Après le lancement de l’application, Andy Bryant et BitFlyer ont lancé l’«Instant Buy», la totale intégration du paiement dans l’app. (Photo: BitFlyer)

Après le lancement de l’application, Andy Bryant et BitFlyer ont lancé l’«Instant Buy», la totale intégration du paiement dans l’app. (Photo: BitFlyer)

Trois semaines après le lancement de son application, BitFlyer a lancé jeudi son «Instant Buy» permettant à ses clients d’aller plus vite dans l’achat et la vente de bitcoins. Dans les anciens locaux de Nyuko, le manager pour l’Europe, Andy Bryant, évoque la stratégie du groupe japonais.

«Il y a eu tellement de cow-boys (…) que nous avons décidé d’être régulés sur chaque marché où nous allons!» Dans la grande salle de réunion de BitFlyer, dans les anciens locaux de Nyuko rue d’Hollerich, Andy Bryant veille au grain à la communication. Les plates-formes d’échanges de monnaies cryptées n’ont pas forcément une très bonne image dans les médias.

BitFlyer a pourtant une licence spéciale au Japon, un des pays les plus durs au monde sur le sujet, une BitLicense de l’État de New York… et une licence d’institution de paiement au Luxembourg. Trois niveaux de législation avec lesquels la société aux trois millions de clients, principalement au Japon, dont 100.000 en Europe, doit naviguer.

BitFlyer, plate-forme d’échanges de monnaies comme le bitcoin ou l’ethereum, est aussi un centre de recherche sur la blockchain et ses applications concrètes dans l’immobilier, la finance et l’assurance au Japon, et travaille, toujours au Japon, à ouvrir sa boutique virtuelle où acheter avec des bitcoins, notamment en partenariat avec Bic Camera, le leader japonais de l’électronique.

L’Asie et surtout le Japon, les États-Unis et l’Europe sont trois marchés très différents avec des cultures et des appétits pour le risque très différents. Comment le ressentez-vous?

Andy Bryant. – «Au Japon, les gens sont familiers avec différentes méthodes de paiement depuis des décennies. Leur état d’esprit est de loin beaucoup plus réceptif aux monnaies cryptées. Ils les ont adoptées très vite, grâce aussi à la clarté du régulateur. Les monnaies cryptées et la blockchain sont chez elles au Japon, si je peux dire. Aux États-Unis, c’est un marché où tout le monde peut acheter des actions et vendre des actions, un état d’esprit d’investisseurs. C’est un plus gros marché avec plus de compétiteurs, mais tout le monde est prêt à prendre plus de risques. Ici, en Europe, c’est très fragmenté!

Chaque pays est différent, on a certains pays qui préfèrent le cash, d’autres les cartes de crédit ou l’or… On essaie de composer avec ces différents appétits, mais maintenant, on va se concentrer sur le marché français, tout en nous adressant à tout le monde.

Notre objectif est de répéter le succès que nous avons eu au Japon, être numéro 1 en Europe, avoir des millions d’utilisateurs en offrant les meilleurs produits et la meilleure expérience possible. Nous avons réalisé un sondage dans dix pays européens, qui dit que 57% des participants voient le bitcoin s’imposer d’ici dix ans comme une monnaie. Mais il y a une toute petite partie qui a déjà essayé d’acheter du bitcoin, selon une étude d’ING. Il y a donc une grosse opportunité.

On verra ce que des projets comme la Libra apportent comme connaissance du marché. Peut-être que des gens apprendront comment fonctionnent les cryptos par Facebook.

Est-ce qu’on peut parler de la suspension du bitcoin cash, récente, et de celle d’ethereum, dans votre application, parce que les seules explications qu’on peut lire dans les médias sous-entendent toujours que la plate-forme s’est fait hacker? Surtout que dans le benchmark des plates-formes par CryptoCompare, la vôtre est neuvième, première pour le «legal» mais pas très bien classée pour la sécurité…

«Nous n’avons pas été hackés! Il y a deux raisons qui font qu’une plate-forme suspend une monnaie cryptée. La première est que quelque chose s’est mal passé et qu’ils ont été hackés. Ils ferment toutes les portes. C’est l’effrayante et négative raison. Et c’est pour ça que les gens comme moi s’inquiètent quand ils voient ce type d’annonce.

Et l’autre raison est parfaitement innocente. C’est une sorte de mise à jour du système. La blockchain est un consensus décentralisé, chacun a une copie et joue avec les mêmes règles. Occasionnellement, la règle doit être changée, pour construire de nouvelles choses ou pour éviter les forks (les dédoublements de chaînes). Pour faire un changement, tout le monde doit être d’accord, il n’y a pas d’autorité centrale. Tout le monde doit changer les règles en même temps.

Pour protéger les consommateurs, parfois, nous interrompons la possibilité d’effectuer des transactions.

Andy Bryantmanager pour l’EuropeBitflyer

Mais vous ne pouvez pas forcer cela. Vous devez d’abord construire un consensus, que tout le monde soit d’accord et, ensuite, tout le monde effectue les changements en même temps et tout le monde a les nouvelles choses en même temps. Si une communauté fait les changements et pas une autre, vous avez deux copies différentes. Peut-être de manière temporaire. Pendant ce temps, il existe une possibilité d’avoir deux versions de l’historique. Et si vous étiez en train de faire une transaction pendant cette période et que cette transaction est sur une branche qui disparaît ensuite, ce serait un problème.

Pour protéger les consommateurs, parfois, nous interrompons la possibilité d’effectuer des transactions, le temps de savoir quelle branche va s’imposer. Sur CryptoCompare, qui est une sorte de mécanisme d’auto-évaluation, j’imagine que le fait que nous ayons trois entités sur trois continents doit les effrayer davantage que cela ne les rassure… Mais ce n’est que de la spéculation.

Les craintes, aussi irrationnelles que toutes les autres peurs, montrent qu’il reste un gros travail d’éducation à faire sur le bitcoin, son intérêt et ses limites, non?

«Il y a encore beaucoup de choses à faire sur la question de l’éducation. Pour tous ceux qui ne sont pas des experts, nous devons les amener à être plus à l’aise avec ces technologies, ce qu’est le bitcoin, comment fonctionne leur wallet… 

Je lis toujours cela dans les journaux. «Le bitcoin a échoué, il n’est pas une monnaie utilisée par les gens pour acheter quoi que ce soit. Mais qui a dit que le bitcoin devait devenir une monnaie que l’on puisse dépenser? Est-ce que c’est une monnaie? Un réseau? Une valeur refuge? Est-ce que c’est de l’or 2.0? Est-ce que c’est l’expression de la liberté? Est-ce que c’est un canal de paiement? Les gens essaient tous de cataloguer le bitcoin. L’application économique ressemble à une valeur de réserve. La technologie est plus grande que la valeur de l’asset en lui-même!

Si vous essayiez de construire un concurrent au bitcoin aujourd’hui, il serait attaqué ou malmené directement.

Andy Bryantmanager pour l’EuropeBitflyer

Le bitcoin pourrait être le niveau zéro le plus sûr, comme le cœur d’un oignon. La couche suivante serait les smart contracts, puis la gouvernance, etc. On a besoin d’une valeur de référence à la base, au cœur, incorruptible, inpiratable… Le bitcoin a réussi cela, c’est le réseau le plus puissant, plus puissant que les 250 superordinateurs les plus puissants du monde! Vous ne pourriez plus le faire à nouveau.

Si le bitcoin en est arrivé là, c’est qu’il a pu gérer son développement jusqu’à une certaine taille en dessous des radars, sans que personne n’y prête attention. Si vous essayiez de construire un concurrent au bitcoin aujourd’hui, il serait attaqué ou malmené directement. Mais le bitcoin restera une partie de l’écosystème financier, pas une monnaie dominante.

Ça ouvre de nouvelles perspectives pour ceux qui n’ont pas de comptes bancaires, tout ça grâce à la technologie sous-jacente du bitcoin.»