Alex Araujo, gérant du fonds M&G (Lux) Global Listed Infrastructure Fund (Photography by Daniel Lewis)

Alex Araujo, gérant du fonds M&G (Lux) Global Listed Infrastructure Fund (Photography by Daniel Lewis)

Dans cette interview, Alex Araujo, gérant du fonds M&G (Lux) Global Listed Infrastructure Fund, aborde les thèmes qui dominent actuellement le secteur et explique pourquoi il pense que les principes et processus ESG sont inextricablement liés à la réussite future.

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Quels sont les principaux thèmes qui dominent l’univers des infrastructures cotées en ce moment ?

AA : Actuellement, nous assistons à la convergence de multiples thèmes. Pour sortir de la pandémie mondiale et résoudre ses conséquences sur l’activité, un ensemble inhabituel de mesures internationales et coordonnées est à l’œuvre afin de revitaliser les économies. Que ce soit en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie, ces mesures portent en grande partie sur la relance budgétaire, laquelle largement le secteur des infrastructures.

Un élan est également donné afin que la reprise soit écologique et durable. Il s’agit d’une nécessité planétaire et sociétal, au cœur laquelle gravitent les énergies renouvelables et des formes plus propres de production d'électricité et de développement durable.

Comme nous le savons tous, les actifs d’infrastructure numérique, qui occupent une place importante dans notre stratégie d’infrastructures non cotées, incarnent une thématique dominante, puisqu’elle permet à beaucoup d’entre nous de travailler et de nous divertir à distance. S'il y a bien une chose que les 18 derniers mois nous ont appris, c’est à quel point nos vies personnelles et professionnelles sont dépendantes des infrastructures numériques. Selon nous, tout ceci converge assez commodément pour une stratégie comme la nôtre, composée de multiples expositions différentes permettant d’exploiter ces thématiques importantes.

Dans le domaine des énergies renouvelables, quelles sont, d’après vous, les meilleures opportunités d'investissement ?

AA : Je vais peut-être vous surprendre en répondant que ce ne sont pas forcément celles qui sautent aux yeux. Les entreprises purement axées sur les énergies renouvelables sont largement prisées par une grande quantité d'investisseurs, en particulier ceux qui poursuivent une stratégie ESG. Le résultat est que les valorisations ont considérablement grimpé, avec également, dans certains cas, un début d’accroissement de la volatilité.

En revanche, nous repérons de meilleures opportunités parmi les entreprises axées sur la transition vers l'économie sobre en carbone, par exemple des compagnies d'électricité qui se désengagent d’elles-mêmes des énergies polluantes pour privilégier des sources renouvelables. J’estime que ces acteurs contribuent effectivement à la transition d’une manière très différente, mais peut-être encore plus forte, au sens où elles interviennent des deux côtés du bilan carbone, en déployant des énergies renouvelables tout en réduisant leur usage de sources plus gourmande en carbone.

Il s’agit par ailleurs de situations complexes. Très souvent, cela nécessite un dialogue de notre part avec les équipes dirigeantes et les conseils d’administration pour savoir comment cette transition sera menée à bien. Nous devons leur mettre la pression, et il arrive que nous devions soutenir financièrement ce type d’efforts. C’est pour cette raison, et pour la complexité qu’elle induit, que les valorisations ont tendance à être plus intéressantes. Par conséquent, par ces investissements, non seulement nous contribuons au bien-être de l’environnement lorsque les choses se déroulent comme prévu, mais en plus, nous capitalisons sur la hausse future de valorisation qui accompagne typiquement ce genre de situation.

J’ajouterais également le thème des carburants de transition. On entend beaucoup parler de l’hydrogène comme source combustible ultime, mais il existe aussi des carburants de transition, comme le gaz naturel, qui jouent un rôle important au sens où ils sont en mesure d’occuper une place intermédiaire, après l’abandon de la chaleur et de l’électricité produites à base de charbon, dans des pays qui n’ont pas encore accès aux énergies renouvelables et aux formes plus propres de production d'électricité. Ce thème offre une autre opportunité très intéressante. Qui, encore une fois, ne saute pas aux yeux, et qui, par conséquent, s’accompagne parfois de valorisations très intéressantes.

En quoi votre approche d'investissement diffère-t-elle donc de stratégies d’infrastructures plus traditionnelles ?

AA : Trois aspects en particulier entrent en jeu.

D’abord, la priorité que nous accordons à la croissance, mais plus précisément à la croissance du dividende que nous cherchons à extraire des entreprises dans lesquelles nous investissons. La stratégie Global Listed Infrastructure poursuit l’objectif de faire fructifier chaque année le revenu de ses investisseurs dans leur devise de référence. Cela se fait par le biais de la croissance des dividendes, bien sûr, et vous ne pouvez augmenter vos dividendes en tant qu'entreprise que si vous avez le type d'actifs et les opportunités de croissance qui peuvent générer des flux de trésorerie de plus en plus élevés. C'est très simple.

Plutôt qu’une stratégie à dominante défensive, comme c’est typiquement le cas dans le domaine des infrastructures, nous recherchons une croissance fiable, forte et durable des flux de trésorerie, et par extension des dividendes procurés par les entreprises.

Une autre différence réside dans le périmètre et la profondeur de nos investissements. Depuis toujours, la plupart des investisseurs en infrastructures privilégient des actifs « core » ou « traditionnels ». Naturellement, nous le faisons aussi : ces actifs représentent une grosse part de notre exposition, sous la forme d’entreprises de services aux collectivités, d’infrastructures de transports et d’infrastructures d'énergie. Cependant, nous élargissons ce spectre d'opportunités en incluant des infrastructures sociales, qui, on a pu le voir, jouent un rôle extrêmement important depuis un an et demi. Citons par exemple des infrastructures hospitalières, notamment dans le domaine des installations de soins essentiels ou d'équipements hospitaliers, des infrastructures éducatives ou civiques, etc. Tous ces actifs sont assimilés aux infrastructures sociales, qui constituent un élément très défensif de la stratégie.

Enfin, nous nous positionnons aussi sur ce que nous appelons des infrastructures évolutives. Ce sont les infrastructures physiques nécessaires à la transformation numérique du monde dans lequel nous vivons. J’en ai déjà parlé auparavant, mais c’est notamment ce qui a trait aux tours de télécommunications mobiles, aux centres de données, aux réseaux de fibre optique, etc. Ce sont les types d’actifs d’infrastructures numériques dont ne nous pouvons pas nous passer pour aller sur Internet, passer des appels sur Zoom, etc.

La combinaison de ces trois aspects apporte également de la diversification dans le secteur, car les actifs visés n'évoluent pas tous au même rythme ni de la même manière. Leurs environnements de marché sont différents, et cela nous est profitable.

Pour terminer, je voudrais mentionner l’intégration des critères ESG. Il s’agit de l’étape à laquelle nous analysons et décortiquons la durabilité des actifs sous-jacents et des dirigeants qui sont à leur tête afin de nous assurer que l’accroissement des flux de trésorerie que nous visons aura bien lieu. Et d’autant plus le long terme, car nous sommes des investisseurs inscrits dans une perspective relativement distante.

Pourquoi l’ESG est-il si important pour les infrastructures cotées ?

AA : Dans notre stratégie, c’est l’essence-même de ce dans quoi nous investissons, la nature de la classe d'actifs. Nous investissons dans des actifs réels fixes et immuables qui sont au cœur de l’activité des entreprises que nous détenons dans le portefeuille. Ces actifs produisent la plupart du temps un impact, et sont également exposés à des impacts potentiels, comme les inondations, les tempêtes, les feux de forêts, etc. qui peuvent résulter du changement climatique, par exemple. Ces événements représentent un risque pour ces actifs. Pour une raison ou pour une autre, ces actifs peuvent également être « délaissés » et se déprécier, en fonction de l’usage qui en était fait. Notre approche ESG s’attache donc à analyser leur durabilité et, bien sûr, celle des entreprises qui les gèrent, car c’est l’aspect de la gouvernance, l'impact sociétal de ces actifs et de leur exposition à des risques éventuels. C’est là notre approche exclusive. Naturellement, ces types de risques ont des conséquences financières. Notre objectif est de protéger les investisseurs et leur capital, et c’est ainsi qu’est structurée notre approche ESG pour la stratégie.

En quoi l’inflation influe-t-elle sur la classe d'actifs ?

AA : C’est une question compliquée, car cela dépend de quand, comment, et sous quelle forme. Très souvent, les craintes entourant l’inflation se manifestent du point de vue du sentiment à l'égard des entreprises liées aux infrastructures cotées. Il s’agit de la relation historique entre le risque d'inflation et les entreprises sensibles aux taux d’intérêt, dans la mesure où toutes celles que contient le portefeuille versent des dividendes. C’est une source d’opportunités extraordinaires, car c’est précisément cette priorité donnée à la croissance qui pourrait fournir une sorte de protection ultime et la couverture contre l’inflation au sein du portefeuille. Nous pensons que la croissance est votre meilleure protection contre le risque d'inflation. Donc si nous réfléchissons aux types d’entreprises dans lesquelles nous investissons et à ce qui génère leur croissance, on arrive très vite à la conclusion que l’inflation qui va de pair avec la croissance, même si elle implique des taux d'intérêt plus élevés, peut, à coup sûr, devenir un avantage. Prenons l’exemple d’une société d’autoroutes. De quoi a besoin une route à péage ? De croissance, de reprise, de trafic de passagers, de trafic de véhicules de transport, etc. Et l’inflation permet à l’entreprise d’augmenter le prix du péage.

Et vous obtenez cet effet lorsque la sensibilité à l'économie, la croissance, l’inflation et même la hausse des taux d'intérêt peuvent bénéficier à l’entreprise. Je dirais qu’environ les deux tiers du portefeuille sont liés d'une manière ou d’une autre à l'inflation grâce à une forme de protection. Parfois, ce lien est formulé explicitement dans les contrats, comme par exemple dans les infrastructures sociales, ou de manière moins directe pour certains actifs d’infrastructures économiques. Cela peut même être lié aux prix des matières premières, dans le cas d’infrastructures employées par les entreprises qui en produisent.

Il s’agit d’une source potentielle de protection au sein de la stratégie. Notre objectif est de faire croître nos dividendes à un rythme supérieur au taux d'inflation mesuré dans les pays du G7, et c’est ainsi que nous cherchons) protéger nos investisseurs contre l'érosion des rendements qu’engendre parfois l’inflation.