Philippe Ledent: «La BCE a mis en place un système de niveaux (tiering) qui devrait réduire l’impact pour les banques de la zone euro.» (Photo: Shutterstock)

Philippe Ledent: «La BCE a mis en place un système de niveaux (tiering) qui devrait réduire l’impact pour les banques de la zone euro.» (Photo: Shutterstock)

Les décisions de la BCE entraînent des éléments positifs pour les banques. Mais, à long terme, la rentabilité restera sous forte pression.

La Banque centrale euro­pé­­en­­ne a annoncé, le 12 septembre dernier, les mesures que les mar­chés espéraient. Dès le 1er novembre, elle relancera une politique de rachat d’actifs (assouplissement quantitatif) à raison de 20 milliards d’euros par mois. Dix mois à peine après avoir clôturé la précédente dans laquelle elle avait injecté 2.600 milliards d’euros de liquidités. Pour tenter de replacer l’inflation sur de bons rails et relancer la croissance de l’économie de la zone euro, Mario Draghi, président de l’institution jusqu’au 31 octobre prochain, tente toutes les solutions.

Il a donc également annoncé la baisse du taux de dépôt (déjà en territoire négatif) de -0,4% à -0,5%. Mais, cette fois, la décision est accompagnée de mesures destinées à la rendre moins douloureuse pour les banques, qui doivent donc payer un intérêt chaque fois qu’elles placent des liquidités auprès de la BCE.

«La BCE a mis en place un système de niveaux (tiering) qui devrait réduire l’impact pour les banques de la zone euro», observe Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux. Le calcul est fastidieux, mais les économistes d’ING s’y sont prêtés. Actuellement, les liquidités placées auprès de la BCE atteignent 1.760 milliards d’euros. Ce qui entraîne un total d’intérêts annuel pour les banques de 7 milliards.

«En passant à -0,5%, l’addition grimpe à 8,8 milliards», calcule Philippe Ledent. Mais la mesure décidée par la BCE est de maintenir le taux à zéro pour une somme six fois équivalente au montant qu’une banque a l’obligation de déposer à la BCE. La réserve obligatoire globale se montant à 132 milliards d’euros, cela veut dire que 792 milliards ne seront plus soumis à un intérêt négatif. Près de la moitié de la somme totale. Résultat: «La facture totale pour le secteur bancaire devrait redescendre à 4,4 milliards au lieu de 7 milliards.»

Une baisse défavorable au secteur

Mais l’économiste d’ING relati­vise la bonne nouvelle du fait que la nouvelle opération d’assouplissement quantitatif va à nouveau faire gonfler le niveau global de liquidités. «En plus, on sait désormais qu’on est parti pour des années de taux bas, ce qui n’est pas favorable à l’activité bancaire.» Une inquiétude par­tagée par Olivier Goemans, head of investment services & innovation à la Bil. Il constate que le modèle classique, prévoyant que la banque se rémunère sur le différentiel entre les intérêts qu’elle reçoit sur les crédits et ceux qu’elle paie sur les dépôts, est remis en question.

«Si la baisse des taux d’intérêt a fait baisser le coût du crédit, ce que les emprunteurs apprécient, il est commercialement plus délicat de leur proposer une épargne avec un rendement nul, voire négatif. La faiblesse des taux a réduit ce différentiel et a donc mécaniquement poussé les marges à la baisse.»

Des parades sont-elles possibles? «Toutes les banques tra­vaillent à la réduction des liquidités, explique M. Goemans. Il faut développer une offre d’investissements alternative à l’épargne classique pour encourager les clients à diversifier leur patrimoine. Mais un tel changement ne peut pas se faire du jour au lendemain.» En plus, les placements alternatifs sont aussi limités, constate-t-il. Les obligations de qualité sont à des taux très bas, voire négatifs. «La chasse aux rendements positifs est devenue un exercice illusoire, seule reste d’actualité une chasse aux rendements relatifs», résume l’expert de la Bil.