Barbara Agostino a dirigé entre 2019 et 2022 les crèches Barbara et Tiramisù, passées sous le giron de People&Baby, aujourd’hui décrié. (Photo: Maison Moderne)

Barbara Agostino a dirigé entre 2019 et 2022 les crèches Barbara et Tiramisù, passées sous le giron de People&Baby, aujourd’hui décrié. (Photo: Maison Moderne)

Fondatrice des crèches Barbara et Tiramisù, Barbara Agostino a revendu ses établissements au français People&Baby, en 2019, avant d’en rester la DG jusqu’en 2022. Accusé dans un livre de maltraitance et de dérives financières, le groupe est aujourd’hui dans la tourmente. La députée DP réagit.

Jusqu’au bout, elle avait hésité. «Je me revois devant la porte du siège du groupe, avenue Hoche à Paris. J’ai dit à ma mère et à ma comptable, qui m’accompagnaient ce jour-là: ‘Et si je ne vendais pas?’»

s’est finalement résolue à pousser la porte de l’hôtel particulier voisin de l’Arc de Triomphe, où l’attendaient les dirigeants et avocats du groupe People&Baby, à qui la fondatrice (en 2011) des crèches Barbara et Tiramisù allait céder ses établissements. C’était en janvier 2019.

Dans le deal, Barbara Agostino avait exigé de conserver des fonctions de directrice générale Belux. Elle les occupera jusqu’en mai 2022, pour se consacrer à la politique.

Gouvernance sur le gril

Poids lourd de la petite enfance avec 700 établissements en France et 150 autres à l’international dans neuf pays, People&Baby est sous le feu nourri des polémiques depuis la parution dans l’Hexagone, ce mercredi, du livre-enquête «Les Ogres», du journaliste Victor Castanet, .

Dans son ouvrage, Victor Castanet dénonce les dysfonctionnements du système de crèches privées en France et s’attaque aux «dérives» du groupe People&Baby, cernées après deux ans de travail de sa part.

Comme dans l’affaire Orpea, des cas de maltraitance ou de rationnement en nourriture ou en couches sont évoqués. Et, comme dans l’affaire Orpea, est pointé un système de gérance erratique, dicté par l’appât du gain.

Le président du groupe, Christophe Durieux, avait été débarqué au printemps dernier par son principal créancier depuis 2018, le fonds d’investissement Alcentra, devenu entre-temps filiale d’un fonds américain, Franklin Templeton. Aux côtés de sa compagne Odile Broglin, M. Durieux avait fondé People&Baby en 2004.

Autonomie luxembourgeoise

«En trois ans et demi», se souvient Barbara Agostino, «j’ai dû le voir une dizaine de fois. C’est un homme d’affaires. Quelqu’un de très calme, avec une vision très claire: il voulait faire grandir le groupe. Avec de belles crèches, de belles structures.»

Quant à Odile Broglin, ancienne infirmière pédiatrique, «elle a su mettre en place de belles choses en matière de pédagogie. Elle avait beaucoup d’idées.»

Après la vente, Barbara Agostino assure cependant avoir obtenu du couple de conserver une certaine autonomie de fonctionnement. «J’ai insisté sur le fait que les crèches devaient conserver leur nom, Barbara et Tiramisù, car nous n’avons rien en commun. Le Luxembourg, c’est le Luxembourg, une entité à part. La proximité et les médias font que si quelque chose ne va pas, tout le monde va en parler. Le bouche-à-oreille est prépondérant. J’ai eu le dessus, car je suis Luxembourgeoise, je suis née ici, je parle la langue. Je leur disais: ‘Faites-moi confiance.’»

Barbara Agostino indique avoir surtout eu affaire au «bras droit» de Christophe Durieux, Raphaël Mailly, qu’elle présente comme quelqu’un de «très loyal».

«Dans la continuité»

Vingt-quatre établissements sous le giron de People&Baby maillent aujourd’hui le territoire. Ils emploient plus de 350 salariés. Barbara Agostino indique avoir eu connaissance du scandale en cours côté français via le mail que nous lui avons adressé mardi matin. Depuis, elle a reçu «de nombreux appels de collègues» et épluché les médias. «S’il est vrai qu’il y a eu des situations de maltraitance, c’est dur de lire cela. Ce qui m’interpelle, c’est que les gens parlent après coup. Quand un problème se pose dans une entreprise, il y a plein d’endroits où l’on peut en parler. Pourquoi attendre l’écriture d’un livre?»

«Il n’y a jamais eu de limitation en matière de couches ou de nourriture», affirme Barbara Agostino, ajoutant que les repas, lorsqu’elle était DG, étaient conçus «par un traiteur luxembourgeois» et que les couches étaient certifiées bio.

«L’idée a toujours été de continuer à travailler dans la continuité de ce que j’avais entrepris», explique encore celle qui s’était résolue à céder son «bébé» parce qu’elle s’était dit que «j’arrêterais le business au bout de dix ans» et que «j’ai eu un appel de ma fiduciaire, avec à la clé une somme d’argent telle que je n’aurais jamais osé l’imaginer. Ma femme () était déjà eurodéputée, c’était l’occasion de vivre autre chose. Moi, quand j’avais ouvert ces crèches, c’était pour me montrer qu’en tant qu’enfant d’immigrés, je pouvais réussir.»

«Toujours des moutons noirs»

Barbara Agostino l’assure également: les contrôles du ministère de l’Éducation nationale (qui n’avait pas pu répondre à nos sollicitations au moment de la publication de cet article) et du ministère de la Santé sont réguliers. «Dès qu’une crèche est dans le rouge quant au nombre d’enfants accueillis ou d’heures effectuées, le ministère de l’Éducation nationale demande de se justifier. Quant au ministère de la Santé, il diligente des contrôles sans prévenir. Cela concerne l’hygiène, la température des repas servis, etc.»

Pour elle, «il y a toujours des moutons noirs dans un groupe». Surtout, elle pointe «un système qui favorise les grands groupes». «En tant que petite crèche, vous ne pouvez plus survivre. Que vous ayez cinq enfants ou 200, les exigences sont les mêmes. À partir de là, qu’est-ce qui est le plus rentable?»