Notre activité est-elle statique? Absolument pas. En fait, il est en perpétuelle évolution. Ce dynamisme provient de deux sources principales: l’afflux continu de nouveaux sujets dans la sphère des dépositaires, allant des nouvelles classes d’actifs aux nouvelles réglementations – pensez à la récente SFDR qui en est un excellent exemple. Deuxièmement, l’autorité de régulation nous met constamment au défi d’affiner et d’adapter nos pratiques, en veillant à ce qu’elles restent conformes à l’évolution des normes et des attentes.
Cet aspect mérite un examen plus approfondi, car l’autorité de régulation communique ses exigences par différents canaux. Naturellement, de nouveaux textes réglementaires et de nouvelles directives façonnent le paysage des dépositaires, avec une augmentation notable des publications au cours des deux dernières années.
Une autre voie est celle des inspections sur place, dont les résultats sont méticuleusement documentés, analysés et résumés de manière structurée dans le rapport annuel de la CSSF. Ce chapitre dédié est un message direct de la CSSF au marché: les enseignements tirés des inspections sur place sont une mine d’informations pour les entités surveillées. Nous partageons certaines conclusions de ces inspections au sein du Depositary Banking Cluster (DBCL) de l’ABBL, ce qui nous permet de suivre l’évolution des attentes de notre autorité nationale de régulation.
En outre, les dialogues ad hoc entre les représentants du secteur et les régulateurs sont essentiels. Le DBCL et le Depositary Bank Forum jouent ici un rôle crucial, en contribuant activement à la formulation des lignes directrices du marché. Cet effort de collaboration est évident dans leur participation aux consultations sur les lignes directrices importantes qui ont façonné le secteur au cours de la dernière décennie. L’ABBL facilite en outre la communication entre les régulateurs et le secteur, en opérant à la fois au niveau national et européen. Qu’il s’agisse de donner des conseils sur les normes locales lors de l’élaboration ou de la révision des circulaires de la CSSF ou de répondre aux consultations sur les textes législatifs au niveau de la Fédération bancaire européenne, l’ABBL est un maillon essentiel de cet écosystème réglementaire.
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Une autre phase cruciale survient lors de la mise en œuvre, lorsque les normes entrent en vigueur. Ici, la DBCL vise à favoriser un forum régulier avec la CSSF pour discuter de l’application de ces normes. Nous le faisons également sur une base ad hoc lorsque cela s’avère nécessaire, en offrant des clarifications au bénéfice de nos membres. Ces dernières années, nous avons pris l’initiative d’aborder les attentes de la CSSF vis-à-vis des dépositaires en ce qui concerne le concept de «connaissance des actifs» dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC/FT). Il était également nécessaire de clarifier les attentes concernant la production par les dépositaires de confirmations bancaires de fin d’exercice pour leurs auditeurs. Conscients de cette lacune, nous avons pris l’initiative de contacter la CSSF, qui a réagi en publiant une lettre circulaire pour fournir des orientations en la matière.
Dans un secteur où les meilleures pratiques sont en constante évolution, quels sont les défis auxquels les acteurs sont confrontés?
Tout d’abord, la surveillance dépend de la maîtrise des subtilités techniques. La banque dépositaire reste un domaine où le jugement d’expert est primordial. Nos équipes évaluent constamment l’efficacité des systèmes existants tout en naviguant dans les complexités de notre paysage en évolution. Notre premier défi est donc d’attirer, de former et de retenir des experts de haut niveau.
Le deuxième défi consiste à garantir des conditions de concurrence équitables. Il s’agit de favoriser une compréhension uniforme des exigences de la CSSF par les acteurs luxembourgeois. Par ailleurs, au niveau européen, les interprétations divergentes des normes communautaires présentent des risques pour les investisseurs et peuvent fausser la concurrence entre places financières. Ici, par exemple, le débat en cours entre le modèle de la confiance et le modèle de la réexécution en ce qui concerne les tâches de surveillance souligne le besoin d’alignement.
Toutes nos tâches ne peuvent pas être automatisées, car notre activité repose toujours sur le jugement d’experts.
Pourtant, s’il y avait un défi primordial à relever, ce serait celui de maintenir une activité rentable et viable. Cette tâche est aggravée par des considérations d’évolutivité, limitées par des contraintes inhérentes. Toutes nos tâches ne peuvent pas être automatisées, car notre activité repose encore sur le jugement d’experts. Elles ne peuvent pas non plus toutes être externalisées, car la réglementation impose des limites. Enfin, elles ne peuvent pas forcément être toutes mutualisées au sein d’Asset Servicing Groups au nom du sacro-saint principe d’indépendance du dépositaire. C’est donc un équilibre délicat et une anticipation stratégique qu’il faut trouver pour relever ces défis aux multiples facettes.
Eric Guerrier est vice-président du Depositary Banking Cluster de l’Association des banques et banquiers luxembourgeois (ABBL) et responsable des fonctions de dépositaire d’OPC à la Banque Pictet & Cie (Europe) AG. L’étude «Depositary Banking & Custodian Services Survey 2023» de l’ABBL peut être consultée .