, … Presque un an après le début de l’offensive russe en Ukraine, ses conséquences économiques se font ressentir. Mais pas pour tous… Et pour combien de temps? Analyse avec Bertrand Candelon, économiste spécialiste du conflit Russie/Ukraine à l’Université catholique de Louvain.
La question peut paraître cynique: la guerre sur le sol ukrainien profite-t-elle à certains?
Bertrand Candelon. – «Oui, des pays en profitent, y gagnent. Tous ceux qui exportent du gaz et du pétrole: l’Algérie, l’Arabie saoudite, la Norvège ou même les Pays-Bas, dont les produits ont profité de la hausse des cours en 2022. Ce sont les grands vainqueurs économiques de la guerre.
En Europe, nous sommes fortement touchés en raison de notre dépendance énergétique (à la Russie, ndlr). Les États-Unis sont moins dépendants, donc plus épargnés.
Économiquement, la Russie n’est pas seule. L’Inde, la Chine, une partie de l’Amérique latine, n’ont pas voté pour les sanctions au niveau des Nations-Unies.
, mais aussi les coûts… Certains secteurs peuvent-ils profiter des effets de la guerre?
«Tous les secteurs sont touchés par l’inflation. S’il y a un employé, il y a une indexation du salaire. La différence se fait sur deux points. Entre ceux qui peuvent répercuter l’augmentation sur les prix de vente et ceux qui ne le peuvent pas, parce qu’ils sont trop concurrentiels. Et entre les grandes et petites entreprises. Les grandes vont plus facilement ajuster leurs marges ou prix, comme les grandes surfaces ou les géants de l’informatique. Les petits artisans, eux, ne le peuvent pas. En Belgique, certains mettent déjà la clé sous la porte.
Il y a un an, pouvait-on imaginer la situation actuelle?
«Il y a eu des erreurs. Au début, on parlait d’inflation temporaire. En revanche, la croissance a été plutôt résiliente.
Il n’y a pas de variable guerre.
Comment prend-on en compte la guerre dans les prévisions économiques?
«Les instituts internationaux tablent sur une inflation autour de 5% fin 2023 et une légère récession en Europe. Avec beaucoup d’incertitudes. Les prévisions d’inflation sont faites à partir de variables qui sont anticipées. Il n’y a pas de variable guerre. On regarde l’activité, le chômage, dont les évolutions vont signaler une hausse ou une baisse à venir de l’inflation. Quand on analyse les données sur les dix derniers mois, on prend en compte, d’une certaine manière, des périodes de guerre.
N’y a-t-il pas des indicateurs permettant de prévoir, par exemple selon l’état des forces armées, ou les réserves économiques de la Russie, différents scénarios?
«Non, nous prenons cela comme des données exogènes, en dehors du modèle.
Il faut se rendre compte que tout le monde n’est pas contre la Russie. Économiquement, la Russie n’est pas seule. L’Inde, la Chine, une partie de l’Amérique latine, n’ont pas voté pour les sanctions au niveau des Nations-Unies. On continue aussi à importer en Europe ce qui est nécessaire de Russie, par exemple, les diamants d’Anvers.
Cette guerre nous rappelle aussi que la sobriété énergétique devrait être une évidence…
«C’est en tout cas une piqûre de rappel, que l’énergie peut coûter cher. Dans les années 1970, c’était le pétrole: on s’était donc tournés vers le gaz. Aujourd’hui, on se rend compte qu’il faut diversifier les moyens d’approvisionnement. À court terme, même si on sait qu’on devra s’en débarrasser, nous n’avons pas beaucoup d’autres options que le nucléaire, le renouvelable n’est pas constant. Il faudra donc investir dans la recherche et développement.
Mais j’espère que si les prix de l’énergie baissent, que ce soit le gaz ou le pétrole, on ne fera pas marche arrière. Les états doivent réaliser qu’ils doivent taxer les externalités négatives pour investir dans une transition vers une énergie propre. Économiquement, ce n’est pas difficile. Politiquement, il faut faire accepter que le litre d’essence passe à trois euros quand il coûte 40 centimes sur le marché.»