Cette première semaine de décembre sera décisive pour le futur des relations entre Union européenne et Royaume-Uni. (Photo: Shutterstock)

Cette première semaine de décembre sera décisive pour le futur des relations entre Union européenne et Royaume-Uni. (Photo: Shutterstock)

Dans un mois, le divorce entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sera acté. Et pourtant, l’accord définitif se fait toujours attendre. Cette première semaine de décembre s’annonce décisive pour l’avenir de l’Europe.

«The clock is ticking.» pour le compte de l’Union européenne, Michel Barnier. Et, même s’il aurait aimé éviter cette situation, l’homme sait que les jours sont comptés avant et qu’un accord de dernière minute doit être trouvé. «On est à la limite. C’est encore possible, mais c’est la limite», glisse le député européen Philippe Lamberts (Vert-ALE).

Quand la pression est réelle et la nécessité évidente, le législateur peut réagir très vite.
Charles Goerens

Charles Goerensdéputé européenDP

Le futur accord doit encore passer par le Parlement, et les procédures prennent du temps. Mais, rassure le député européen  (DP), «quand la pression est réelle et la nécessité évidente, le législateur peut réagir très vite. Il n’est pas exclu que tout se passe lors de la plénière du Parlement, fin décembre», précise-t-il, validant la thèse d’un accord conclu à l’arraché.

«Le Parlement européen a besoin de 25 jours. C’est lié à la vérification juridique, la traduction dans toutes les langues officielles. Ça prend plusieurs mois normalement, mais vu les circonstances, nous allons le faire en 25 jours. On parle d’un rapport de 800 à 900 pages. On s’inquiète pour le timing, on ne va pas se contenter de mettre un tampon», explique pour sa part l’eurodéputé (CSV-PPE), également rapporteur du Parlement européen pour l’accord commercial entre UE et Royaume-Uni, qui détaille: «Avec un accord le 3 décembre, cela nous emmènerait au 28, puis il y aurait un vote en commission conjointe commerce extérieur et affaires étrangères. Si nous pouvons faire ceci le 29 décembre, l’accord pourrait être approuvé en plénière dès le lendemain. Il faut donc un accord cette semaine, sinon ça ne sera plus possible».

Boris Johnson joue la montre

Si la procédure de sortie de l’Union européenne, décidée en juin 2016, joue les prolongations, il est plus que jamais question de temps. Plusieurs options ont été posées sur la table pour en gagner, comme le fait de ne travailler sur l’accord qu’en anglais. Ce à quoi se sont opposés plusieurs pays membres, France en tête. Une application provisoire de l’accord était également dans les cartons de certains fonctionnaires européens. «Pas envisageable pour le Parlement», indique Christophe Hansen, qui pointe l’incertitude juridique qu’une telle manœuvre ferait peser sur l’équilibre institutionnel.

À l’inverse, si les décideurs bruxellois cherchent à solder le problème au plus vite, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, joue la montre. «La tactique de Boris Johnson est de pousser les choses jusqu’au bout. Il a l’avantage de pouvoir faire passer un accord en 3 à 4 jours. Ce qui lui permettrait, par la même occasion, de laisser moins de temps à ses électeurs et aux autres partis d’analyser le texte final, et de limiter les attaques à son encontre à l’échelle nationale», avance une source diplomatique.  

Trois dossiers comme des écueils majeurs

D’abord souhaité pour mi-octobre, puis fin octobre, avant que la mi-novembre ne soit désignée comme la dernière chance avant le point de non-retour – les parties prenantes du côté de l’UE parlaient de délai incompressible –, un accord en décembre pourrait donc être trouvé sans dommages collatéraux. Mais il faudra trouver des solutions sur les trois points chauds qui continuent de séparer Londres et Bruxelles. À commencer par la pêche.

Concernant ce sujet, chaque camp attend un effort de la part de l’autre. L’Union européenne, qui n’est pas en position de force sur le sujet, aimerait faire peser l’accès au marché européen en matière d’énergie et de transports dans la balance. Concrètement, les 27 pays membres veulent pouvoir pêcher dans les eaux britanniques. Michel Barnier avait proposé que l’institution supranationale reverse 15 à 18% de la valeur de la pêche qui y serait réalisée. Downing Street, qui ne veut rien céder à ce propos, a refusé tout en ayant conscience, dans le même temps, de l’importance de pouvoir accéder au marché européen, qui représente quelque 400 millions de personnes.

«La pêche représente 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour l’Union européenne. L’UE pêche pour 650 millions d’euros dans les eaux britanniques, et le Royaume-Uni pour 150 millions dans les eaux européennes. C’est quelque chose de très symbolique qui va avec le leitmotiv du Royaume-Uni, ‘we take back the control’», synthétise Christophe Hansen, qui rappelle également que le Royaume-Uni exporte pour 700 millions d’euros au sein de l’Union dans le domaine de l’énergie. Ce qui ne serait potentiellement plus possible sans accord. 

Concurrence et gouvernance

Outre la pêche, les négociateurs, qui ont passé le week-end dans la caverne – surnom dont sont affublées les salles du ministère des Entreprises à Londres, lorsque les rencontres n’ont pas lieu à Bruxelles –, devront également se mettre d’accord en matière de concurrence équitable. Michel Barnier s’était dit, au nom des 27, prêt à signer un accord «zéro tarif – zéro quota» avec le Royaume-Uni, à condition que celui-ci s’engage à respecter les normes en matière d’aides d’État. L’UE craint en effet que le gouvernement de Boris Johnson profite de l’occasion pour financer massivement certains secteurs, revoit les normes sociales et environnementales à la baisse et que les bénéficiaires de ces aides soient avantagés sur le marché commun. Là encore, expliquait la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, «des difficultés significatives demeurent».

On connaît depuis des mois nos positions respectives. Le Royaume-Uni a plus à perdre que l’Union européenne.
Christophe Hansen

Christophe Hansendéputé européenCSV

Enfin, il faudra également régler les divergences en matière de gouvernance. «C’est un point très important. L’Union européenne estime qu’en dernière instance, lors d’un conflit, la Cour de Justice installée à Luxembourg devrait être le juge ultime», résume Christophe Hansen.

Au nom de la souveraineté, Londres refuse catégoriquement. Mais, rappelle Philippe Lamberts, «accepter de négocier des traités internationaux, c’est accepter des restrictions en termes de souveraineté». Reste à voir jusqu’où Boris Johnson, dans une position de plus en plus délicate au Royaume-Uni, ira.  

L’effet Biden

L’élection de Joe Biden pourrait également avoir un rôle déterminant dans les futures négociations. «Celui qui avait promis le ciel à Boris Johnson quittera la Maison-Blanche en janvier prochain», déclare l’eurodéputé Charles Goerens, faisant référence aux relations qu’entretenaient Donald Trump et le Premier ministre britannique.

«L’arrivée de Biden, qui semble conditionner la suite des relations entre le Royaume-Uni et les États-Unis au maintien de la paix en Irlande, pèse lourd. Johnson ne peut pas se passer d’un accord commercial avec les États-Unis. Comment pourrait-il expliquer le fait de se passer de ses deux partenaires les plus importants ?», s’interroge un diplomate européen.  

Dès lors, même si la confiance semble de mise, malgré la faible marge de manœuvre, quid d’un 1er janvier sans accord? «On retournerait aux règles de l’OMC, qui n’ont rien à voir avec le ‘zéro tarif – zéro quota’», met en garde le rapporteur Christophe Hansen, qui conclut: «On connaît depuis des mois nos positions respectives. Le Royaume-Uni a plus à perdre que l’Union européenne.»