Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL. (Photo: Maison Moderne)

Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL. (Photo: Maison Moderne)

La banque privée est confrontée à de nombreux défis, liés notamment à la pression pesant sur ses marges. Les acteurs ne disposant pas d’une masse d’actifs suffisante ou ne travaillant pas sur un marché de niche risquent ainsi de disparaître. Pour Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL, ce constat ne doit pas masquer les réelles opportunités qui existent par ailleurs.

L’une des missions de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL) est de sonder régulièrement la situation des acteurs du monde bancaire installés dans le pays. En septembre dernier, l’association a publié une étude permettant d’objectiver l’état du secteur de la banque privée. Le principal constat qui ressort de cette enquête est largement positif: le montant des actifs sous gestion au sein des différentes banques privées actives sur le territoire luxembourgeois est en hausse continue depuis 10 ans.

Entre 2008 et 2018, il est ainsi passé de 225 à 395 milliards d’euros. «On constate aussi que 84% de ces fonds sont originaires d’Europe, ce qui indique bien que le Luxembourg se positionne de plus en plus comme un centre de référence au niveau européen», explique Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL. «La notation triple A du pays, sa stabilité politique et le fait que les autorités publiques soient à l’écoute font partie des éléments qui expliquent cet attrait du Luxembourg.»

On assiste actuellement à un mouvement de concentration sur le marché.
Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL

Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL

En outre, la clientèle évolue également de manière positive pour les banques privées, puisqu’une majorité de leurs clients au Luxembourg ont des actifs qui dépassent les 20 millions d’euros. «C’est une évolution positive qui souligne la mutation qualitative du modèle d’affaires des banques privées sur la Place», complète Camille Seillès.

À la recherche d’une masse critique

Ce tableau idyllique doit toutefois être contrebalancé par un constat moins réjouissant: si les actifs sous gestion dans les banques privées du Luxembourg sont en hausse, le nombre d’acteurs présents dans le pays, lui, diminue. Alors que 64 banques étaient reprises dans le panel de l’ABBL pour son étude 2018, elles ne sont plus que 57 en 2019. «Ce phénomène s’explique en bonne partie par des marges de plus en plus contraintes, notamment en raison de nouvelles réglementations», poursuit Camille Seillès.

«Mifid II, par exemple, impose de rétrocéder certaines commissions perçues par les intermédiaires financiers. En outre, la multiplication des obligations déclaratives, notamment en matière fiscale, requiert des investissements significatifs. Or, tous ces coûts sont évidemment incompressibles: il n’est pas envisageable de faire des économies sur ces postes liés à la réglementation.»

Pour les banques privées de taille plus modeste, il peut dès lors être difficile de s’en sortir. «On assiste actuellement à un mouvement de concentration sur le marché. Ce mouvement n’est sans doute pas terminé puisque, selon la CSSF, 15 à 20 banques sur la Place auraient aujourd’hui un ratio coûts-bénéfices supérieur à 100», précise Camille Seillès.

Au-delà des institutions en elles-mêmes, les investisseurs, eux aussi, font confiance à l’expertise luxembourgeoise pour le placement de leurs actifs.
Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL

Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL

«Il est donc sans doute préférable, dans le contexte actuel, d’atteindre une certaine masse critique pour survivre. Toutefois, le seuil pertinent reste difficile, sinon impossible à définir. En effet, on voit des acteurs de taille plus réduite atteindre des niveaux de rentabilité satisfaisants en investissant des marchés de niche, ou en n’étant actifs que sur un ou deux pays, ce qui réduit les coûts liés à la gestion des risques, notamment réglementaires.»

Le Brexit, une aubaine

Comme le démontre l’augmentation continue des actifs sous gestion, la situation globale du marché est bonne. Et des opportunités continuent de se présenter. Le positionnement fort du Luxembourg comme hub européen de la finance a ainsi convaincu de nombreux acteurs installés en Grande-Bretagne de s’installer au Grand-Duché dans la perspective du Brexit.

«Au-delà des institutions en elles-mêmes, les investisseurs, eux aussi, font confiance à l’expertise luxembourgeoise pour le placement de leurs actifs. On constate ainsi que plus de 80% des clients sont non-résidents», indique encore le secrétaire général de l’ABBL. Ce n’est aujourd’hui plus le secret bancaire ou la fiscalité qui attirent ces investisseurs, mais bien le positionnement et le savoir-faire luxembourgeois. Pour le secteur de la banque privée, il reste donc à continuer à capitaliser sur cette bonne réputation.