Frank Mausen, partner chez Allen & Overy, et Philippe Noeltner, senior associate, commentent l’émission obligataire de la BEI via la blockchain, la première libellée en livre sterling. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Frank Mausen, partner chez Allen & Overy, et Philippe Noeltner, senior associate, commentent l’émission obligataire de la BEI via la blockchain, la première libellée en livre sterling. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

La dernière émission obligataire de la BEI via la blockchain, annoncée ce 31 janvier, est une opportunité majeure pour le Luxembourg selon Allen & Overy qui a conseillé pour la structuration de la transaction.

La Banque européenne d’investissement a annoncé, mardi 31 janvier, une émission obligataire entièrement numérique libellée en livre sterling. L’opération prévoit des titres pour une valeur totale de 50 millions de livres sterling, avec des coupures de 100.000 livres sterling à un taux de maturité de deux ans. Pour ce faire, la BEI a désigné BNP Paribas Securities Services, HSBC et RBC Capital Markets en tant que «joint lead managers».

Dans cette architecture, les obligations seront conservées sur des comptes titres numériques sur . Cette plateforme dispose de deux blockchains: en l’occurrence une blockchain privée qui servira de preuve juridique pour déterminer qui détient les titres et une blockchain publique pour retracer anonymement la chaîne de détention. BNP Paribas Securities Services, RBC Capital Markets et HSBC agiront en tant que dépositaires pour les investisseurs. Ces trois institutions ont contribué à structurer la transaction pour le placer auprès de leurs clients. Alors que la BEI a été conseillée par Clifford Chance tout au long de la transaction, les trois «joint lead managers» ont quant à eux bénéficié du support juridique d’Allen & Overy.

L’un des objectifs était de toucher le marché britannique.
Philippe Noeltner

Philippe Noeltnersenior associateAllen & Overy

«La particularité de ce titre est qu’il est libellé en livre sterling», commente Philippe Noeltner, senior associate chez Allen & Overy. «L’un des objectifs était de toucher le marché britannique.» Mais si les aspects commerciaux sont britanniques, le titre est quant à lui régi par le droit luxembourgeois et est admis sur la plateforme SOL de la Bourse de Luxembourg (Luxembourg Stock Exchange Securities Official List).

Un cadre législatif propice

, partner chez Allen & Overy, n’hésite d’ailleurs pas à qualifier l’opération de «véritable précédent» dans l’histoire des émissions de titres, dans laquelle le pays a un rôle à jouer. «Le Luxembourg s’est doté de deux lois blockchain, qui créent un cadre très favorable pour de telles opérations. Une troisième loi blockchain attend encore d’être votée», explique-t-il. Les deux lois déjà existantes permettent aux émetteurs luxembourgeois d’émettre des valeurs mobilières directement via une blockchain et d’y effectuer le «settlement».

C’est le moment pour le pays de se positionner comme un blockchain hub, tout comme il est devenu un fund hub dans les années 90.
Frank Mausen

Frank MausenpartnerAllen & Overy

La troisième loi, quant à elle, rendra possible de prendre des suretés sur les titres inscrits dans la blockchain, pouvant alors être utilisés comme «collaterals» pour d’autres opérations de financement, par exemple. «Le Luxembourg sera l’un des seuls pays au monde à disposer d’une telle législation», souligne le partner d’Allen & Overy. Et d’ajouter: «C’est le moment pour le pays de se positionner comme un blockchain hub, tout comme il est devenu un fund hub dans les années 90.» Une opportunité alors que la France et l’Allemagne disposent également d’un régime blockchain et que d’autres pays comme le Royaume-Uni et l’Espagne y réfléchissent fortement. Les autorités luxembourgeoises ont bien saisi l’enjeu, selon Frank Mausen: «La CSSF a publié un “position paper” qui démontre l’intérêt des autorités à créer un écosystème favorable.»

Philipe Noeltner, senior associate chez Allen & Overy, et Frank Mausen, partner, expliquent les enjeux de l’émergence de plateformes pour les valeurs mobilières basées sur la technologie de la blockchain? (Photo: Maison Moderne/Romain Gamba)

Philipe Noeltner, senior associate chez Allen & Overy, et Frank Mausen, partner, expliquent les enjeux de l’émergence de plateformes pour les valeurs mobilières basées sur la technologie de la blockchain? (Photo: Maison Moderne/Romain Gamba)

L’avenir sera à l’interopérabilité ou ne le sera pas

Spécialisé dans les activités de «post-trade», le Luxembourg a une carte à jouer, observe Philippe Noeltner. «Il s’agit de la plomberie interne des marchés des capitaux. La blockchain est une technologie qui peut révolutionner cette plomberie», souligne-t-il, rappelant qu’environ 40% des titres mondiaux sont détenus dans le pays via Clearstream. «Ce que les acteurs font est un peu différent aujourd’hui», nuance-t-il. «Ils établissent des plateformes qui vont concurrencer Cleastream sur d’autres segments de marchés.»

À l’instar des ponts qui existent entre les grandes plateformes historiques telles que Euroclear, Cleastream ou DTCC, il faut parvenir à la même chose avec les plateformes blockchain. Il faut qu’elles commencent à communiquer entre elles pour qu’on puisse transférer les titres entre elles.
Frank Mausen

Frank MausenpartnerAllen & Overy

Malgré tout, l’émergence des nouvelles plateformes basées sur la technologie de la blockchain ne doit pas occulter l’importance de l’interopérabilité. Et cela malgré les enjeux de concurrence? «À l’instar des ponts qui existent entre les grandes plateformes historiques telles que Euroclear, Cleastream ou DTCC, il faut parvenir à la même chose avec les plateformes blockchain. Il faut qu’elles commencent à communiquer entre elles pour qu’on puisse transférer les titres entre elles», insiste Frank Mausen, tout en précisant: «Vous n’achetez pas un titre si votre liquidité est réduite, car vous ne pouvez pas vendre uniquement sur une seule plateforme. Pour attirer les grands investisseurs, il faut que les titres soient librement transférables entre les différents systèmes.» Soit un enjeu pour la viabilité et la compétitivité à terme des plateformes blockchain.