«Aujourd’hui, et depuis deux ans, les banques gagnent à nouveau de l’argent grâce à une activité traditionnelle et historique», a indiqué l’ABBL dans un communiqué faisant état des bénéfices records enregistrés par les banques luxembourgeoises. (Photo: Shutterstock)

«Aujourd’hui, et depuis deux ans, les banques gagnent à nouveau de l’argent grâce à une activité traditionnelle et historique», a indiqué l’ABBL dans un communiqué faisant état des bénéfices records enregistrés par les banques luxembourgeoises. (Photo: Shutterstock)

La marge nette d’intérêt des banques domiciliées au Luxembourg a plus que doublé à la suite des hausses de taux d’intérêt décidées par la Banque centrale européenne depuis la mi-2022, portant les bénéfices avant impôts à des niveaux record, selon les données de la Banque centrale du Luxembourg. L’Association des banques et banquiers Luxembourg a attribué ces gains aux «activités traditionnelles et historiques».

Les bénéfices trimestriels des banques basées au Luxembourg avant provisions et impôts ont atteint 3,106 milliards d’euros au deuxième trimestre 2024, selon les données de la Banque centrale du Luxembourg. Ce chiffre représente plus du double de la moyenne trimestrielle de 1,324 milliard d’euros enregistrée entre 2008 et 2021.

De même, la marge d’intérêt nette – la différence entre les intérêts gagnés par les banques et les intérêts payés sur les dépôts et autres – a également connu une hausse significative, selon les données. La marge nette d’intérêt est restée supérieure à 2,5 milliards d’euros au cours des cinq derniers trimestres, doublant presque sa moyenne historique d’environ 1,259 milliard d’euros.

« Ce que ce chiffre couvre »

Dans une déclaration à Paperjam, un porte-parole de l’Association des banquiers et banquiers Luxembourg (ABBL) a confirmé la hausse des bénéfices. Le porte-parole a reconnu que, depuis deux ans, les revenus courants des banques luxembourgeoises ont constamment dépassé les moyennes récentes, «principalement grâce à la marge d’intérêt nette». Cependant, le porte-parole a souligné qu’«il est nécessaire de commencer par expliquer ce que ce chiffre de revenus couvre».

L’ABBL a précisé que la marge d’intérêt nette d’une banque «est un indicateur clé qui mesure la différence entre les revenus d’intérêt générés par les banques sur les prêts et les investissements et les intérêts qu’elles paient aux déposants et aux autres sources de financement». Mais «la première chose à retenir est que ce ne sont pas les banques qui fixent les taux d’intérêt directeurs, mais la Banque centrale européenne (BCE)».

«La BCE a augmenté ces taux rapidement et significativement en 2022 afin de lutter contre l’inflation. Pour la BCE, les banques sont un instrument de cette lutte, car elles ajustent leurs taux de prêt et d’emprunt en fonction des taux directeurs de la BCE.»

Toutefois, l’inflation désormais l’objectif à moyen terme de 2% fixé par la BCE, la banque centrale a ses hausses de taux d’intérêt.

Hypothèques et prêts

Le représentant de l’ABBL a noté que l’augmentation des taux de la BCE a provoqué une forte hausse des taux hypothécaires, ce qui a entraîné une baisse significative de la création de nouveaux prêts. De plus, de nombreux clients ont retardé leurs projets d’investissement ou ne répondaient plus aux exigences réglementaires pour l’octroi de crédits. En outre, les marges de crédit appliquées par les banques sont restées plus ou moins les mêmes. «Ainsi, la faiblesse des volumes de crédits – même si la production de crédits a légèrement augmenté depuis le début de l’année – et la stabilité des marges font que les revenus générés dans ce domaine n’expliquent pas la hausse significative des marges nettes d’intérêt globales», affirme l’ABBL.

Il en va de même pour les revenus d’intérêts. «Le Luxembourg est un des pays européens où la différence entre les taux directeurs de la BCE et les taux appliqués par les banques pour rémunérer les comptes de leurs clients est la plus faible. Par conséquent, l’augmentation des revenus sur les marges d’intérêt nettes globales ne provient pas non plus de ce poste, a déclaré l’ABBL.


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Selon l’ABBL, les banques peuvent employer plusieurs stratégies pour avoir un impact positif sur les marges d’intérêt nettes. Elles peuvent notamment investir dans des prêts ou des titres à rendement plus élevé, attirer davantage de dépôts non rémunérés tels que les comptes chèques, prêter une plus grande proportion des dépôts et accorder des prêts à plus long terme. Ce ne sont là que quelques exemples des approches que les banques peuvent adopter.

Liquidité et marges d’intérêt

Cependant, le principal facteur influençant les marges d’intérêt des banques est leur importante liquidité, qui provient des dépôts confiés par les clients. Or, «en raison des règles prudentielles, toutes ces liquidités ne peuvent pas être utilisées pour accorder des prêts: elles doivent être placées auprès des banques centrales ou sur le marché interbancaire». Lorsque les taux d’intérêt étaient négatifs, cela représentait un coût pour les banques. Aujourd’hui, aux taux actuels, ces placements rapportent environ 4%, ce qui permet aux banques d’obtenir des niveaux d’intérêt conformes aux moyennes historiques, affirme l’ABBL.

En outre, «cette situation exceptionnelle intervient également après une décennie de faibles taux d’intérêt, une forte augmentation des coûts de conformité et des investissements importants dans la transformation numérique». Par conséquent, les revenus des banques avaient principalement dépendu des gains de productivité et d’efficacité réalisés au cours de cette longue période. L’ABBL a soutenu: «Aujourd’hui, et depuis deux ans, les banques gagnent à nouveau de l’argent à partir d’une activité traditionnelle et historique.»

«Faut-il s’en réjouir?»

Concernant les implications de ces bénéfices, le porte-parole remarque: «Tout d’abord, une banque rentable est une banque stable, ce qui doit rassurer ses clients.» Une banque rentable dispose également des réserves nécessaires pour accorder des crédits à ses clients, soutenant ainsi l’économie. En outre, elle peut réaliser des investissements essentiels en matière de conformité, de sécurité et de lutte contre la criminalité financière. Une banque en bonne santé financière sera mieux placée pour veiller à ce que ses employés conservent leur emploi et restent employables. Cette stabilité permet par exemple au secteur bancaire luxembourgeois de signer une convention collective mettant l’accent sur la formation.

Par ailleurs, il est important de noter que les banques paient des impôts sur leurs revenus, ce qui contribue aux recettes de l’État et permet de financer des projets d’intérêt général. En 2023, par exemple, les banques ont payé un montant substantiel de 1,6 milliard d’euros en impôts directs, ce qui représente une augmentation de 104,6% par rapport à l’année précédente, note l’ABBL.


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«Cette situation est-elle appelée à durer?»

En ce qui concerne la durabilité de cette situation, l’ABBL a annoncé: «Il faut être prudent dans ce domaine, comme les autorités de contrôle ne cessent de nous le rappeler.» Il faut souligner qu’avec la hausse des taux d’intérêt, «le coût du refinancement des banques sur le marché interbancaire augmentera également». Ce refinancement prend souvent la forme de contrats à long terme qui arriveront progressivement à échéance, créant un décalage dans l’impact des changements de taux. Par ailleurs, les banques devront augmenter leurs provisions pour couvrir les risques liés au paysage économique, climatique et géopolitique, ce qui pèsera sur leurs revenus. L’ABBL a conclu: «Au total, nous pouvons donc conclure, comme l’a également fait la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) dans l’une de ses déclarations, que nous assistons à une situation exceptionnelle en ce qui concerne les revenus des banques.»