La commissaire européenne responsable des services financiers Mairead McGuinness a donné des précisions sur le nouveau «paquet AML» comprenant notamment une nouvelle entité de régulation européenne en charge de l’AML. (Photo: Parlement européen)

La commissaire européenne responsable des services financiers Mairead McGuinness a donné des précisions sur le nouveau «paquet AML» comprenant notamment une nouvelle entité de régulation européenne en charge de l’AML. (Photo: Parlement européen)

Ce n’est plus un secret, le sujet est désormais évoqué publiquement. La création prochaine d’un nouveau régulateur pour vérifier les procédures de lutte contre le blanchiment (AML) au niveau européen se précise. Non localisé à ce jour, le projet de l’AMLA pourrait faire fantasmer le Luxembourg.

Cela faisait quelques mois que le bruit courait… L’UE souhaitait mettre en place une nouvelle autorité anti-blanchiment. Lors d’une conférence au sujet de l’AML, organisée par la Chambre de commerce le 26 septembre, l’avocat Thierry Pouliquen a notamment évoqué dans sa présentation le fait que cette loi allait «progressivement disparaître au profit d’un règlement européen qui n’aura pas besoin de transposition». Il a aussi évoqué la création d’un «super-superviseur» de l’AML européen. «Il surveillera en direct les banques systémiques, le superviseur national, la CSSF et le CAA et les entités non régulées», a-t-il précisé.


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Une AMLA en 2024, opérationnelle en 2026

Dans son discours d’ouverture du dernier séminaire de la Cour des comptes européenne, le 16 septembre, la commissaire européenne aux services financiers, Mairead McGuinness, avait confirmé la création d’un super-régulateur européen de la lutte anti-blanchiment, . Provisoirement nommé AMLA (pour Anti-Money Laundering Authority), il agira à l’échelon européen, mais aussi national, s’imposant à celui des autorités financières existantes, bien qu’agissant de manière coordonnée avec ces dernières.

«Dans un premier temps, l’AMLA supervisera directement les organismes du secteur financier transfrontalier exposés au risque le plus élevé de blanchiment d’argent (…). Il y aura des équipes de surveillance conjointes auxquelles participeront les superviseurs nationaux, de la même manière que le mécanisme de surveillance unique supervise les banques», a précisé Mairead McGuinness dans son discours. La création de cette agence de supervision qui emploiera 250 personnes devrait être effective en 2024, et le début des contrôles démarrerait en 2026.

Un nouveau «paquet» anti-blanchiment

La naissance du super-superviseur fait partie des mesures prises dans le nouveau «paquet AML» de la Commission européenne. Il inclut une nouvelle directive anti-blanchiment à destination des autorités publiques, un nouveau règlement sur le transfert de fonds en cryptomonnaies ainsi qu’un nouveau règlement AML unique.

«Cela signifie que le secteur privé appliquera les mêmes règles, quel que soit l’endroit de l’Union européenne où il est basé», a précisé la commissaire McGuinness. Aujourd’hui, les règles en matière de lutte contre le blanchiment d’argent sont basées sur des directives – qui sont transposées en droit national. Cela a entraîné des différences entre les États membres et des retards dans la mise en œuvre en raison d’un manque de convergence des droits en vigueur dans les différentes juridictions.

De nombreux secteurs d’activité aujourd’hui non surveillés pourraient, à terme, finir sous la supervision de cette AMLA, notamment le secteur de l’immobilier, actuellement dans le viseur du Gafi puisqu’ayant été désigné par ce dernier comme secteur à risque élevé en matière de blanchiment d’argent.

Il y aura des équipes de surveillance conjointes auxquelles participeront les superviseurs nationaux, de la même manière que le mécanisme de surveillance unique supervise les banques.
Mairead MCGuinness

Mairead MCGuinnessCommissaire européenne chargée des services financiers, de la stabilité financière et de l’Union des marchés de capitauxCommission européenne

La lutte contre le blanchiment vise tous les secteurs

Si le blanchiment d’argent constitue une infraction au Luxembourg depuis 32 ans, la loi relative aux sanctions n’existe que depuis 2004. Celle-ci , dont trois fois en juillet 2022. Les modifications de 2022 visent non seulement la conformité, mais aussi l’efficacité des contrôles et des sanctions. Tout lien avec la prochaine visite du Gafi au Luxembourg relève du bénéfice du doute, purement subjectif, bien entendu. Une directive de l’UE relative à la prévention du blanchiment est venue s’y ajouter entre-temps, ainsi que des précisions sur la notion de «bénéficiaire effectif» qui est devenu le personnage-clé à identifier dans l’AML.

«Plus de 20 lois sont aujourd’hui nécessaires pour mettre en œuvre la directive de l’UE», a précisé Thierry Pouliquen, lequel a qualifié le droit anti-blanchiment de «véritable inflation, car il ne cesse d’augmenter». Les lois AML préventives sont reproduites au Luxembourg dans des lois sectorielles: avocats, experts-comptables et réviseurs d’entreprises y sont déjà soumis. Mais il n’y a pas de loi sectorielle pour les métiers de l’immobilier, les administrateurs indépendants, ou les business angels. Le risque d’amende en cas d’infraction peut aller jusqu’à 5 millions d’euros. Toutefois, viennent notamment de rejoindre le «club des assujettis» à la directive européenne de prévention du blanchiment d’argent les marchands d’art, les et les agents immobiliers mandatés pour la gestion de contrats locatifs supérieurs à 10.000 euros.

Pour le moment, on ne sait pas où ce super superviseur sera basé, mais cela aurait du sens qu’il soit basé au Luxembourg. En effet, le Grand-Duché abrite déjà plusieurs organes judiciaires et d’audit de l’UE, dont la Cour des comptes européenne, la Cour de justice européenne et le Parquet européen, ainsi que plusieurs organes financiers de l’UE, tels que la Banque européenne d’investissement et le Mécanisme européen de stabilité.