Le Barreau a reçu de nombreux retours inquiets d’avocats dont l’activité est sérieusement entravée par la crise actuelle, sans espoir de compensation pour l’instant. (Photo: Barreau de Luxembourg)

Le Barreau a reçu de nombreux retours inquiets d’avocats dont l’activité est sérieusement entravée par la crise actuelle, sans espoir de compensation pour l’instant. (Photo: Barreau de Luxembourg)

Exclues des dispositifs d’aides déployés par le gouvernement, les études espèrent un geste pour pouvoir, elles aussi, traverser une crise déjà palpable. Le Barreau multiplie les démarches pour leur venir en aide et plaider leur cause.

Microentreprises, PME, grandes entreprises… Le présenté par le gouvernement la semaine dernière se vantait d’embrasser une myriade de situations diverses. Pourtant, les avocats ne s’y retrouvent toujours pas. «C’est une bonne chose de soutenir les petites entreprises, parce qu’il faut garder une activité industrielle, commerciale et artisanale en marche pour le jour où la crise sera terminée», réagit Me , bâtonnier du Barreau de Luxembourg. «Ce qui me chagrine, c’est que cela s’arrête aux entreprises artisanales et commerciales. Les avocats ne pourront pas bénéficier de ces mesures protectrices pour la seule raison de pratiquer une profession libérale.»

Par ailleurs, la profession est exercée sous diverses formes, de l’avocat individuel aux grandes sociétés, en passant – et c’est la majorité – par des associations d’avocats dépourvues de personnalité juridique. La majorité des études pourrait rentrer dans la typologie des microentreprises avec un à trois avocats, leur secrétaire, éventuellement leur comptable et un avocat stagiaire.

Ce sont surtout ces jeunes qui mordent la poussière actuellement.
Me François Kremer

Me François KremerbâtonnierBarreau de Luxembourg

«Je connais des cas concrets de petites études qui n’ont pas de contrat d’emploi avec le stagiaire, mais l’engagent en tant qu’indépendant freelance. Traditionnellement, si le patron de l’étude n’a pas le temps de plaider une affaire, il la confie à son collaborateur pour la plaider, et ce dernier lui soumet une facture.» L’annulation d’une grande partie des audiences plonge donc les études dans des difficultés, et ces freelances dans un chômage technique sans possibilité de rémunération.

«Ce sont surtout ces jeunes qui mordent la poussière actuellement», s’inquiète Me Kremer. «En tant que représentant de la profession, l’Ordre des avocats doit veiller à ce qu’un traitement juste, équitable et donc équivalent soit réservé à l’ensemble de ses membres. Or, à ce jour, seuls les salariés sont éligibles au chômage partiel, pas les indépendants, ce qui est discriminatoire.»

Un geste serait le paiement accéléré de l’assistance judiciaire

Exclues des aides d’urgence – puisqu’elles peuvent continuer à travailler même si leur activité a chuté, –, les études ne sont pas non plus éligibles à toutes les facilités de financement offertes par le plan de stabilisation. Or, si elles n’ont pas besoin d’investir dans du matériel, il faut bien payer les loyers et les frais de personnel. «Les frais courent, et il n’y a pas de rentrées», souligne Me Kremer, qui a fait part de son inquiétude dans un courrier à la ministre de la Justice, , en espérant que le gouvernement élargira la portée de ses aides aux indépendants. «On pourrait imaginer une aide d’urgence pour ceux dont le métier est rendu impossible», glisse-t-il. Sachant que cette aide devrait dépasser 5.000 euros pour réellement soulager les études d’avocats.

Le Barreau plaide également pour un coup de pouce de l’État en matière d’assistance judiciaire. C’est en effet lui qui gère ce service public, vérifie l’éligibilité des demandeurs, ainsi que les honoraires facturés par les avocats qui seront in fine payés par l’État au taux horaire modique de 87 euros pour un avoué et 58 euros pour un avocat stagiaire. Des montants qui ne sont pas soumis à l’indexation. «Le paiement de l’État intervient généralement au bout de deux à quatre semaines après l’avis de taxation du ministre», indique Me Kremer. «Ce serait bien que l’on puisse accélérer la manœuvre pour que les avocats soient payés plus rapidement.»

Si nos membres peuvent conseiller utilement leurs clients et les rassurer avant qu’ils ne prennent des mesures extrêmes – telles que des licenciements en masse pour sauvegarder la compétitivité –, nous pourrions avoir un impact sur l’économie luxembourgeoise.

Me Audrey Bertolottiavocat à la Cour, présidente de la commission droit social du Barreau

Dédié au soutien de ses membres, le Barreau a travaillé sur un tableau récapitulatif des mesures prises par le gouvernement en cette période de crise. Chômage partiel, télétravail, congé pour raisons familiales… autant de dispositions qui concernent les études en tant qu’employeurs. «Nous avons aussi recensé les mesures qui ne concernent pas les avocats, mais peuvent les aider à conseiller leurs clients», précise Me Audrey Bertolotti, présidente de la commission droit social du Barreau. «On peut se trouver démuni devant le nombre de mesures et les différents intervenants vers lesquels se tourner selon le type de mesure: ministère de l’Économie, Adem, Comité de conjoncture… En tout cas, il faut saluer la réactivité du gouvernement et son souci de simplifier les démarches.»

Ce tableau, accessible à tous les avocats sur l’intranet du Barreau, vise à les aider, mais aussi, en bout de ligne, à servir l’économie du pays. «Il y a différents clients sur le marché luxembourgeois: locaux, mais aussi internationaux. Les cultures s’entremêlent, les décideurs ne sont pas forcément à Luxembourg et n’ont donc pas toujours connaissance des mesures prises au Luxembourg», poursuit Me Bertolotti. «Si nos membres peuvent conseiller utilement leurs clients et les rassurer avant qu’ils ne prennent des mesures extrêmes – telles que des licenciements en masse pour sauvegarder la compétitivité –, nous pourrions avoir un impact sur l’économie luxembourgeoise et essayer de préserver des emplois.» Une nouvelle expression de la solidarité nationale face à cette crise qui paralyse le pays depuis deux semaines.