De gauche à droite: les économistes David Chappell, Evelyn Herrmann, Paul Jackson, Ulrike Kastens, Hugo Le Damany et Yasser Talbi. Tous s’accordent à dire qu’une baisse des taux de 25 points de base par la BCE jeudi est certaine.  (Photos: Columbia Threadneedle Investments, Bank of America Securities, Invesco, DWS, AXA Investment Managers et Indosuez Wealth Management)

De gauche à droite: les économistes David Chappell, Evelyn Herrmann, Paul Jackson, Ulrike Kastens, Hugo Le Damany et Yasser Talbi. Tous s’accordent à dire qu’une baisse des taux de 25 points de base par la BCE jeudi est certaine.  (Photos: Columbia Threadneedle Investments, Bank of America Securities, Invesco, DWS, AXA Investment Managers et Indosuez Wealth Management)

Les principaux économistes interrogés sont unanimes pour dire que la Banque centrale européenne réduira ses taux directeurs de 25 points de base cette semaine, ce qui constituera la première baisse en près de cinq ans, et qu’elle maintiendra ensuite ses taux en juillet. Ils s’attendent aussi à ce que la BCE soit prudente dans ses prévisions.

Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), qui doit se réunir ce jeudi 6 juin, abaissera pour la première fois depuis près de cinq ans les taux directeurs des banques de la zone euro. Les principaux économistes interrogés par Delano sont unanimes sur cette évolution, anticipant une baisse de 25 points de base à l’issue de la réunion. Cependant, les circonstances macroéconomiques restent incertaines sur plusieurs fronts, y compris les pressions inflationnistes sur les salaires et les services, ainsi qu’une divergence supplémentaire par rapport aux taux fixés par la Réserve fédérale américaine (Fed).

David Chappell, senior fund manager fixed income chez Columbia Threadneedle Investments, fait remarquer que si les membres du Conseil n’avaient pas convenu de manière préventive d’une baisse en juin, il y aurait eu un débat animé sur la question de savoir s’il fallait attendre davantage de données après les chiffres peu encourageants des salaires et de l’inflation au cours des deux dernières semaines. Il est très probable que Christine Lagarde, présidente de la BCE, «guide les marchés vers un maintien en juillet, avec le prochain ajustement en septembre ou en octobre», indique encore M. Chappell.

«Nous prévoyons donc trois baisses de taux d’ici à la fin de 2024»

Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique chez Pictet Wealth Management, note que si la BCE est presque certaine de réduire ses taux lors de sa réunion du 6 juin cette décision «sera probablement approuvée à l’unanimité par le conseil des gouverneurs». Toutefois, M. Ducrozet prévoit que «le conseil des gouverneurs s’en tiendra à son approche actuelle, qui consiste à prendre des décisions sur la base des données reçues, une réunion à la fois», mais il ajoute que «les marchés se concentreront sur la mise à jour des projections des services de la BCE» pour toute réduction potentielle des taux à l’avenir. Il s’attend à ce que les projections de croissance du PIB et d’inflation pour 2024 «soient révisées légèrement à la hausse», reflétant les développements récents.

Jörg Held, responsable de la gestion de portefeuille chez Ethenea, convient qu’«une baisse des taux lors de la réunion de juin est considérée comme une évidence étant donné les déclarations très claires faites par plusieurs membres de la BCE». Il ajoute: «Nous prévoyons donc trois baisses de taux d’ici à la fin de 2024, à condition que la tendance de l’inflation continue à se confirmer.»

Evelyn Herrmann, économiste chez Bank of America Securities, s’attend à ce que la BCE réduise ses taux directeurs de 25 points de base cette semaine et affirme que les membres du Conseil ont adopté une approche fondée sur la dépendance à l’égard des données et la nécessité de procéder avec prudence. Mme Herrmann s’attend à ce que les «orientations souples» de jeudi indiquent que pour le conseil des gouverneurs «il n’y a pas de voie préétablie». Néanmoins, Mme Herrmann s’attend à des réductions du taux de dépôt de 75 points de base au total pour 2024, et de 125 points de base supplémentaires en 2025, «en raison du retour de l’inflation en dessous de l’objectif de 2% l’année prochaine».

Paul Jackson, responsable mondial de la recherche sur l’allocation d’actifs chez Invesco, souligne que les membres du Conseil de la BCE ont toujours indiqué que la première baisse des taux interviendrait en juin, mais que le calendrier des baisses suivantes est moins clair. «Je pense qu’ils se réuniront en juillet pour évaluer l’impact de la première baisse des taux», et qu’«une baisse des taux est possible lors de l’une des trois réunions restantes en 2024, ce qui donne un total de deux ou trois baisses cette année – en fonction du moment où la Fed assouplit ses conditions».

Ulrike Kastens, économiste senior chez DWS, note aussi que «la baisse des taux en juin est pratiquement certaine. Toutefois, ce qui importe encore plus, c’est la voie à suivre», résumant le sentiment général du marché. Selon elle, compte tenu des augmentations salariales toujours élevées, d’un marché de l’emploi très stable et de la pause dans la tendance désinflationniste, il semble approprié que la BCE reste tributaire des données et adopte une approche réunion par réunion. Elle dit également que «cela implique que la présidente de la BCE, Mme Lagarde, évitera tout engagement préalable à une nouvelle baisse des taux en juillet. Nous maintenons notre prévision de trois nouvelles baisses de taux en septembre, décembre et mars 2025.»

«Des risques que la zone euro suive la voie des États-Unis»

Hugo Le Damany, économiste de la zone euro chez AXA Investment Managers, rappelant le «mode de dépendance aux données» de la BCE, déclare que «les taux d’intérêt réels seraient réduits, mais resteraient en territoire restrictif tant qu’ils n’auraient pas atteint une confiance suffisante dans l’évolution de l’inflation, en particulier dans l’inflation des services. La trajectoire dépendra également de l’évolution des salaires, des bénéfices et de la productivité, qui sont des indicateurs avancés de l’inflation.»

Andrzej Szczepaniak, économiste principal chez Nomura, précise qu’«une baisse des taux en juin peut être considérée comme une suppression de la hausse des taux d’assurance en septembre», anticipant qu’il n’y aurait pas d’engagement de baisse des taux au-delà du mois de juin. Commentant la question de savoir si la BCE peut se dissocier des autorités fédérales et faire cavalier seul, M. Szczepaniak voit «cependant des risques que la zone euro suive la voie des États-Unis». Avec des données d’activité plus solides, une demande résistante, un marché du travail encourageant, une croissance des salaires plus forte que prévu et une inflation des services qui reste rigide, M. Szczepaniak pense que la BCE finira par ne réduire ses taux que progressivement afin de maintenir un certain niveau de restriction monétaire. Toutefois, il met en garde contre le fait qu’une «réduction trop importante et trop rapide alimenterait inutilement les braises de l’inflation et réduirait à néant la bataille durement menée par la BCE.»

Yasser Talbi, gestionnaire de portefeuille à revenu fixe chez Indosuez Wealth Management, affirme quant à lui que «la BCE réduira ses taux d’intérêt en juin, mais il est peu probable qu’elle le fasse en juillet». M. Talbi prévoit que «d’ici décembre 2025, la BCE abaissera probablement ses taux à au moins 2,5%, avec trois ou quatre réductions cette année».

Outre la réunion de juin, quatre autres réunions de politique monétaire sont prévues cette année, une en juillet, une en septembre, une en octobre et une en décembre.

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.