Le poids des procédures AML/KYC ne dépend pas seulement de la technologie. Mais le nombre de softwares utilisés dans ce cadre donne une idée de la complexité et de l’ampleur des efforts déployés. (Photo: Shutterstock)

Le poids des procédures AML/KYC ne dépend pas seulement de la technologie. Mais le nombre de softwares utilisés dans ce cadre donne une idée de la complexité et de l’ampleur des efforts déployés. (Photo: Shutterstock)

Il faut parfois beaucoup plus qu’un logiciel pour réaliser les vérifications anti-blanchiment d’argent/connaissance du client. Une accumulation coûteuse, qui renvoie à l’ambition de mutualiser les procédures KYC dans le secteur financier luxembourgeois.

Combien de softwares utilisez-vous pour les procédures AML en général et «Know your customer» (KYC) en particulier? Cette question simple, peu de banques sur la Place y répondent volontiers. Il faut dire qu’elle renvoie à un sujet très sensible.

«Le KYC est l’un des plus grands obstacles à la rentabilité des banques européennes», rappelle le CEO de la Luxembourg House of Financial Technology (Lhoft), . «Les coûts de mise en conformité en Europe s’élèvent à environ 100 milliards d’euros par an, dont une part importante est imputable au KYC – entre 10 et 15%, selon les sources. Cela devient de plus en plus complexe et crée également des frictions avec les clients, qui sont frustrés par les processus qu’ils doivent suivre pour ouvrir des comptes.»

Le sujet a trouvé une illustration avec au Luxembourg. «Les défis liés à l’ouverture de comptes et à leur suivi ont probablement influencé la décision d’ING de quitter le marché, jugeant l’activité insuffisamment rentable au vu des contraintes réglementaires», commentait alors le CEO de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL), , . «Le cas ING cristallise les difficultés liées au KYC», résumait-il.

Quintet: huit solutions pour l’AML

Le poids des procédures AML/KYC ne repose pas uniquement sur la technologie, tant s’en faut. Cependant, le nombre de logiciels utilisés dans ce cadre donne une idée de la complexité et de l’ampleur des efforts déployés. Interrogé à ce sujet, ING Luxembourg reste vague: «Nous ne sommes pas en mesure de vous fournir le nombre exact de softwares AML/KYC que nous utilisons car ils sont très complexes et intégrés dans les systèmes informatiques de la banque.»

ING déclare utiliser des softwares internes et externes pour couvrir les différents domaines du KYC (customer due diligence, monitoring des transactions et screening des clients et des transactions). «En raison de l’évolution de la réglementation et des processus, ces outils et logiciels et, plus généralement, les processus KYC nécessitent des investissements continus et des mises à jour régulières.»

Deux autres banques de la Place se sont, elles, montrées transparentes. Raiffeisen indique ainsi travailler actuellement avec cinq systèmes logiciels différents: quatre pour l’AML et un pour le KYC. Quant à Quintet, elle utilise huit solutions pour l’AML, dont six spécifiquement pour le KYC.

«En général, les institutions disposent d’une solution pour la saisie des données. Ensuite, elles peuvent en avoir une autre pour effectuer des contrôles de base sur de grandes bases de données, comme les personnes politiquement exposées (PEP) et les bénéficiaires effectifs. Une autre solution encore peut être utilisée pour l’évaluation des risques et le contrôle préalable des clients, et une autre pour le suivi des transactions pour la lutte contre le blanchiment d’argent», explique M. Zubairi.

Le poids de l’héritage analogique

Le CEO de la Lhoft ne sait pas exactement combien de systèmes logiciels sont utilisés en moyenne, mais il peut imaginer qu’ils sont nombreux. «Le KYC n’est pas quelque chose de nouveau: les institutions sont tenues de le faire depuis de nombreuses années. Ces systèmes ont été mis en place il y a longtemps et il s’agissait probablement de solutions très fragmentées à l’époque. Il n’existait pas de solution unique capable de tout faire. Ils devaient donc s’appuyer sur différents systèmes.»

Ne pourrait-il pas y avoir une solution logicielle unique? «En tant que puriste, j’aimerais répondre par l’affirmative», déclare M. Zubairi. «Mais il faut comprendre que la plupart des institutions financières sont d’une autre époque. Elles existent depuis des décennies et viennent d’un monde analogique, et il est incroyablement difficile de transformer une entreprise analogique en une entreprise numérique.»

Incroyablement difficile, répète le spécialiste. «Au fil du temps, des solutions rapides ont souvent été appliquées pour résoudre certains problèmes, ce qui a entraîné des doublons et une inefficacité technologique. C’est le cas dans tout le secteur, et pas seulement dans une institution financière particulière. Il n’y a pas une seule banque traditionnelle en Europe qui ait été particulièrement efficace dans la transformation de ses activités dans ce sens.»

Le problème des structures complexes

Sans désigner Quintet (huit solutions AML) ou Raiffeisen (cinq) comme des cas particuliers, M. Zubairi se garde bien de généraliser. «Tout dépend de l’orientation commerciale de la banque, de son niveau d’exigences en matière de conformité et de son appétit pour le risque», note-t-il.

Et de donner des exemples: «Les banques commerciales opérant sur les marchés des particuliers et des entreprises sont parfois confrontées à des structures d’entreprise très complexes. Certaines banques luxembourgeoises choisissent de ne pas traiter avec des gestionnaires de fonds alternatifs, sachant que ces plans d’investissement peuvent avoir des structures très complexes dont l’analyse nécessite davantage de systèmes et de processus. On retrouve souvent le même niveau de complexité dans la banque privée, où les particuliers très fortunés peuvent posséder diverses structures pour gérer leur patrimoine.»

Coûteuse, l’accumulation de softwares renvoie à l’ambition de mutualiser les procédures KYC dans le secteur financier luxembourgeois. En Suisse, où ce processus est bien engagé, «la pleine intégration des solutions est l’une des priorités pour les trois ans à venir», indique le fondateur de la fintech Wecan, Vincent Pignon. Qui nourrit l’objectif, par ailleurs, de réduire les coûts associés à la saisie manuelle des données lors de l’onboarding des clients.

(Pourquoi la mutualisation des procédures KYC dans le secteur financier fait-elle du surplace? Retrouvez ce jeudi l’interview du CEO de la Lhoft, Nasir Zubairi.)