Jerry Grbic, Guy Hoffmann et Yves Maas soulignent la situation «fragile» du secteur bancaire luxembourgeois. Une situation qui ne transparaît pas forcément dans les chiffres. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Jerry Grbic, Guy Hoffmann et Yves Maas soulignent la situation «fragile» du secteur bancaire luxembourgeois. Une situation qui ne transparaît pas forcément dans les chiffres. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Si les chiffres de 2021 sont bons pour le secteur avec une profitabilité qui renoue avec son niveau d’avant-pandémie, un problème récurrent se fait de plus en plus pressant: celui de la rentabilité des banques. 3.000 emplois seraient menacés.

L’ABBL est revenue sur les résultats de 2021 du secteur bancaire, qu’, avec un message-clé: si le résultat net a atteint 4,404 milliards d’euros – en hausse de 30,8% pour se rapprocher du niveau d’avant-pandémie –, la situation reste «fragile», selon , le président du conseil d’administration de l’ABBL, et , ex-CEO de l’association.

Les chiffres qui préoccupent Guy Hoffmann, ce sont ceux de l’évolution de la rentabilité. Pour lui, «près de 20% des banques ne sont pas rentables, un constat alarmant pour l’économie luxembourgeoise». Des banques qui emploient près de 3.000 personnes.

La rentabilité des actifs (ROA) baisse de manière constante depuis 2016. De 0,62% alors, elle est passée à 0,36%. Et si le résultat avant impôts est passé de 4,6 milliards à 5,1 milliards, il convient de reporter ce chiffre à celui de l’évolution des provisions, passé de 922 millions en 2020 à 254 millions en 2021. Autrement dit, si les provisions étaient restées au même niveau, le résultat avant impôts de 2021 aurait été inférieur de 175 millions.

Or, les provisions pourraient fortement repartir à la hausse avec la crise ukrainienne. Avec un impact plus durable. «La principale différence entre l’actuelle situation de guerre et la pandémie, c’est que pour la pandémie, on savait que lorsqu’elle s’arrêterait, l’activité repartirait comme avant d’un point de vue opérationnel», explique , le de l’ABBL. Pour lui, la guerre russe en Ukraine aura des conséquences bien plus profondes et bien plus durables sur l’économie. Le et l’ sont sur cette analyse. Entre la probabilité d’une hausse massive des provisions, d’un recul de l’activité et la volatilité sur les marchés qui va affecter les banques, l’ABBL s’attend à des résultats 2022 très en deçà de ceux de 2021.

En 2021, 23 banques auront affiché des pertes. C’est un risque pour toute la Place.
Guy Hoffmann

Guy HoffmannPrésident du Conseil d’AdministrationABBL

«En 2021, 23 banques auront affiché des pertes. C’est un risque pour toute la Place», estime Guy Hoffmann.

Les banques les plus menacées sont celles opérant dans le secteur de la banque dépositaire et de la banque privée. Pour ce dernier métier, , les coûts opérationnels s’envolent. «29 des 54 banques privées actives sur la Place ont moins de 5 milliards d’actifs sous gestion», relève Guy Hoffmann. «À un tel niveau, il est quasiment impossible de rentrer dans ses frais. Il faut du volume pour gagner de l’argent. Et c’est également le cas pour les banques dépositaires. Ce sont deux métiers qui sont plus sensibles que d’autres au niveau des volumes et où les marges évoluent vers le bas de manière importante.»

Guy Hoffmann et Yves Maas s’attendent à des consolidations logiques. Et potentiellement déstabilisantes. «Le Luxembourg n’est pas le moteur de cette consolidation, mais est tributaire de ce qui se passe au niveau international», poursuit Yves Maas, qui prend l’exemple du : «Cela va avoir des répercussions dans n’importe quel pays où ces deux acteurs ont des opérations. À un moment, il y aura une fusion des activités, ce qui va se répercuter certainement aussi au Luxembourg.»

Guy Hoffmann enfonce le clou: «Il y existe un réel risque de ‘succursalisation’ ou de délocalisation. N’oublions pas que les activités bancaires se délocalisent plus facilement que l’industrie.»

Dans ce contexte, l’ABBL entend travailler à ce que l’environnement au Luxembourg – qu’il soit financier ou social – continue à rester «business friendly» pour que la rentabilité soit au rendez-vous. «Pour le bénéfice de l’économie luxembourgeoise.»

Nous représentons un secteur fondamental pour l’économie du Luxembourg. Un secteur que la majorité de nos concitoyens n’aiment pas trop.
Yves Maas

Yves MaasconseillerABBL

Ce qui ne va pas être simple. Yves Maas le reconnait: «Nous représentons un secteur fondamental pour l’économie du Luxembourg. Un secteur dont je pense que la majorité de nos concitoyens n’aiment pas trop. C’est un fait. Un fait dont nous sommes conscients et qui est très dérangeant pour nous. Il y avait peut-être des raisons à cela il y a une quinzaine d’années, mais plus aujourd’hui. Le secteur a changé et les citoyens devraient en être fiers. Il n’y a pas de criminels qui travaillent dans le secteur.»

Et de citer les chiffres de la contribution du secteur au bien-être économique du pays. En 2021, les 123 banques actives sur la Place ont employé 25.964 personnes – un chiffre stable par rapport à 2020 – et ont pesé pour 30% du PIB et 77% des impôts directs, selon les données du Conseil économique et social. Les caisses de l’État auront engrangé 803 millions en 2021, contre 595 millions en 2020.

Suite à l’assemblée générale de ce 27 avril, Guy Hoffmann a vu son mandat de président renouvelé. Il sera assisté de Pierre Étienne, élu vice-président, et de Jerry Grbic, le nouveau CEO. Yves Maas, auquel il a succédé, va rester encore quelques semaines au sein de l’ABBL en tant que conseiller spécial pour assurer la transition.