Me Hervé Temime, devant Flavio Becca, au moment de plaider la défense de son client, face à une accusation pour laquelle il n’y a rien, a-t-il dit à plusieurs reprises. (Photo: Paperjam)

Me Hervé Temime, devant Flavio Becca, au moment de plaider la défense de son client, face à une accusation pour laquelle il n’y a rien, a-t-il dit à plusieurs reprises. (Photo: Paperjam)

Au quatrième jour du procès de Flavio Becca, accusé d’abus de biens sociaux dans le dossier des montres, son avocat, Hervé Temime, a plaidé la relaxe et l’acquittement. À deux reprises à la barre, le ténor parisien a même parlé de «blague» pour qualifier cette affaire.

«Vous n’avez rien!» Il y a une vingtaine de minutes que Me Temime a entamé sa défense de Flavio Becca, en ce mardi matin, au début des plaidoiries.

L’«avocat des puissants», comme il est surnommé en France, n’a laissé planer aucun doute d’emblée: «M. Becca n’a commis aucune infraction et je plaiderai l’acquittement et la relaxe», dit-il, avant d’évoquer «une affaire atypique», «un homme dont la réussite à la suite de son père est tout à fait exceptionnelle», «un homme d’affaires un peu à l’ancienne, avec des qualités rares qu’on ne rencontre plus ici».

Entre les deux, pour ce moment phare d’un procès prévu sur six jours sur une affaire qui date d’il y a 10 ans, l’avocat dresse une liste à la Prévert de «ce qu’on n’a pas».

«Pas de perquisition digne de ce nom, ce qui est tout à fait extravagant!», commence Me Temime, qui rappelle qu’il a dû demander à son client d’amener lui-même, jeudi, une photo de sa chambre forte que les policiers ont oublié de photographier. Un détail important pour montrer qu’il y a des tiroirs, là où les policiers ont décrit des étagères.

Pas d’expertise des montres

«Même pas une saisie des montres une par une, avec un procès-verbal pour chaque montre, pas d’inventaire, pas de boîtes, pas de papiers des montres, ce qui semble totalement incompréhensible» dans un secteur où les montres sans boîtes et sans certificats peuvent «perdre 20% à 30% de leur valeur».

«Pas d’expertise de ces montres, pourtant un élément de preuve de l’abus de biens sociaux pour le ministère public! Supposons que l’ensemble des montres vaille beaucoup plus que leur valeur d’acquisition, surtout pour les 319 montres de Promobe Finance, toute l’approche pénale» s’en ressentirait.

Désormais lancé comme un bulldozer, l’avocat prend tour à tour le substitut du procureur, son client et la salle à témoin, pour démontrer que l’abus de biens sociaux n’est pas constitué.

Difficile de parler de mauvaise foi ou même seulement de dissimulation de la part de Flavio Becca quand les montres ont toutes été comptabilisées ou quand les enquêteurs décrivent un prévenu qui collabore au cours de la perquisition et ensuite pour aider à comprendre ce que l’un d’entre eux appelle «une mer à boire», reprend-il.

190 contrôles fiscaux

Tout aussi difficile de parler d’intérêt personnel contraire à l’intérêt des 18 sociétés visées par l’instruction, puisque tous les comptes ont été apurés dans le cadre de la restructuration du «groupe» Becca – plus un ensemble hétéroclite de sociétés qu’un groupe au sens traditionnel – pour le mettre en conformité avec la nouvelle loi fiscale. Les 319 montres de Promobe Finance sont toujours dans le patrimoine de la société, Flavio Becca a procédé à trois régularisations (pour 6,62 millions d’euros) qui le voient aujourd’hui être endetté vis-à-vis de Promobe Finance Hong Kong. «Sa solvabilité personnelle est même passée de 400 millions d’euros en 2009 à un chiffre largement supérieur en 2019, que je vous laisse découvrir dans nos conclusions», glisse-t-il au trio de juges.

Assis sur une chaise dans le hall à quelques minutes de sa plaidoirie, l’avocat, entouré du clan Becca debout, regrette la jurisprudence luxembourgeoise. À la barre, l’avocat montre qu’il a potassé ses sujets. Une gifle, polie, à Me Rosario Grasso, qui pour qu’Ikodomos Holding puisse être partie civile au procès avait cité un arrêt de la mauvaise manière, explique le ténor français.

Et une démonstration, à laquelle il a associé les avocats luxembourgeois de l’entrepreneur, selon laquelle aucune jurisprudence luxembourgeoise ne s’oppose à ce qu’un entrepreneur utilise un compte courant débiteur de la manière dont M. Becca l’a utilisé.

Me Temime fait même remarquer qu’en 190 contrôles fiscaux de l’administration luxembourgeoise, personne n’a jamais rien trouvé à redire de la manière dont les montres figuraient aux bilans des sociétés par lesquelles il les achetait.

Le procès, qui a démarré par une dénonciation de l’Administration des contributions directes en 2011, puis une perquisition qui a permis de saisir plus de 600 montres de luxe chez M. Becca, se poursuivra, aujourd’hui, par les interventions de la partie civile et, demain, par le réquisitoire du substitut. Qui ne manqueront pas de présenter un autre visage de cet entrepreneur «atypique», comme son avocat l’a qualifié, qui risque de un à cinq ans de prison et de 500 à 25.000 euros d’amende, ainsi que la confiscation des montres s’il était reconnu coupable d’abus de biens sociaux, sans parler du délit de blanchiment-détention, «une blague» du droit luxembourgeois, a fustigé Me Temime.