La journée se termine au Liban. Ce pourrait être une belle journée d’été si les hôpitaux libanais n’étaient pas au bord du chaos face à l’afflux de cas de Covid. Ce mardi 4 août, vers 18 heures, en quelques minutes, une double explosion spectaculaire dans le port est ressentie jusqu’à 200 kilomètres de là. Plus de 200 personnes perdent la vie. 6.500 autres sont blessées, et 300.000 personnes se retrouvent à la rue. Des rues jonchées de débris.
«Devant la télévision, je ne pouvais plus bouger. Des coups de lance se succédaient dans mon cœur», se souvient Rida Klink. Il y a un an et demi que le jeune homme, lui-même d’origine libanaise, est revenu au Luxembourg. Master en science de l’université de Georgia Tech et spécialisé en technologies de la construction, le diplômé a une envie, revenir plus près de ses proches qu’aux États-Unis, et une idée de start-up lui vaut les yeux doux de Madrid, Londres, Paris et Luxembourg.
«Luxembourg, c’est bien», explique-t-il, sans fioriture. naît en juillet 2019 pour «amener la gestion des installations à l’ère numérique par l’innovation et la collaboration, dans le but de responsabiliser les gestionnaires d’installations en leur fournissant une plateforme d’information efficace et conviviale», dit le pitch de son site internet.
5.000 images en 10 jours
Le 7 août, l’entrepreneur a quitté la télévision des yeux. Son drone peut essayer de voler au-dessus du quartier de Beyrouth le plus touché pour tenter de réaliser un plan en 2D, mais il veut aller plus loin.
«J’ai essayé de crowdsourcer d’autres drones… mais il nous fallait une licence pour voler, et négocier avec la sécurité militaire libanaise n’est pas simple.» Crise oblige, les militaires prêtent toutefois une oreille attentive à leurs interlocuteurs, et d’autres propriétaires de drones et de technologies d’analyse d’images rejoignent le mouvement dans une coalition née en scratch. «Tout à coup, grâce au travail de Cyril Menassa sur place, nous nous retrouvions avec les bons partenaires pour mener cette opération.»
En 10 jours, les drones prennent 5.000 images d’une zone de 4 kilomètres carrés. Avec une technique de photogrammétrie, qui compare les images selon différents angles avec des images plus anciennes pour en voir les différences, ces volontaires obtiennent une cartographie en 3D et 2D des bâtiments, qui permet de voir ce qui s’est effondré, où il manque des portes ou des fenêtres, tous les détails dont peuvent avoir besoin les secouristes et les ONG. «Il y a des sites qui sont totalement inaccessibles, notamment », précise-t-il.
Une fois que ces images auront été analysées, elles seront mises en open access sur le site de la start-up luxembourgeoise (normalement, à partir de lundi prochain), afin que des chercheurs puissent se pencher sur quelques dimensions-clés. «La diaspora est très éclatée, mais partout, des gens vont pouvoir s’approprier des problématiques, comme celle de la circulation de l’eau et des déchets emmenés par l’eau jusqu’à la mer grâce à Point Cloud», dit l’entrepreneur.
Un autre projet de recherche, «Blast Modeling», permettra de mesurer les impacts des explosions en fonction de la distance, et pas seulement en surface.
L’armée a fini par donner son accord à ce projet luxembourgeois, non sans l’encadrer strictement: confidentialité des données, respect de la protection européenne des données, processing depuis l’Europe et aucun partage à des fins commerciales. Le Luxembourg, comme assurance que les choses vont bien se passer pour ce pays en difficulté.