Les divers avis rendus sur le projet de budget appellent à une gestion prudente des deniers publics tout en soulignant le rôle des investissements publics.  (Photo: Shutterstock)

Les divers avis rendus sur le projet de budget appellent à une gestion prudente des deniers publics tout en soulignant le rôle des investissements publics.  (Photo: Shutterstock)

Les avis sur le budget 2025 convergent sur la nécessité d’une gestion prudente des finances publiques. Cependant, ils divergent sur les mesures à prendre pour stimuler la croissance, réduire les inégalités et assurer la soutenabilité du système de protection sociale.

Alors que le rapporteur du budget,  (DP), va présenter son projet de rapport ce 17 décembre, en prélude du vote en séance plénière programmé qui devrait se tenir dans les jours suivants, revenons sur les faits saillants des avis rendus par les chambres professionnelles, le Conseil d’État, la Cour des comptes et la Banque centrale du Luxembourg (BCL).

Vulnérabilités locales

S’il y a un point sur lequel tous les avis sont d’accord, c’est celui de la reconnaissance des fortes incertitudes quant à la situation économique mondiale. Incertitudes notamment liées aux tensions géopolitiques en Ukraine et au Proche-Orient et à l’inflation.

Mais ils divergent quant à leur appréciation de la situation économique actuelle du Luxembourg. Pour le Conseil d’État, les hypothèses de croissance sur lesquelles sont basés les textes budgétaires sont trop optimistes. La Chambre des salariés (CSL) pointe, elle, les importantes différences existant entre les secteurs en mettant en exergue les difficultés dans la construction, le commerce et l’industrie. La Cour des comptes souligne, pour la déplorer, la dépendance du pays au secteur financier. Secteur qui représente une part importante du PIB et une grande partie des rentrées fiscales.

Le besoin d’investissements publics

Deuxième point de convergence: la nécessité de garantir un haut niveau d’investissements publics. La Chambre des salariés (CSL) et la Chambre des métiers soulignent que les investissements publics sont nécessaires pour relever les défis auxquels le pays est confronté, notamment en matière de logement, de santé, d’éducation et d’infrastructures. Mais si la première appelle à un «policy mix» expansionniste pour stimuler la demande et mener la production à son plein potentiel, la Chambre des métiers regrette que les finances publiques ne retrouvent plus l’équilibre à moyen terme, «alors que des finances saines sont un impératif pour un petit pays comme le Luxembourg».

La Chambre de commerce insiste fortement sur la nécessité de retrouver des marges de manœuvre budgétaires «afin de mettre le pays en capacité d’affronter les crises futures». Et donne un satisfecit au gouvernement pour avoir inversé l’effet ciseau apparu en 2022, qui voyait les dépenses progresser plus vite que les recettes. La Chambre de commerce fait de même en soulignant le caractère non pérenne de certaines recettes, comme les taxes sur les carburants. Elle se dit satisfaite quant à la baisse de l’impôt sur le revenu des collectivités (IRC), tout en appelant à poursuivre les efforts, et plaide de nouveau pour la suppression de la taxe d’abonnement.

CSL et Chambre de commerce se retrouvent sur la nécessité d’investir dans les ressources humaines. La CSL recommande le développement de la formation professionnelle initiale et continue (upskilling/reskilling) pour combler le déficit de compétences et répondre aux besoins du marché du travail. Elle souligne l’importance d’investir dans la formation des jeunes et des adultes. La Chambre de commerce recommande d’accroître le cofinancement des formations professionnelles. 

La Chambre des métiers encourage, pour sa part, le gouvernement et les communes à anticiper leurs projets d’investissement, notamment dans la construction et la rénovation, afin de profiter de prix compétitifs et de stimuler l’activité économique. Elle propose de recourir à des prestataires externes pour accélérer la préparation des dossiers de soumission.

Les inquiétudes sur le dialogue social

Troisième point de convergence: l’importance du dialogue social. Plusieurs avis soulignent l’importance du dialogue social pour garantir la paix sociale et la cohésion au Luxembourg. La Chambre des fonctionnaires et employés publics (CHFEP) insiste particulièrement sur ce point, critiquant les agissements récents du gouvernement qui remettent en cause le dialogue social, notamment dans la fonction publique. Dans son collimateur, l’intégration du Service national de la sécurité dans l’Inspection du travail et des mines (ITM). Pour la CHFEP, l’État doit disposer de règles de sécurité spécifiques pour les places et bâtiments publics. Le Conseil d’État, de son côté, critique le fait que cette disposition soit un cavalier budgétaire, non conforme à la technique des lois budgétaires.

L’importance qu’entend donner le gouvernement en matière de dialogue social sera mesurée dans sa gestion de la réforme de la retraite. La CHFEP et la Cour des comptes se disent préoccupées. Elles mettent en garde contre une réforme non réfléchie qui pourrait mettre en cause les droits et acquis sociaux des retraités. Elles insistent sur la nécessité d’un dialogue social approfondi pour toute réforme du système de pension.

Fiabilité des prévisions à revoir

Au rayon des critiques, les principales adressées au projet de budget 2025 concernent la fiabilité des prévisions, le niveau et la nature des investissements, la politique fiscale et la maîtrise des dépenses de fonctionnement de l’État. Ces critiques soulignent la nécessité d’une plus grande transparence, d’une vision à long terme et d’une gestion responsable des finances publiques pour assurer la prospérité et la cohésion sociale du Luxembourg.

Pour ce qui est de la fiabilité des prévisions budgétaires, la Chambre des métiers souligne que les déficits de l’Administration publique ont été systématiquement surestimés ces dernières années. Elle s’interroge sur la justesse des estimations pour 2025, compte tenu de l’impact imprévisible des crises récentes, notamment dans la construction et l’énergie. La CSL, tout en reconnaissant la difficulté de réaliser des prévisions à moyen terme dans un contexte économique incertain, déplore le manque d’ambition du budget des dépenses par rapport aux annonces du gouvernement.

La Cour des comptes souligne que les estimations du PIB sont souvent révisées au fur et à mesure que des données supplémentaires sont collectées. Elle encourage des révisions régulières et transparentes des prévisions budgétaires pour refléter au mieux la réalité économique du pays. Le CNFP recommande au gouvernement d’expliquer de manière transparente les raisons pour lesquelles les montants maximaux de dépenses de l’administration centrale sont dépassés. Il suggère que ces dépassements pourraient être justifiés par des mesures nouvelles ou des changements dans les prévisions macroéconomiques.

La Banque centrale du Luxembourg (BCL), si elle se montre globalement positive sur le projet de budget 2025, souligne la nécessité d’une plus grande transparence et d’une gestion prudente des dépenses publiques.

Pour ce qui est des politiques d’investissement, la CSL critique la réduction des investissements dans le logement abordable prévue par le projet de budget pluriannuel 2024-2028, la jugeant contradictoire avec l’objectif affiché de faire de la promotion du logement abordable une priorité politique. Elle souligne l’urgence d’accélérer la construction de logements publics abordables face à la crise persistante du logement. La Cour des comptes met en lumière la diminution des investissements publics entre les prévisions du projet de budget pluriannuel 2023-2027 et celles du projet 2024-2028, notamment dans les secteurs du logement et de la santé. Elle s’interroge sur la capacité du budget à répondre aux grands défis du pays, tels que le réchauffement climatique et le manque de logements.

Politique fiscale et dépenses de fonctionnement

En matière de politique fiscale, la CSL regrette que le projet de budget ne prévoie pas une adaptation de l’ensemble des prestations familiales au coût de la vie, se limitant à l’indexation de l’allocation familiale de base et des majorations d’âge. Elle salue néanmoins l’adaptation technique du barème de l’impôt aux tranches indiciaires tout en réitérant sa demande d’une adaptation globale prenant en compte l’inflation et la hausse des coûts de la vie. Elle souligne l’importance de soutenir les familles, en particulier celles à faibles revenus.

De son côté, la Cour des comptes critique l’absence d’une évaluation chiffrée exhaustive de l’impact budgétaire des mesures fiscales du «paquet d’allègement» et des mesures de relance du marché du logement. Elle invite le gouvernement à fournir une analyse plus détaillée des retombées de ces mesures sur l’activité économique et les investissements. La CHFEP attend quant à elle «avec impatience» la mise en place d’une classe d’impôt unique, «annoncée depuis des années». Elle recommande la simplification des procédures administratives pour les contribuables et souligne l’importance de garantir un accès facile aux services fiscaux.

Sur l’évolution des dépenses de fonctionnement, si la Chambre des métiers s’inquiète de la hausse significative du poste budgétaire «rémunération des salariés» et appelle à des réformes structurelles pour réduire les frais de fonctionnement de l’État, la CHFEP met en garde contre des mesures d’économie irrationnelles au niveau du fonctionnement de l’État qui pourraient mettre en cause le bon fonctionnement des services publics. Elle rappelle l’importance d’une fonction publique solide et performante pour répondre aux défis actuels et futurs.

Pour la BCL, l’enjeu budgétaire majeur pour le gouvernement est de maîtriser l’évolution des dépenses de personnel dans le secteur public. Elle note que les dépenses ne diminueraient que légèrement au cours de la période 2025-2028, et qu’une baisse plus marquée aurait été souhaitable pour faire face aux défis structurels de l’économie luxembourgeoise.

La Chambre des métiers recommande de limiter la création de nouvelles prestations et d’augmenter les prises en charge existantes pour freiner l’augmentation des dépenses de l’assurance maladie-maternité (AMM).

La Chambre de commerce s’inquiète pour sa part de la dégradation des comptes sociaux et appelle à des réformes pour garantir la soutenabilité des systèmes de pension, de dépendance et de santé. Tout comme la Chambre des métiers. À l’inverse de la CSL et de la CHFEP.