Interdit aux Parisiens! En déplacement à Metz, ce vendredi 25 novembre, Bruno Retailleau avait pris grand soin de réserver son unique prise de parole publique aux seuls journalistes locaux à l’occasion d’une conférence de presse présentée comme informelle, et programmée à l’issue d’une nouvelle journée sur le terrain pour celui qui, avec la discipline d’un moine-soldat, enchaîne les déplacements depuis sa nomination à Beauvau, il y a de cela deux mois. Portefeuille dont tout politique un peu ambitieux rêve à haute voix même quand il ne se rase pas le matin.
«Je suis un provincial», a rappelé le ministre vendéen, après avoir tour à tour rencontré les services de police, de gendarmerie, de la préfecture, les personnels administratifs, mais aussi des élus locaux. À l’image de François Grosdidier, le maire de Metz, «un ami de longue date». Longtemps, les deux hommes ont porté la même casaque, celle du parti Les Républicains (LR). Mais M. Grosdidier en a claqué la porte après l’élection à la présidence d’Éric Ciotti (qu’il a depuis quittée, s’acoquinant avec le Rassemblement national). M. Retailleau, lui, est resté. Depuis que le Premier ministre Michel Barnier, un LR lui aussi, lui a confié le ministère de l’Intérieur, il incarne la figure hypermédiatique d’un gouvernement par ailleurs pauvre en poids lourds ou connus du grand public. Les LR, pourtant, ont largement été distancés lors des élections législatives anticipées de juillet dernier et sont, en conséquence, sous-représentés à l’Assemblée nationale, l’égal de la Chambre des députés.
Ode à François Grosdidier
Depuis son installation, Bruno Retailleau n’a de cesse d’asséner des messages de sécurité. Son credo. «L’ordre, l’ordre, l’ordre», avait-il énuméré lors de sa prise de fonction, au moment d’évoquer ses tout premiers chantiers. «J’assume ma fermeté», a-t-il répété à Metz, verbe sec, silhouette à l’avenant.
Après quelques minutes, Bruno Retailleau a donc prononcé le mot pour la première fois: «On a une forme d’ensauvagement de la société, quoi qu’en Moselle on obtient de bons résultats en matière de sécurité. La sécurité, c’est l’affaire de tous. On n’y arrivera pas si les collectivités et les maires ne prennent pas leur part.»
Pour lui, François Grosdidier coche toutes les cases. En 2020, le maire avait gagné l’Hôtel de Ville en coffrant la thématique sécuritaire au cœur de sa campagne. «Les polices municipales sont la concrétisation des pouvoirs de police du maire. Je salue l’action de François Grosdidier, elle est exemplaire.»
De la sécurité à l’immigration, il n’y avait qu’un pas, franchi avec l’assurance de celui qui sait pourquoi on l’a nommé à ce poste: «La France est une société ouverte, pas raciste, mais personne ne peut supporter un trop grand nombre [d’immigrés illégaux]», a-t-il martelé.
Pour le sexagénaire (64 ans dans une poignée de jours), tenants d’une droite que l’on présentera comme conservatrice, «la lutte contre l’immigration illégale est une préoccupation majeure des Français. Et c’est le cas partout en Europe. Tous les peuples veulent la même chose. Et quand les gouvernements ne les écoutent pas, les électeurs les chassent et les remplacent par des gouvernements populistes».
Léon Gloden l’a appelé
À Metz, Bruno Retailleau a affirmé avoir eu, il y a quelques jours, un échange avec son homologue luxembourgeois . Face aux micros, le patronyme du ministre CSV lui est certes resté sur le bout de la langue. Il a hésité. Mais il assure avoir rassuré son vis-à-vis quant au contrôle aux frontières. Problématique sensible depuis que, de son côté, l’Allemagne a décidé de hausser le ton en la matière.
«Le Luxembourg avait le souci de ce dialogue pour vérifier que les règles ne seraient pas différentes. Elles ne le seront pas. Ma volonté n’est pas d’embêter les travailleurs frontaliers», a développé Bruno Retailleau. «J’ai également contacté nos amis allemands, car j’ai eu l’impression qu’ils avaient une pratique plus stricte par rapport à nos concitoyens», a-t-il ensuite souri.
«Tenir nos frontières»
À Luxembourg, lors de l’un de ses premiers déplacements à l’occasion d’une réunion des ministres de l’Intérieur de l’UE, Bruno Retailleau a introduit une demande de modification de la directive «retour». «L’objectif que nous poursuivons, c’est de tenir nos frontières. Hélas, nous avons une directive qui ne le permet pas», a-t-il dénoncé.
Pour le reste, Bruno Retailleau a évolué dans le registre attendu, classique compte tenu de son pedigree. Il a promis «une relance de la politique familiale» et d’être intraitable avec les occupations illégales de terrains par les gens du voyage (dossier majeur en Moselle, où des maires se disent abandonnés par l’État), notamment «en frappant au portefeuille». «Les grosses cylindrées, comment vous vous les êtes procurées? Montrez-nous les preuves», a-t-il lancé.
«Paris ne sait pas tout»
Enfin, Bruno Retailleau a entonné le refrain de la proximité: «L’État territorial doit être organisé à partir des départements», a-t-il esquissé. «L’échelon départemental a la bonne taille. C’est une maille suffisante pour intervenir. Plus on s’éloigne de nos concitoyens, plus la confiance se réduit. La démocratie, c’est une géographie humaine.»
Pour lui, «Paris ne sait pas tout». «On construit des règles à Paris, mais sont-elles bonnes pour la Moselle?», s’est-il interrogé. Bon, c'’est quand même à Paris, ensuite, qu’il lui a fallu rentrer. Alors, à 17h30, la séance a été levée. Un TGV l’attendait.