«Les banques sont prêtes à discuter des crédits-relais.» C’est le message de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL), interpellée par Paperjam sur .
Message aux emprunteurs, d’abord. «Si vous connaissez des difficultés financières, parlez-en à votre banquier», insiste l’ABBL par la voix de son porte-parole, Paul Wilwertz. «La banque est disposée à trouver des solutions. Elle n’a aucun intérêt à mettre un client en difficulté ou à procéder à une vente forcée.»
Rappelons le principe du crédit-relais: la banque avance des fonds à un propriétaire qui souhaite déménager pour lui permettre de financer l’achat de son nouveau logement sans attendre d’avoir vendu le précédent. Obtenir un tel prêt est une nécessité pour les ménages propriétaires qui souhaitent, par exemple, acheter un bien sur plan (Vefa). Ces crédits-relais sont limités à 18 mois pour une rénovation et 24 mois pour une nouvelle construction.
Échéances courtes à risque
Avec la forte hausse des taux, les charges des emprunteurs ont sensiblement augmenté. Une partie des ménages se retrouvent au pied du mur… tandis que les taux d’intérêt des crédits immobiliers continuent de grimper. En août, le taux variable atteignait 4,67% (+7 points de base en un mois, +331pb en un an) et le taux fixe 3,80% (+1pb en un mois, +99pb en un an), selon la Banque centrale du Luxembourg.
Il y a trois ans déjà, l’ABBL alertait la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) sur les risques liés à la courte durée des crédits-relais. En effet, explique la faîtière des banques, «le client et sa banque risquaient de se retrouver dans l’impasse si jamais, dans des circonstances exceptionnelles comme des problèmes dans les chaînes d’approvisionnement ou un revirement de marché, le client n’arrivait pas à vendre son bien initial endéans le calendrier imparti». Des discussions ont eu lieu et la CSSF a adapté le cadre réglementaire en tenant compte de la nouvelle situation.
Si vous refusez de voir la réalité du marché, votre banquier, lui, devra en tenir compte.
Résultat: depuis l’été dernier, «les banques ont davantage de marge de manœuvre et de sécurité juridique pour prolonger la durée du crédit-relais en cas de situation exceptionnelle», salue Paul Wilwertz. «Mais n’oublions pas que la demande baisse aujourd’hui. Peut-être que le bien que vous voulez vendre à un million ne trouve preneur qu’à 800.000 euros. Si vous refusez de voir la réalité du marché, votre banquier, lui, devra en tenir compte.» Autrement dit, placer des attentes irréalistes sur les prix n’est pas un argument pour proroger un crédit-relais, souligne l’ABBL.
Un crédit-relais représente toutefois une charge financière importante, puisque pendant plusieurs mois, le client est obligé de rembourser deux crédits. «Sachant que les crédits-relais sont habituellement à taux variable, si le crédit de la future maison est également à taux variable, une hausse de taux pénalise doublement l’emprunteur», explique Paul Wilwertz.
Situation sous contrôle
De fait, les retards de paiement ont augmenté, ces derniers mois, chez les particuliers ayant recours à un crédit-relais. Mais rapportés au volume total de ce type de crédits, les retards ne dépassent pas 4,5%, selon les données de juillet. Soit environ 63 millions d’euros sur un volume total de 1,4 milliard de crédits-relais, selon la CSSF et le ministère des Finances. Le volume total des crédits immobiliers étant de 48 milliards d’euros.
La situation est sous contrôle, confirme Paul Wilwertz, qui s’affiche confiant: «De manière générale, en termes de crédits non remboursés, le Luxembourg se situe en dessous de la moyenne européenne. Pour pouvoir rembourser leur crédit, les gens ont tendance à chercher des économies ailleurs: on va renoncer au restaurant, aux vacances, etc.»
Les banques ont une responsabilité morale vis-à-vis de leurs clients.
Observateur privilégié du marché, le CEO du courtier Eurocaution, , ne contredit pas les banques: «La majorité d’entre elles sont prêtes à aider leurs clients en aménageant les modalités de remboursement, et à attendre que les acquéreurs puissent prendre possession de leur nouveau logement en Vefa avant de prendre des décisions plus radicales.» Et de rappeler les banques à leur «responsabilité morale» vis-à-vis de leurs clients: «Elles devront leur donner le temps nécessaire pour qu’ils puissent vendre leur ancien bien au juste prix et le plus dignement possible sans devoir assumer trop de pertes.»
Pour ce spécialiste du cautionnement, les banques détiennent donc la clé pour aider les personnes en difficulté… mais aussi pour créer l’environnement du futur. Alessandro Rizzo appelle à «moderniser» la loi du 28 décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire – une loi qui permet aux acquéreurs de ne payer leur logement que lorsqu’il a été construit.
Plus besoin des crédits-relais
«Les banques devraient offrir des crédits aux promoteurs pour réaliser les constructions sans dépendre d’un niveau de prévente élevé, comme c’est le cas aujourd’hui sur les Vefa réalisées dans les pays limitrophes», développe le CEO d’Eurocaution. «Avec ce système, les candidats acquéreurs d’un nouveau logement n’auraient, la plupart du temps, plus besoin d’avoir recours au crédit-relais, car ils pourraient payer leur logement seulement quand il est achevé. Cela leur donnerait suffisamment de temps pour vendre leur premier bien, vu qu’ils connaîtraient la date de fin des travaux au moins neuf mois à l’avance.»
L’ABBL ne prend pas position mais précise: «Pendant la campagne des législatives, des partis ont évoqué l’idée d’une table ronde sur la construction et le logement. Les banques sont prêtes à discuter de solutions qui les impliquent, pour autant que le législateur et le régulateur soient également à la table. Car en matière de crédit, nous sommes tenus par le cadre réglementaire.»