Avec ses 39 associés pour 600 employés dont 30 au Maroc, BDO revendique être une entreprise plus familiale. Mais innovante. (Photo: Maison Moderne/Archives)

Avec ses 39 associés pour 600 employés dont 30 au Maroc, BDO revendique être une entreprise plus familiale. Mais innovante. (Photo: Maison Moderne/Archives)

Daniel Croisé terminera fin septembre son deuxième mandat de managing partner de BDO avec un chiffre d’affaires en croissance de près de 70% sur ces six dernières années. Dans l’ombre des Big Four, le cabinet joue la carte de la différence, comme avec sa ligne de business BSO ou avec la création d’une filiale au Maroc pour se rapprocher d’un vivier de talents potentiels.

«Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 78,8 millions d’euros en 2022-2023, en croissance de 14,5% sur un an, en ligne avec la croissance des autres acteurs du marché.» Une croissance beaucoup plus forte que les années précédentes pour le managing partner de BDO, Daniel Croisé. «Notre spécificité est le BSO, pour ‘business services outsourcing’, autour de la comptabilité, du payroll ou de l’administration centrale qui, chez nous, représente quand même environ 51% de nos revenus, contre 27% pour l’audit, 14% pour le ‘tax’, 8% pour ‘advisory’.»

Derrière les Big Four, le cabinet de la Cloche d’or lui aussi, joue sur ses spécificités pour continuer à rêver de croissance à deux chiffres en 2023-2024. «Par exemple, au niveau du payroll, nous sommes les leaders du marché, principalement pour le secteur bancaire, avec quelque 350.000 fiches de paie que nous établissons chaque année pour nos clients», précise M. Croisé. «À peu près toutes les grandes banques, qui ont parfois plus d’un millier de fiches de paie, externalisent cela chez nous. Nos équipes ont développé une technologie de calcul de paie que nous utilisons aussi bien en interne qu’au bénéfice de nos clients. Le calculateur sur notre site web est très utilisé. Nous pouvons calculer des asbl qui ont un salarié à des sociétés qui ont des centaines de personnes.»

La réputation se construit dans le temps, mais se perd très rapidement.
Daniel Croisé

Daniel Croisémanaging partnerBDO

Depuis le premier jour de son premier mandat, le managing partner s’est retroussé les manches avec la conviction que la technologie et la transformation digitale allaient bousculer l’écosystème. Payroll, taxes, AML/KYC ou même intelligence artificielle, ses équipes travaillent à développer de nouveaux outils pour le cabinet et pour ses clients, mais aussi à mettre à jour ceux qui existent, au rythme des nouvelles règlementations ou des listes des pays qui font l’objet de restrictions. «L’intelligence artificielle offrira des opportunités énormes, mais impose de mettre en place un cadre pour qu’elle ne soit pas utilisée à tort et à travers», dit-il. «La réputation se construit dans le temps mais se perd très rapidement. Il faut investir dans ces compétences et dans la qualité sans quoi le moindre incident peut tout ruiner.»

Daniel Croisé terminera son deuxième mandat de trois ans fin septembre. Les discussions sur la suite seront menées pendant l’été. (Photo: Maison Moderne/Archives)

Daniel Croisé terminera son deuxième mandat de trois ans fin septembre. Les discussions sur la suite seront menées pendant l’été. (Photo: Maison Moderne/Archives)

Comme beaucoup, la question des talents est au cœur de beaucoup d’autres problématiques. «Nous sommes 639, en croissance de 13% environ, même 20% sur les deux dernières. Dont 25 personnes qui travaillent dans la partie technologie, plus une équipe IT business applications pour tous les autres», explique-t-il. «Nous sommes dans une perspective de croissance, entre les gros acteurs et les fiduciaires, et d’investissement à la fois dans la technologie et dans les ressources humaines. En advisory, nous aurons toujours besoin de collaborateurs… et de les trouver. Comme tout le monde, nous avons des difficultés et nous avons des postes ouverts, mais nous avons plus de difficultés à trouver des profils très spécifiques.»

30 personnes à Marrakech et des formations de 15 jours

BDO a ouvert un bureau à Marrakech, au Maroc, où une trentaine de personnes travaillent à différents niveaux, principalement sur de la comptabilité et de la compliance fiscale. «En accord avec BDO Maroc, notre équipe travaille directement sous l’autorité de BDO Luxembourg. C’est une filiale intégrée dans notre équipe sous ma responsabilité et celle de trois associés. Ils ne font pas de travaux mécaniques, mais travaillent comme nos autres salariés. Cela nous permet d’aller chercher les talents directement dans les universités. Ils bénéficient d’une rémunération très compétitive par rapport aux standards locaux et nous avons aligné d’autres éléments sur les standards luxembourgeois comme la durée de travail et le nombre de jours de congé. C’est peut-être une piste.»

Quid de la question de la protection des données des clients? «Nous avons dû mettre des processus en place. Dans certains secteurs, c’est plus difficile, mais dans d’autres, ça va. Certains de nos cadres et certains de nos 39 associés vont là-bas les former sur des séquences de deux semaines en général. C’est un investissement assez significatif, mais nos collaborateurs un peu réticents au début y vont plus volontiers aujourd’hui. Ils doivent les former de la même manière qu’ici sans quoi ils auront les mêmes difficultés qu’ici.» Aller au Maroc pendant l’hiver n’est pas si désagréable.

1.000 candidatures par mois

«Nous recevons environ 1.000 candidatures par mois, ce qui a doublé sur les derniers mois. Il n’y a que 20% à peu près que nous voyons par rapport aux postes qui sont ouverts», explique M. Croisé avant d’évoquer tout ce que fait l’entreprise pour attirer les talents dont elle a besoin. «Nous avons des hubs, entre Bettembourg et Dudelange et à Wemperhardt, où nous offrons des possibilités… mais où nous voyons que la fréquentation n’est pas énorme. Ici, nous avons des places pour tout le monde! Nous avons encore un peu de marge, même.»

«Nous avons travaillé sur nos grilles de salaires, nous avons augmenté les chèques-repas à 15 euros tout en continuant à proposer des repas à la cantine à des prix très concurrentiels. Les collaborateurs ont la possibilité de travailler deux jours par semaine à distance, des cours de sport, les investissements dans la formation que ce soit pour le digital, pour les soft skills ou pour l’éthique parce que l’environnement de travail y invite..».

«À l’époque», se souvient-il, «quand nous avons décidé de quitter le quartier gare pour venir ici, tout le monde ne voyait pas nécessairement l’intérêt. Aujourd’hui, avec la perspective du tram en plus du développement du quartier plus personne ne le conteste.»

ESG, IA, cybersécurité: trois axes de développement

Sera-t-il toujours à la tête de l’entreprise après l’été, puisque son mandat se termine cette année (fin septembre)? Il balaie la question avec pudeur. Ce n’est pas le moment d’en parler encore. Mais l’ambition demeure. «Nous avons une vision à long terme. Notre stratégie est d’être spécialiste dans certains domaines et généraliste dans d’autres, pour offrir une palette globale de solutions à des clients. Chaque année, nous voulons être plus ambitieux et plus visibles, mais à long terme. Nos investissements dans nos employés et dans la technologie s’inscrivent dans cette logique. C’est aussi ce qui nous distingue des autres, aussi dans le partnership, et qui nous permet d’attirer des associés en provenance d’autres cabinets. L’ambiance est plus familiale», assure-t-il.

«Pour 2023-2024, nous visons toujours une croissance à deux chiffres. Nous essayons d’aller davantage dans la partie advisory, dans l’ESG, un sujet qui affecte toutes nos lignes de business, dans le conseil autour de la cybersécurité et nous verrons ce qui sort de notre task force sur l’intelligence artificielle.»