Au-delà de la hausse des taux directeurs, la BCE met la priorité sur son outil anti-fragmentation de la zone euro. (Photo: Shutterstock)

Au-delà de la hausse des taux directeurs, la BCE met la priorité sur son outil anti-fragmentation de la zone euro. (Photo: Shutterstock)

Les débats de la dernière réunion de la BCE annoncent une poursuite de sa politique de normalisation. La question n’est pas tant de savoir quand, mais à quel degré. Le risque de récession et le choc de l’offre en atténuent les effets. La priorité reste d’éviter une fragmentation de la zone euro.

Comme à son habitude, la Banque centrale européenne (BCE) publie le compte rendu de chacune de ses réunions de politique monétaire un mois après leur tenue. Il ressort de la dernière réunion du 20 et 21 juillet que ne serait que la première phase d’un resserrement monétaire. «Lors des prochaines réunions du conseil des gouverneurs, une nouvelle normalisation des taux d’intérêt serait appropriée», des échanges des membres du conseil de gouvernance de la BCE. L’institution de Francfort semble désormais déterminée à poursuivre le relèvement de ses taux. Le procès-verbal souligne à plusieurs reprises que la BCE se trouve «sur la voie de la normalisation».

Mettant le principe de la «gradualité» au cœur de la politique de normalisation, les gouverneurs ont conclu que la récente augmentation de 50 points de base était compatible avec cette approche. Même si des membres du conseil étaient arrivés à la réunion dans l’idée d’une hausse de seulement 25 points de base, un consensus a été trouvé.

Par ailleurs, le conseil des gouverneurs a voulu envoyer un signal clair aux marchés. D’une part, «il a été soutenu que le conseil des gouverneurs devait démontrer qu’il était disposé et capable de réagir si les perspectives changeaient». D’autre part, la hausse de 50 points de base «apporterait plus de clarté aux acteurs du marché dans un environnement très incertain».


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Au-delà de la sémantique

Les prévisions à la hausse du taux de l’inflation et celles de la contraction de l’activité économique exercent une pression sur les gouverneurs de la BCE. Jusqu’à il y a peu, la BCE se refusait de qualifier les conditions économiques actuelles de . Le conseil des gouverneurs a pourtant débuté sa dernière réunion en examinant «les principaux moteurs du changement de sentiment des investisseurs, passant des inquiétudes concernant l’inflation aux inquiétudes concernant la stagflation». Au niveau de l’analyse sémantique, le mot «stagflation» n’est toutefois mentionné qu’à deux reprises dans l’ensemble du procès-verbal. Le mot «récession» est, quant à lui, mentionné neuf fois. Par contre, des expressions telles que «ralentissement» ou «recul» sont légion dans le document.

Les gouverneurs ont ainsi passé en revue , les goulots d’étranglement sur les chaînes d’approvisionnement, le ralentissement de la consommation privée, et le poids des défis de la sécurité énergétique dans l’inflation. En ce qui concerne ce dernier point, la BCE indique que la zone euro dépense désormais environ 4% de son PIB en importations d’énergie, contre 1% au début de 2021. Les risques de détérioration de l’économie s’accumulent et s’intensifient à moyen terme.

En l’espace d’une seule phrase noyée dans la vingtaine de pages du procès-verbal, la BCE reconnaît l’impact limité de sa politique de normalisation dans pareil contexte: «Il a été rappelé que la politique monétaire n’était pas en mesure de fournir un soutien efficace lorsque l’économie était frappée par une série de chocs au niveau de l’offre.» Une phrase qui en dit long sur la capacité des autorités monétaires dans l’hypothèse où la guerre en Ukraine s’inscrirait dans la durée. .

Dans l’attente d’une union fiscale et bancaire

Malgré tout, même si tous les regards sont tournés vers la normalisation des taux directeurs, le compte rendu de la réunion révèle que ce sujet n’a pas été abordé en premier lieu. Face à une disparité flagrante des taux de l’inflation parmi les membres de la zone euro, une partie considérable des échanges a porté sur destiné à aider les pays les plus fragiles. Baptisé IPT pour «instrument de protection des transmissions», cet outil doit permettre «une transmission efficace de la politique monétaire» et a pour raison d’être d’éviter une nouvelle crise de la dette. L’instrument permettra à la BCE d’acheter de façon massive les obligations d’un État si nécessaire. Le procès-verbal note en outre que «la normalisation en cours (…) pourrait déclencher une fragmentation des marchés obligataires, avec des conséquences négatives pour tous les pays de la zone euro».

Alors que la hausse des taux directeurs a fait l’objet de nombreux débats, les membres du conseil de gouvernance de la BCE ont unanimement apporté leur soutien à l’IPT. «Une décision unanime du conseil des gouverneurs accompagnée d’une communication énergique et convaincante a été considérée comme conférant une forte crédibilité à l’IPT.» Le fait que la BCE travaillait en toute discrétion sur cet outil depuis trois mois, en collaboration avec les membres de l’Eurosystème, constitue un indicateur du degré d’importance de l’IPT.

L’IPT a également pour but de renforcer la résilience de l’union économique et monétaire. Cette dernière est «encore incomplète et exposée à des chocs asymétriques». À cet égard, le conseil des gouverneurs déplore «une politique budgétaire décentralisée, l’absence d’un marché des capitaux et d’une union bancaire à part entière». De la sorte, le conseil plaide pour «des modifications fondamentales de l’architecture de la zone euro». Dans l’attente de telles évolutions politiques, les gouverneurs rappellent que le succès de l’IPT nécessite «un engagement suffisant» des gouvernements nationaux en faveur de politiques budgétaires et économiques saines. Un sujet sur lequel les États de la zone euro ont justement du mal à accorder leurs violons.