Quelles sont les raisons qui poussent les promoteurs et développeurs à envisager avec un intérêt croissant la construction bois?
Philippe Courtoy. – «La construction bois est actuellement ce qui se fait de mieux en termes d’éco-conception. Elle permet de réduire considérablement l’empreinte environnementale des bâtiments, à l’heure où la décarbonation de la construction devient une nécessité. Cet attrait s’explique également par la volonté croissante de verdir les portefeuilles d’investissement. Les acteurs financiers intègrent les critères ESG au cœur de leur démarche. Les performances environnementales d’un immeuble, les émissions de carbone associées à sa construction et à son utilisation, comptent de plus en plus. Progressivement, ces facteurs sont aussi pris en considération lorsqu’il s’agit de délivrer des permis. En France ou encore aux Pays-Bas, le permis n’est accordé que s’il présente une empreinte carbone réduite. Ces règles devraient, à terme, être généralisées à l’échelle de l’Union européenne. Les promoteurs et développeurs, dans l’optique de proposer des biens immobiliers bas carbone, se tournent donc de plus en plus vers la construction bois.
Dans cette optique, quels sont les atouts du bois?
«Le recours aux matériaux biosourcés, comme le bois, permet de réaliser des constructions avec une empreinte carbone ultra réduite. Non seulement leur production génère peu de CO2, mais surtout, ils présentent l’avantage de stocker le dioxyde de carbone que l’arbre a capté durant sa phase de croissance, et ce durant toute la durée de vie du bâtiment et même au-delà.
La construction bois est actuellement ce qui se fait de mieux en termes d’éco-conception.
Comment cela?
«Un bâtiment érigé avec une structure en bois préserve l’atmosphère de tout le carbone qu’il contient. Une fois l’immeuble en fin de vie, suite à sa déconstruction, le bois pourra être revalorisé à travers d’autres usages. On peut le compacter pour en faire des panneaux, à nouveau utilisables dans la construction. Ce n’est qu’une fois qu’ils ne pourront plus être utilisés que les éléments en bois pourront être brûlés, afin de produire de l’énergie, par exemple. C’est seulement à ce moment-là, plusieurs dizaines d’années après la coupe de l’arbre, que le carbone qu’il contient sera libéré dans l’atmosphère, afin d’être réabsorbé par des arbres en croissance.
Considérant tous ces atouts, pourquoi ne voit-on pas davantage de projets recourant à ce matériau?
«D’abord, parce qu’il s’agit d’une approche relativement récente. Il y a 10 ou 15 ans, les acteurs n’avaient pas forcément confiance dans ce matériau. Il a d’abord fallu convaincre. Ensuite, si le recours au bois présente de nombreux avantages, il faut aussi considérer certaines contraintes. D’abord, le coût de construction d’immeubles à ossature bois est plus élevé. C’est sans doute l’élément le plus pénalisant. Les performances mécaniques ou encore acoustiques du bois sont inférieures à celles du béton ou de l’acier. Ces développements impliquent de recourir à des volumes de matière première plus importants, mais aussi de mettre en œuvre des techniques différentes, afin de contrebalancer certains désavantages. La gestion de l’humidité doit par exemple être appréhendée de manière spécifique. Si l’on sait aujourd’hui comment y parvenir, à travers toute une série de précautions à prendre lorsqu’on met en œuvre de tels projets, cela représente un coût supplémentaire. Pouvoir anticiper ces projets suffisamment en amont permet de limiter ces coûts. Notre rôle, chez Wood Shapers, est de renforcer l’expertise autour de ces enjeux pour accompagner les promoteurs ou encore les architectes dans la conception d’immeubles qui peuvent tirer avantage des matériaux biosourcés.
À l’échelle d’un bâtiment comme Wooden à Leudelange, que vous avez accompagné, quelle place occupe le bois?
«Wooden est un immeuble mixte. Il faut avoir conscience que le bois ne peut pas être utilisé partout. Il ne peut pas être mis en œuvre au niveau des éléments enterrés. Concernant les trois niveaux de sous-sol, on a dû recourir au béton. Le bois est utilisé au niveau de l’ossature hors-sol. D’autres matériaux entrent en ligne de compte, comme le verre ou encore l’acier. In fine, le bois doit constituer 30% de la structure.
La quantité de CO2 liée à la mise en œuvre d’un tel bâtiment est loin d’être neutre?
«Cela varie d’un bâtiment à l’autre. En l’occurrence, le recours au bois doit être considéré comme un levier, parmi d’autres, permettant de minimiser le coût carbone d’un bâtiment. Ces enjeux doivent être considérés suivant une approche à long terme. Les normes, les législations évoluent. Considérer l’ensemble des éléments contribuant à améliorer la performance environnementale des bâtiments, pouvoir les mettre en œuvre de manière cohérente, doit contribuer à la préservation de la valeur des immeubles dans le temps. Un immeuble dont la performance énergétique est optimisée ou dont le niveau carbone est faible s’appréciera mieux dans le temps.
On devrait donc voir ce type d’immeubles se multiplier…
«Oui. Aujourd’hui, des promoteurs s’engagent dans cette voie pour des enjeux de valorisation. À l’avenir, la législation devrait soutenir cette tendance. Il faut toutefois avoir conscience qu’il s’agit d’une approche nouvelle. On part de zéro. Il ne faut pas s’attendre à ce que 50% des bâtiments sortant de terre aient recours au bois. Le matériau présente un intérêt au niveau de l’immobilier tertiaire, pour justement réduire le coût carbone des bâtiments. Il est souvent employé au niveau de bâtiments publics, comme des écoles ou des halls sportifs. Si l’on considère le multirésidentiel, les contraintes ne sont pas les mêmes. Il est donc encore plus important de préparer le projet en amont et de s’appuyer sur l’expertise de spécialistes tels que nous pour parvenir à limiter les surcoûts. Car on sait que les acquéreurs, au niveau résidentiel, sont moins enclins à dépenser plus parce que c’est du bois.
Lorsqu’on pense au bois, on évoque aussi souvent des craintes liées à sa disponibilité.
«Il est important de veiller à une gestion durable de la forêt. En la matière, je ne pense pas que la construction bois constitue une menace particulière. Aujourd’hui, la forêt européenne est en croissance. Actuellement, on ne prélève que 75% de la biomasse générée annuellement. La construction d’éléments structurels dédiés à l’immobilier ne représente qu’une toute petite part de cette exploitation forestière. La fabrication de papier et de panneaux ou encore la filière bois-énergie sont de bien plus gros consommateurs. Comme je le disais, en outre, le recours au bois dans la construction présente l’avantage de stocker pendant de très longues périodes le CO2 capté au fil de la croissance des arbres.»
La durabilité du bois
À la question: lorsqu’on pense au bois, on évoque aussi souvent des craintes liées à sa disponibilité? Philippe Courtoy explique: «Il est important de veiller à une gestion durable de la forêt. En la matière, je ne pense pas que la construction bois constitue une menace particulière. Aujourd’hui, la forêt européenne est en croissance. Actuellement, on ne prélève que 75% de la biomasse générée annuellement. La construction d’éléments structurels dédiés à l’immobilier ne représente qu’une toute petite part de cette exploitation forestière. La fabrication de papier et de panneaux ou encore la filière bois-énergie sont de bien plus gros consommateurs. Comme je le disais, en outre, le recours au bois dans la construction présente l’avantage de stocker pendant de très longues périodes le CO2 capté au fil de la croissance des arbres.»
Cet article a été rédigé pour le supplément Mipim 2024 de l’édition de parue le 28 février. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.
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