L’addition des prix des 50 produits choisis s’élève, au Auchan de Mont-Saint-Martin, à 287,96 euros. Soit 11,7% de moins qu’au Cactus de Bascharage et 27% de moins qu’au Cora à Messancy.  (Photo: Guy Wolf/Maison Moderne)

L’addition des prix des 50 produits choisis s’élève, au Auchan de Mont-Saint-Martin, à 287,96 euros. Soit 11,7% de moins qu’au Cactus de Bascharage et 27% de moins qu’au Cora à Messancy.  (Photo: Guy Wolf/Maison Moderne)

Alors que l’inflation fait rage actuellement, Paperjam s’est demandé où il était le plus intéressant de faire ses achats ménagers quand on habite en région frontalière. Dans cette mise en perspective, de grosses différences apparaissent d’une enseigne à l’autre.

La hausse des prix de l’énergie, des matières premières agricoles et du transport se répercute désormais depuis plusieurs mois sur les produits des rayons des supermarchés. Début septembre, le Statec évoquait une inflation au niveau des prix à la consommation de 6,8% (sur un an), celle-ci montant même à 8,02% au niveau des produits alimentaires et boissons non alcoolisées.

Même si l’inflation augmente aussi dans les pays voisins du Luxembourg, un tel contexte peut pousser à se demander si des opportunités n’existent pas ailleurs. Autrement dit, si faire ses courses de l’autre côté de la frontière ne serait pas financièrement plus intéressant.

Paperjam a donc effectué un comparatif le mardi 20 septembre. Et ce sur une zone géographique qui se prête parfaitement à l’exercice: la région dite des «trois frontières» (Belgique-France-Luxembourg), où se concentrent trois hypermarchés implantés sur trois territoires différents: le Cactus de Bascharage, le Cora à Messancy et l’Auchan du Pôle Europe à Mont-Saint-Martin. Tous ne sont distants l’un de l’autre que d’une petite dizaine de minutes en voiture. Des enseignes importantes, mais qui n’ont pas forcément la réputation d’être les plus agressives au niveau des prix.

Le pack de Vittel 82% plus cher

Un caddie d’une cinquantaine de produits a ainsi été déterminé (voir le tableau ci-dessous), en faisant attention à ce que ceux-ci soient les mêmes de chaque côté de la frontière. Ce qui n’est pas simple puisque, comme l’indique régulièrement l’Observatoire de la formation des prix (OFP) dans ses publications, peu de produits sont distribués sur tous les territoires de la Grande Région. Ainsi, les grandes marques internationales ont été ici privilégiées, tout en faisant attention également à prendre des conditionnements similaires (lorsque cela n’était pas possible, ceux qui s’en rapprochaient le plus ont été choisis, tout en adaptant le contenu en fonction du coût au litre ou au kilogramme).

De cette mini-étude, il ressort une très grande différence de prix pour des produits pourtant similaires. À l’image, par exemple, du pack de six bouteilles de 1,5l de Vittel, ce dernier étant ainsi vendu 54% plus cher chez Cactus par rapport au Auchan situé à la frontière française. Et même 82% plus cher par rapport au Cora à Messancy. Ou du paquet de 45 tablettes pour lave-vaisselle de la marque Finish, que l’on retrouve au niveau des enseignes belge et luxembourgeoise à un prix, respectivement, 77% et 122% plus élevé qu’en France.

Signalons cependant que nous nous sommes basés pour ces produits sur les prix pleins, ne tenant donc pas compte des différentes promotions (importantes et parfois très fréquentes) dont bénéficient certains.

Jusqu’à 70 euros de différence

Au final, l’addition du prix des 50 produits choisis s’élève, côté français, à 287,96 euros, soit 11,7% de moins qu’au Cactus (321,68 euros) et 27% de moins qu’au Cora messancéen (365,79 euros).

Des chiffres qui ne dépeignent donc pas une généralité, mais bien une situation particulière. Cependant, cette dernière ne surprend pas vraiment Pietro Zidda, professeur de marketing à l’université belge UNamur et au fait de la problématique des achats transfrontaliers. «Aujourd’hui, on note une différence de près de 20% entre les prix proposés en France et en Belgique. Or, dans ce cas-ci, entre Cora et Auchan, on se situe dans ces eaux-là…», glisse-t-il en préambule.

Marché, structure des coûts et inflation

Une situation qui s’explique par différents facteurs. «Tout d’abord, le marché français du secteur de l’alimentaire est extrêmement vivant. On s’y bat comme des lions, avec des gens intenables à l’image de Leclerc, alors qu’en Belgique, du moins en Wallonie, c’est morne plaine en termes d’agressivité. Or, cette intensité concurrentielle pousse les prix vers le bas», explique Pietro Zidda. «Autre élément: la structure des coûts. Sur les grands marchés, les coûts fixes sont répercutés sur une plus grande quantité. Le coût du travail est aussi moins élevé en France. Et puis, il y a l’inflation galopante. Elle se répercute au niveau des matières premières, mais aussi des salaires puisqu’en Belgique, il y a une indexation automatique de ceux-ci.»

Tout comme c’est aussi le cas au Luxembourg. Si ce n’est qu’ici, en cas de situation économique grave, une possibilité existe de s’y soustraire temporairement (comme cela a été le cas avec ). Toujours au niveau de l’inflation, signalons qu’en juillet, l’indice des prix à la consommation était de 6,1% en France et 10,4% en Belgique. Le Luxembourg se situant, lui, en août dernier, entre les deux, à 6,8%.

Enfin, toujours au rayon des facteurs explicatifs, on ajoutera qu’il existe évidemment des différences en termes de taxation, le taux de TVA sur l’alimentaire, par exemple, n’étant pas le même sur les trois territoires (3% au Luxembourg, 5,5% en France et 6% en Belgique).

Auchan vs Auchan

Si le Auchan de Mont-Saint-Martin s’affiche donc comme le moins coûteux des trois établissements que nous avons visités, qu’en est-il des magasins du même groupe implantés sur le territoire luxembourgeois? Et plus précisément du supermarché Auchan Opkorn, situé à Differdange, à un petit quart d’heure en voiture donc du magasin français?

Vérification faite, il apparaît que le même caddie de 50 produits y revient à 294,96 euros, soit 7 euros de plus qu’en territoire français. De quoi se situer quand même en deuxième position de notre mini-étude. Ce qui peut s’expliquer, au moins en partie, par le fait que les Auchan luxembourgeois s’approvisionnent partiellement via la centrale d’achat française.

«Si la volonté d’Auchan Luxembourg est de s’aligner sur les prix pratiqués dans le magasin de Mont-Saint-Martin? Elle est de s’aligner sur la concurrence la plus proche, de manière à garder nos clients locaux», expliquait-on, en fin de semaine, au sein de la branche luxembourgeoise du groupe. Personne n’ira donc jusqu’à dire qu’Auchan fait concurrence à Auchan. Mais en attendant, dans cette région des trois frontières, le grand gagnant est bien le consommateur.