Jeffrey Dentzer, responsable du marché luxembourgeois et de la BFI à la Bil, a partagé son point de vue sur les perspectives bancaires au Luxembourg. (Photo: Mike Zenari/Archives)

Jeffrey Dentzer, responsable du marché luxembourgeois et de la BFI à la Bil, a partagé son point de vue sur les perspectives bancaires au Luxembourg. (Photo: Mike Zenari/Archives)

Dans le second volet de cette série, Jeffrey Dentzer, head of Luxembourg market & CIB à la Banque Internationale à Luxembourg, a exposé l’effet de la hausse des taux d’intérêt sur le coût du risque et les épargnants, ainsi que l’impact de Bâle 4 sur le secteur bancaire luxembourgeois en 2024. Cet entretien a été réalisé fin novembre 2023.

«Le coût du risque augmentera [pour les banques luxembourgeoises en 2024]», a déclaré Jeffrey Dentzer, responsable du marché luxembourgeois et de la CIB à la Banque Internationale à Luxembourg, lors d’une interview dans leurs bureaux le 23 novembre 2023. Il a expliqué qu’en raison du ralentissement de l’économie, les banques doivent mettre en œuvre des mesures d’abstention qui auront un impact sur l’ prêts.

La première étape (S1) concerne les actifs performants. Les provisions commencent à se constituer lorsqu’un prêt passe au stade 2 (S2), après qu’une banque a constaté les premiers signes de détérioration matérielle. La troisième étape (S3) concerne les actifs en défaut.

Bâle 4 pousse les banques vers la normalisation

Avant l’adoption de l’IFRS 9, une norme comptable internationale, M. Dentzer a expliqué que le processus de provisionnement était laissé à «l’appréciation de la direction sur la base d’une analyse interne». Il note que le niveau des provisions et le calendrier sont aujourd’hui clairement définis et automatiques.

«Les banques doivent allouer du capital pour tenir compte de l’augmentation des provisions», a indiqué M. Dentzer. Il est rassuré par les marges d’intérêt nettes plus élevées générées au cours de l’année dernière, qui atténuent l’impact négatif de l’augmentation des provisions.

Bâle 4 va obliger les banques à revoir leur modèle d’entreprise

«Bâle 4 pousse les banques vers la normalisation», a souligné M. Dentzer. La Banque centrale européenne (BCE) devrait mettre en place quelque chose qui ressemble à un mécanisme de plafond et de plancher.

M. Dentzer a expliqué que l’avantage du modèle avancé par rapport au modèle standard diminuera progressivement. Actuellement, le modèle avancé permet aux banques d’évaluer les actifs pondérés en fonction des risques (RWA) à un niveau inférieur à celui du modèle standard. «À partir de 2025, l’avantage sera remis en question dans le cadre de Bâle 4.»

Au cours du processus de mise en œuvre progressive qui débutera en 2025 et s’achèvera en 2030, il s’attend à ce que «l’avantage de 50% diminue progressivement jusqu’à 27,5%». En d’autres termes, «la capacité des banques à économiser sur les actifs pondérés en fonction des risques diminuera progressivement.» En outre, la BCE remettra plus activement en question les modèles avancés en y ajoutant des mécanismes qui augmenteront la probabilité de défaillance.

Par conséquent, plusieurs modèles devront être modifiés, car «ils seront moins optimisés en termes d’utilisation du capital», ce qui amènera certaines banques à revoir complètement leur modèle d’entreprise. «Comme tout peut coûter plus cher [en termes d’actifs pondérés en fonction des risques], nécessitant plus de capital», M. Dentzer pense que certaines banques pourraient devoir se concentrer sur des secteurs clés.

Il estime que non seulement les banques de détail au Luxembourg, mais aussi les banques spécialisées pourraient devoir revoir le profil de leurs clients. Une des conséquences de la réglementation pourrait être une moindre diversification du portefeuille bancaire.

Des taux d’intérêt plus élevés entraînant des effets de «codépendance».

M. Dentzer explique que la hausse des taux d’intérêt a augmenté les coûts de financement de la construction et de l’achat de terrains, ce qui a entraîné une diminution des marges des promoteurs immobiliers. En outre, ces derniers n’ont pas pu répercuter leurs coûts sur le prix des nouveaux logements, car les acheteurs sont également limités par des coûts de financement plus élevés.

Les nouveaux logements doivent être plus fonctionnels, intégrés et accessibles.
Jeffrey Dentzer

Jeffrey Dentzerresponsable du marché luxembourgeois et de la BFIBanque Internationale à Luxembourg

La contagion a également touché les PME (plombiers, électriciens) et leurs employés, qui peuvent également être amenés à repousser leurs propres projets d’achat d’un logement.

Ces défis ne sont pas propres au secteur immobilier. M. Dentzer s’attend à un effet d’entraînement en 2024 sur d’autres secteurs, ce qui se traduira par une augmentation des provisions. En outre, les entreprises ayant un niveau élevé de stocks seront probablement plus touchées par l’augmentation des charges d’intérêt pour le financement de ces actifs.

Malgré les défis de l’immobilier, M. Dentzer a observé l’émergence de la coexistence ou d’autres concepts alternatifs dont l’avenir est prometteur en dépit de la hausse des taux d’intérêt. Il a également noté l’arrivée de nouveaux logements «plus fonctionnels, intégrés et accessibles» pour une fraction de la taille de l’appartement requise auparavant.

La hausse des taux d’intérêt n’a pas que des conséquences négatives

M. Dentzer estime que les banques luxembourgeoises offrent des taux d’épargne parmi les plus élevés de la zone euro. Il suggère que les banques d’autres pays n’ont fait qu’augmenter les frais sur leurs prêts sans offrir grand-chose à leurs épargnants, augmentant ainsi leurs marges d’intérêt nettes. Ce «delta est resté raisonnable… autour de 1,5% à 2,0%» à la Bil et il a également noté «une évolution parallèle» avec d’autres banques nationales.

Une version de cet article paraîtra dans l’édition imprimée du Paperjam+Delano Business Guide 2024. Il a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.