Pour l’ABBL, la progression des actifs démontre que le Luxembourg est l’un des hubs européens les plus réputés au monde en matière de banque privée. (Photo: Shutterstock)

Pour l’ABBL, la progression des actifs démontre que le Luxembourg est l’un des hubs européens les plus réputés au monde en matière de banque privée. (Photo: Shutterstock)

C’est un palier que vient de franchir la banque privée sur la Place: le secteur comptait fin 2020 508 milliards d’euros d’actifs sous gestion selon une étude menée par KPMG pour le compte de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL). Un doublement depuis 2008 et une croissance annuelle moyenne de 7%.

Les chiffres relevés par KPMG et l’ABBL dans sont spectaculaires. Ces douze dernières années ont été marquées par une progression ininterrompue. Depuis 2008, la croissance annuelle moyenne des actifs sous gestion a été de 7%. Et la tendance est à l’accélération.

Après un plateau observé entre 2015 et 2017, où la croissance annuelle moyenne n’aura été que de 1,7%, le taux d’augmentation a accéléré pour atteindre 13,4% par an entre 2018 et 2020. Le Brexit n’y étant pas pour rien. 

La rentabilité est sur la même trajectoire, en partie grâce à la croissance des actifs sous gestion. En 2020, ce sont 11,6 milliards d’actifs frais (+3,9%) qui sont entrés dans les caisses des banques privées malgré la pandémie et ses effets sur l’économie. Et surtout, les revenus d’exploitation ont augmenté plus rapidement que les coûts, ce qui a entraîné une baisse globale du ratio coûts/revenus du secteur de 2,4 points de base à 66,1%. En 2020, deux tiers des banques ont augmenté leur rentabilité opérationnelle.

L’étude relève que seulement 12% des banques privées analysées n’étaient pas rentables en 2020. Principalement des banques de petite taille avec moins de 5 milliards d’euros d’actifs sous gestion.

Changement du modèle de rémunération

Cette évolution des chiffres va de pair avec une autre évolution: celle du passage d’un modèle de rémunération basé sur les transactions – générées par les commissions et les frais d’exécution – à un modèle basé sur des honoraires liés à une activité de conseil en investissement.

Depuis 2015, période où le conseil était gratuit, l’étude observe que deux types d’offres de services ont considérablement augmenté et représentent désormais près de la moitié des actifs sous gestion. À savoir la gestion discrétionnaire de portefeuille passant de 12% des actifs sous gestion en 2015 à 17% en 2020, et les services de conseil tarifés passés de 17% à 29% des actifs.

48% des actifs gérés sont cependant restés dans des services de trésorerie ou d’exécution uniquement, ou ont été gérés directement par la salle des marchés. Faire passer ces actifs du modèle de rémunération basé sur les transactions vers le modèle basé sur des honoraires liés à une activité de conseil en investissement représente un énorme potentiel selon l’étude. Mais derrière les chiffres, il y a aussi – surtout – des dynamiques.

Et d’abord celle d’une professionnalisation accrue du secteur qui s’est retrouvée dans l’évolution de l’offre de produits, des compétences professionnelles et de l’expérience client. , partner, head of banking & insurance chez KPMG Luxembourg, détaille cette dynamique: «Au fil des années, ce que l’on attend du banquier privé et plus généralement du secteur de la banque privée a énormément évolué – nouveaux besoins, nouveaux produits et positionnement ainsi que nouveaux talents. Alors que le secteur est connu comme un rempart traditionnel contre les tendances frivoles, j’ai été heureux de voir les banquiers s’ouvrir aux nouvelles tendances et à l’innovation pour mieux servir leurs clients existants et nouveaux. Il y a au Luxembourg un véritable souffle d’air frais qui va certainement soutenir la compétitivité du marché pour placer le pays encore plus au centre de la carte mondiale de la banque privée.»

Un secteur en phase de consolidation

Ces dernières années, le secteur s’est également consolidé.

Le nombre net de banques privées au Luxembourg – en tenant compte des fusions, liquidations et nouveaux entrants – a diminué de 18% entre 2015 et 2020, passant de 66 à 54, relève l’étude. Pour qui «si le chiffre total est resté stable ces deux dernières années, il est probable que cette tendance à la baisse se poursuive à l’avenir». D’autant plus que 29 acteurs ont des actifs sous gestion inférieurs à la barre «critique» des 5 milliards d’euros. Et c’est dans cette catégorie que l’on trouve les acteurs les moins rentables. Une catégorie qui a vu disparaître 36% de ses effectifs depuis 2015, soit 16 établissements.

«Cette diminution peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs, tous alignés et associés à la nécessité, pour les banques privées, de disposer d’une masse critique plus importante en termes d’actifs sous gestion et d’un modèle opérationnel plus léger permettant un ratio coûts/revenus plus équilibré et, partant, une performance financière plus saine», estiment les auteurs de l’étude.

7,7% d’emplois perdus en sept ans

Du côté de l’emploi, avec 6.097 ETP (équivalents temps plein), on constate une diminution de 7,7% depuis 2015. Et la tendance s’accélère depuis 2018 avec une baisse des effectifs de 3% par an en moyenne. Une baisse à mettre au passif de l’évolution de la clientèle. La Place cible beaucoup plus les UHNWI (Ultra High Net Worth Individuals) — définis comme des particuliers pesant plus de 30 millions de dollars — que le client dit «fortuné» et tout juste millionnaire. La proportion d’UHNWIs est passée de 41% du total des actifs sous gestion en 2011 à 58% en 2020, tandis que la proportion de clients fortunés est passée de 24% à 7% sur la même période.

Avec à la clé un moindre besoin de gestionnaires de relation client. Leur nombre s’est réduit de 15% depuis 2015.

Pour les années à venir, on s’attend du côté de l’ABBL et de KPMG à une intégration plus poussée des investissements en private equity dans l’offre des banques privées; à une demande accrue d’investissement durable et éthique ainsi que dans les start-up et enfin à une accélération de la digitalisation des processus, tout en insistant sur le fait que la banque privée reste une activité très centrée sur les personnes et la gestion des relations. «Bien que le numérique puisse sans aucun doute aider, les interactions humaines resteront plus importantes que jamais pour maintenir une expérience client de haute qualité, garantissant ainsi une forte fidélité et un plaidoyer des clients sur le long terme.»