«Le rôle du ministère de l’Intérieur est le contrôle de la légalité, ce n’est pas un contrôle politique, mais juridique», a tenu à préciser Taina Bofferding.   (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

«Le rôle du ministère de l’Intérieur est le contrôle de la légalité, ce n’est pas un contrôle politique, mais juridique», a tenu à préciser Taina Bofferding.   (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

La ministre de l’Intérieur a annoncé ce mardi matin ne pas approuver l’interdiction de la mendicité telle qu’adoptée fin mars par la majorité DP-CSV à la Ville de Luxembourg. Un camouflet pour la coalition au pouvoir qui a annoncé dans la foulée un recours en annulation à l’encontre de la décision du ministère.

«Après analyse, notre conclusion est que le règlement de police de la Ville de Luxembourg n’est pas conforme à la législation nationale ni aux traités internationaux. Ce sont ces arguments qui me mènent à la décision de ne pas approuver cette disposition du règlement», déclarait mardi matin la ministre de l’Intérieur, (LSAP), à propos de

Cette décision de la majorité DP-CSV l’opposition dénonçant une mesure purement «symbolique» et à la légalité discutable. La décision du ministère de l’Intérieur, qui doit, depuis le 1er janvier 2023, approuver les règlements de police générale des communes, était donc très attendue.

«Le rôle du ministère de l’Intérieur est le contrôle de la légalité, ce n’est pas un contrôle politique, mais juridique», tient à préciser Taina Bofferding, alors que la décision du ministère survient moins d’un mois avant les élections communales et que le sujet de l’insécurité dans la capitale s’est imposé au sein de la campagne.

Trois arguments juridiques

Trois arguments juridiques sont au cœur de la décision du ministère de ne pas approuver l’article 42 du règlement de police, qui introduit une interdiction de la mendicité de 7h à 22h sur certaines zones publiques de la Ville, la particularité de cette interdiction étant de viser à la fois la mendicité simple et la mendicité organisée.

Premier argument juridique: il n’existe «aucune motivation sur la nécessité d’intervenir dans le domaine de la mendicité par voie réglementaire», constate le ministère. Or, «le conseil communal peut intervenir et prendre des mesures pénales lorsqu’il parvient à prouver leur nécessité», mais il «n’a pas su démontrer la nécessité d’incriminer la mendicité simple pour des raisons tenant à l’ordre public».

Non conforme au droit

Deuxième argument: la non-conformité avec le droit national, notamment aux dispositions du Code pénal. Celles-ci interdisent «des formes aggravées, intrusives ou agressives de la mendicité», explique le ministère. Dans le droit national, «non seulement la mendicité simple n’a jamais été considérée comme un phénomène susceptible de menacer l’ordre public, mais elle a également été dépénalisée», ajoute-t-il. Or, le conseil communal «semble réintroduire l’interdiction de la mendicité simple au niveau local».

Enfin, en guise de troisième argument, le ministère constate une non-conformité avec le droit international, notamment avec l’arrêt Lacatus contre Suisse de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). «Les juges ont retenu que l’interdiction de la mendicité invasive était constitutionnelle, alors que celle visant la mendicité passive (silencieuse) ne l’était pas», rappelle le ministère. Alors que l’article 42 «revient à une interdiction générale de fait», la CEDH «a conclu que l’interdiction pure et simple de la mendicité était à considérer comme étant une ingérence dans les droits des concernés dans une société démocratique», explique donc le ministère.

Circulaire en préparation

Après cette désapprobation du ministère se pose la question des communes qui ont déjà mis en place des interdictions similaires, telles que Diekirch, Dudelange ou Ettelbruck. Les règlements de celles-ci, ayant été adoptés avant le 1er janvier 2023, n’avaient pas été soumis à l’approbation du ministère de l’Intérieur. «Nous étions déjà en contact avec les communes pour leur expliquer que leurs dispositions ne sont pas conformes aux législations», explique Taina Bofferding. «Nous allons désormais publier une circulaire pour informer toutes les communes.»

Le débat semble cependant loin d'être clos: dans la foulée de la conférence de la ministre Taina Bofferding, la bourgmestre de la Ville, (DP), et le premier échevin, (CSV), ont tenu un point presse ce mardi en début d'après-midi. Rejetant l'argumentaire juridique du ministère, ils ont annoncé vouloir effectuer un recours en annulation à l'encontre de sa décision.