Le Black Friday se consomme aussi en ligne. Et c’est là que peuvent se présenter quelques (mauvaises) surprises.  (Photo: Shutterstock)

Le Black Friday se consomme aussi en ligne. Et c’est là que peuvent se présenter quelques (mauvaises) surprises.  (Photo: Shutterstock)

Chaque année, le Centre européen des consommateurs gère des milliers de dossiers au Luxembourg. La moitié d’entre eux concernent des transactions en ligne litigieuses. Et lors du Black Friday, qui aura lieu ce vendredi 24 novembre, toutes les ruses sont permises.

Le Black Friday ne connaît (vraiment) pas la crise. L’an dernier, plus de 140 millions de personnes aux États-Unis ont effectué un achat à l’occasion de la traditionnelle— et énormissime— foire à la ristourne organisée dans la foulée de Thanksgiving. Du jamais-vu. Même frénésie en Europe où, en 2022, les Britanniques, champions incontestés, ont lâché une enveloppe moyenne de 315 euros. Suisses (300 euros), Allemands (290 euros) et Français (255 euros) ne se sont pas montrés aussi dépensiers, mais n’ont guère boudé le rendez-vous. Le Luxembourg? Pareilles données n’existent pas à l’échelle du territoire. Ce qui existe, en revanche, c’est la prolifération d’arnaques en ligne. Comme partout ailleurs. Et là aussi les chiffres prêtent au vertige.

Des prix pas si nets

Après s’être penchée l’an dernier sur 8.000 produits aux prix prétendument sacrifiés sur quelque 176 sites, la Commission européenne a observé «qu’environ une annonce sur quatre» posait problème au regard du droit européen. «Des violations avaient eu lieu dans au moins 43% des sites examinés», ajoutait-elle. Dans le viseur: l’authenticité des ristournes pratiquées. Il y a tout juste un an, le Luxembourg a transcrit dans la loi la directive Omnibus. Celle-ci stipule qu’une promo doit se fonder sur le prix le plus bas appliqué au cours des 30 derniers jours précédant le rabais. Mais qui le sait? Et qui prend le temps, avant de régler en ligne, de fouiller cet historique des prix?

La Commission européenne cite l’exemple d’un article— dont elle ne précise ni la nature ni la provenance— vendu 19,48 euros jusqu’au 24 novembre dernier. Ce même produit s’est retrouvé à 21,66 euros lors du Black Friday. Mais «au lieu de divulguer une augmentation de 11%, le détaillant a artificiellement indiqué 28,81 euros comme prix antérieur du produit et a présenté sur l’étiquette une réduction de 24%». Un autre tour de passe-passe consiste à gonfler les tarifs dans la perspective du Black Friday… avant de revenir à des prix normaux le jour dit. La réduction existe, oui, mais elle est totalement factice.

Deux fois plus de vigilance

«Dire que les entreprises attendent le Black Friday pour arnaquer le consommateur, c’est osé, note , directrice du Centre européen des consommateurs (CEC) à Luxembourg. Mais si le consommateur se doit d’être vigilant lorsqu’il achète en ligne, il doit l’être doublement lors du Black Friday, du Cyber Monday ou du Singles’ Day.» En Europe, les autorités concernées ont multiplié les messages d’alerte et de prévention ces derniers jours. Le CEC y est allé de sa note d’information. Attirant l’attention des internautes sur la question des prix, mais pas que. Car Black Friday ou non, les droits des internautes, tel celui à la rétractation ou à l’échange d’un article défectueux, sont les mêmes qu’à n’importe quel moment de l’année. En revanche, les menaces sont plus nombreuses à cette occasion. Et les petits malins prêts à tout pour faire chauffer nos cartes bancaires ne manquent pas d’imagination. Pour le dire clairement, tous les coups sont permis.

Compte à rebours en toc et messages mensongers

Les dark patterns figurent ainsi parmi les ruses les plus répandues. Et les plus efficaces. On parle là de ces alertes et mises en scène visant à mettre le consommateur en situation d’urgence afin de le presser de conclure l’achat. «Plus que 10 minutes pour profiter de ce prix», «sept autres personnes regardent cet article», «plus que trois articles en stock»… Chacun y a déjà été confronté. Rien d’illégal en soi. Sauf que ces comptes à rebours et messages clignotants sont parfaitement bidon. «Le minuteur est faux», relève la Commission européenne. En 2022, elle a ausculté 399 sites et applis dans 23 États membres (Norvège et Islande ont rejoint l’enquête aussi). Verdict: dans 37% des cas, il était fait appel à des dark patterns. Loin d’être marginal.

Certes, «les entreprises peuvent être sanctionnées», rappelle Jean-Loup Stradella, juriste au CEC. Mais les amendes et autres mesures à disposition des autorités interviennent une fois que le mal est fait, «a posteriori». Et, de toute façon, les auteurs d’arnaques ont fréquemment un coup d’avance technologique sur le législateur ou sur les organismes compétents. «Internet offre un champ très vaste pour la fraude, mais on ne se laisse pas faire, on se développe, tant au niveau gouvernemental qu’au niveau européen», certifie Karin Basenach. La directrice du CEC milite en faveur d’un travail de sensibilisation et de pédagogie afin que les internautes sachent déjouer les pièges avant de tomber dedans. «Mais c’est extrêmement difficile d’attirer l’attention des consommateurs n’ayant pas connu d’arnaques», regrette-t-elle.

Durant son dernier exercice, le CEC a atteint un volume inédit de 4.300 dossiers de litiges. La moitié d’entre eux concernaient des transactions effectuées sur la Toile. Au fond, les arnaques en ligne ressemblent à s’y méprendre au virus du Covid: la question n’est pas de savoir si un jour on en sera victime, mais plutôt quand.