Le casque de réalité virtuelle a fait son apparition aux États-Unis tandis que cette solution ne fait pas l’unanimité au sein des grandes religions. (Photo: Shutterstock)

Le casque de réalité virtuelle a fait son apparition aux États-Unis tandis que cette solution ne fait pas l’unanimité au sein des grandes religions. (Photo: Shutterstock)

Après Second Life dans les années 2000, des applications, des sites internet et des live, les églises découvrent doucement la réalité virtuelle pour recréer du lien avec des communautés confinées de gré ou de force. Comme si les voies du Seigneur étaient moins impénétrables.

«Mets ton casque de réalité virtuelle», conseille une voix off au moment de se joindre à la célébration. Cheveux aussi noirs que longs, t-shirt d’un groupe de hard rock et ceinture cloutée en travers de la taille, Bismik – le pasteur Bismik – ne renvoie pas franchement l’image d’un prêtre. Ce chanteur allemand d’un groupe de hard rock, diplômé en histoire et en philosophie, aime autant U96 que le jeu «IronWolf» ou la bière Huppendorfer. Il est le représentant, en Europe, de la VR Church, l’église en réalité virtuelle née dès 2015 sur AltspaceVR.

Pendant quelques mois, complètement électrisé par son premier casque de réalité virtuelle, le fondateur de cette e-paroisse, DJ Soto, a prêché dans le vide, de temps à autre devant des athées vaguement conscients que se jouaient là les premiers pas d’une église complètement… déconnectée de ses églises et de ses dimanches. 

Le diplômé en théologie, professeur de musique et d’informatique puis photojournaliste est peut-être un pionnier, mais il y a 10 ans déjà que des représentants des églises «traditionnelles» ont envoyé des éclaireurs sur Second Life.

Il y a même plus de 15 ans que Bobby Gruenewald, caricature d’entrepreneur américain à succès, proche de Life.Church, a lancé «The Bible App – YouVersion», une des premières applications installées dans l’App Store en juillet 2008, et téléchargée 463 millions de fois (!) depuis.

Rien de neuf, l’église numérique devenue église en réalité virtuelle? Peut-être pas, mais le Covid-19 a poussé les brebis égarées vers les 42.000 églises de Life.Church Online et les 3.600 VR Church comme rien ni personne auparavant. «Les églises qui ne seront pas capables au minimum de devenir hybrides disparaîtront», prophétise DJ Soto aux journalistes qui lui tendent la perche à chaque nouvelle raison d’avoir peur, moteur millénaire des croyances.

Tout le monde l’a compris en même temps que lui, signe que les églises ne sont pas si figées dans leurs traditions qu’on veut bien le croire. Dès 2017, par exemple, dans le cadre de la mise sur les rails de la French Tech, label d’innovation en France, se crée une nouvelle discipline, la ChurchTech. Sont nées , site de prière en ligne, , pour voyager entre chrétiens, ou , pour envoyer de l’amour.

Quête et confession dans des apps

Quatre ans plus tard, cette semaine, le diocèse de Strasbourg est passé à la quête numérique, répondant ainsi à plusieurs problématiques d’un coup: désaffection des fidèles de plus de 30% depuis le début de la pandémie, problème d’hygiène à se passer la corbeille tous les dimanches et braquages de plus en plus fréquents.

Confessor GO sur iOS et GoConfess sur Android se tirent la bourre pour que celui qui est pris d’une irrésistible envie de se confesser puisse trouver le prêtre le plus proche à sa disposition. Un «Uber de la confession», décrivent les journalistes dans un raccourci mercantile, là où il ne s’agit que de permettre à tout un chacun de soulager sa conscience à chaque instant.

KTO TV retransmet des messes sur son app, manifestant sa position aux avant-postes d’un mouvement inexorable. Des experts numériques recommandent ainsi aux églises modernes de favoriser le «live» et suggèrent , un des pionniers dans le streaming religieux pour la télévision. D’autres d’aller voir les modèles de chaîne YouTube que sont ou .

Des agences de communication se sont spécialisées dans le «reach». Ou comment toucher une communauté 167 heures quand vous ne l’avez en face de vous qu’une heure chaque semaine, comme , qui promet aux animateurs de ces communautés de battre les démoniaques algorithmes des réseaux sociaux.

Utilisez des QR codes pour emmener les nouveaux vers une section qui leur est réservée, ou des chatbots pour engager la discussion, suggère .

Premier Hajj virtuel

Et toutes les religions sont engagées dans les mêmes tâtonnements, puis développements. Sur Second Life, les musulmans avaient trouvé une combine. 

«Les gens ont mis leur avatar sur un tapis de prière virtuel et ont fait leur prière physique à la maison. Ce genre de flexibilité leur a permis de se sentir dans un groupe, ce qui est vraiment puissant», a déclaré Robert Geraci, professeur d’études religieuses au Manhattan College de New York, qui a étudié les communautés religieuses de Second Life dans son livre «Virtually Sacred», cité par Salaam Gateway, qui rappelle la première fatwa contre une astronaute musulmane qui faisait deux fois le tour du monde toutes les 18 heures et avait du mal à trouver la bonne direction pour prier.

En 2020, le Hajj a dû avoir lieu virtuellement lui aussi. Les musulmans ont été invités à se joindre à cet événement sur Muslim 3D, mais américaine.

«Zoom est devenu le plus grand rabbin de France», pour reprendre les mots d’Haïm Korsia, qui est lui-même intervenu devant 18.000 étudiants lors d’une téléconférence en France, rapporte une étude du Sénat français. «La possibilité de passer outre l’interdiction d’utiliser l’électricité (donc internet) pendant le shabbat, et a fortiori lors des deux premiers repas de Pessah qui sont soumis aux mêmes interdits, a été rejetée par le grand rabbin. Des rabbins de tendance libérale, affiliés notamment à l’organisation Judaïsme en mouvement (JEM), autorisent la retransmission de l’office en streaming et l’organisation d’un ‘séder (dîner) digitalisé’. À Jérusalem, 14 rabbins ont publié un avis favorable à un usage exceptionnel, arguant qu’il s’agit d’être en contact avec les personnes âgées ou malades, mais le grand rabbinat d’Israël s’y oppose, car cela reviendrait à ‘profaner un jour férié’.»

Chez les catholiques, les orthodoxes et les luthériens, rappelle le même rapport, le basculement vers le «culte virtuel» se heurte toutefois à un problème majeur, d’ordre théologique: ces cultes célèbrent la présence divine (par l’eucharistie, la Cène ou l’icône) dans un dispositif matériel (le pain et le vin de l’eucharistie, l’icône), incompatible avec la célébration d’un culte en ligne.