d’euros en 2024, soit 0,77% du PIB, et , avec 994 millions d’euros et donc des dépenses atteignant 1% du PIB.
Mais le ministre de la Défense, (déi Gréng), qui a présenté ses ambitions vendredi 19 mai lors de l’assemblée parlementaire, n’a pas pu éviter des critiques, certains alliés étant sceptiques sur la capacité du pays à atteindre l’objectif de 2%, a relevé le Wort.
Le gouvernement ne se fixe d’ailleurs même pas cette ambition. «Si nous voulions atteindre les 2%, nous devrions faire un effort irréaliste que nous ne serions pas en mesure de gérer», avait ainsi prévenu François Bausch . La faute à une méthodologie jugée en elle-même problématique: l’approche de l’Otan, centrée sur le PIB, ne prend «pas en compte la spécificité luxembourgeoise», juge-t-il. De fait, le PIB luxembourgeois – 2,66 fois plus élevé que la moyenne de l’Union européenne, rappelle-t-il – est élevé (du fait de la grande part de travailleurs frontaliers) par rapport à la taille du pays et à celle de son armée (environ 900 soldats actifs, la plus petite de tous les membres de l’Otan).
«Irréaliste et irréalisable»
Surtout, augmenter les dépenses de défense à 2% du PIB, soit 1,7 milliard d’euros, reviendrait à consacrer à la défense 7,5% du budget de l’État. Par comparaison, cela reviendrait à se procurer tous les trois ans l’équivalent du programme F-35 de la Belgique (34 avions pour 3,6 milliards d’euros) et financer son exploitation (400 millions d’euros par an). Ou à acquérir annuellement un satellite d’observation (180 millions d’euros), un satellite de communication (200 millions), un avion ravitailleur (220 millions), un avion de transport (200 millions) et 80 véhicules tactiques (367 millions). «Irréaliste et irréalisable!», avait alors commenté le ministère de la Défense.
Un point positif reste les dépenses d’investissements réalisées par le Luxembourg. Depuis 2014, l’Otan a fixé l’objectif de porter à 20% ou plus «la part des dépenses de défense annuelles consacrée à l’acquisition de nouveaux équipements majeurs». Un objectif pleinement atteint: en 2022, le Luxembourg consacre 52,4% de ses dépenses de défense à l’équipement et au R&D – le plus haut taux de l’Otan. Cela peut cependant là aussi s’expliquer par la taille réduite de l’armée et des infrastructures, réduisant de facto les parts dédiées aux postes «fonctionnement et maintenance», «personnel» ou «infrastructure».