Le marché immobilier européen subit l’impact négatif du relèvement des taux d’intérêt, de la crise énergétique et de l’incertitude géopolitique, mais les perspectives sont loin d’être moroses, selon Christoph Schmitt (Associé, audit) et Livio Gambardella (Associé, responsable du segment immobilier) de BDO Luxembourg.

Début octobre, BDO Luxembourg a participé à l’EXPO REAL à Munich, le plus grand salon annuel européen dédié à l’immobilier et aux investissements. L’expérience a offert un solide aperçu des sentiments qui ont envahi l’ensemble du secteur, nous fait savoir Christoph Schmitt. À l’origine, l’accent était censé être mis sur l’ESG (logement abordable et protection du climat y compris) ainsi que la politique de taux d’intérêt. Le début de la guerre en Ukraine a considérablement changé la donne. Le conflit a provoqué une crise énergétique et une profonde incertitude qui ont exacerbé les effets des hausses de taux d’intérêt, que la BCE a déjà relevés par deux fois cette année, sans compter le troisième probable relèvement d’ici la fin du mois d’octobre. L’attention de l’EXPO REAL s’est naturellement portée sur ces nouveaux développements, questions sur lesquelles MM. Schmitt et Gambardella partagent leur point de vue.

Un ralentissement rapide du marché 

L’activité sur le marché de l’investissement s’est rapidement refroidie. Le volume des transactions a sensiblement diminué entre mars et juin. Ainsi, le deuxième trimestre a été le moins actif pour le marché immobilier allemand (en termes de transactions) depuis 2016, selon les recherches menées par la société de services immobiliers Savills. 

De nombreux vendeurs ont retiré leurs biens du marché parce que le prix demandé à l’origine ne semble plus réalisable.
Christoph Schmitt

Christoph SchmittAssocié, AuditBDO Luxembourg

«Les investisseurs qui opèrent avec un niveau d’endettement élevé semblent avoir mis leurs projets d’investissement en pause, et ceux soutenus par un niveau élevé de capitaux propres attendent de voir comment les prix et le marché en général vont évoluer, car une quelconque projection à partir des niveaux de prix actuels semble bien difficile. De nombreux vendeurs ont retiré leurs biens du marché parce que le prix demandé à l’origine ne semble plus réalisable.» explique Christoph Schmitt, Associé, Audit, BDO Luxembourg.

Tous les acteurs du marché se trouvent désormais confrontés à un environnement qui a complètement changé en l’espace de quelques mois et se montre à présent beaucoup plus complexe. Le marché s’équilibre actuellement entre l’évolution des conditions de financement, les attentes des vendeurs en matière de prix et la pression croissante des capitaux sur le marché.

Un besoin de prudence, mais aucune raison de paniquer

Les prix continueront à subir l’impact de l’inflation et des taux d’intérêt élevés ainsi que de l’augmentation significative des coûts de construction. Par conséquent, l’industrie immobilière européenne va selon nous se recentrer sur des actifs stratégiques et de qualité. 

Les conditions de financement se sont incontestablement détériorées. L’ère de l’argent bon marché semble révolue, et nous revenons à un environnement financier plus normal.
Livio Gambardella

Livio GambardellaAssocié, Responsable du segment immobilierBDO Luxembourg

En conséquence, certains investisseurs institutionnels se sont détournés de l’immobilier au profit des marchés obligataires. Malgré cette réserve à l’égard de l’investissement immobilier, une hausse des rendements ne signifie pas pour autant que les valeurs immobilières vont nécessairement baisser. Il faut garder à l’esprit que si les biens sont occupés par des locataires qui peuvent supporter l’indexation ou répercuter les coûts supplémentaires, des revenus locatifs futurs plus élevés devraient augmenter le rendement actuel et compenser un niveau plus élevé du rendement initial pour lequel le bien a été acquis.

Globalement, les données empiriques disponibles sont insuffisantes pour permettre aux investisseurs immobiliers européens et aux acteurs du secteur d’avoir une vision claire de l’orientation que prennent les choses. Actuellement, nous ne disposons pas de valeurs comparables suffisantes, telles que les transactions conclues. Ces chiffres ne devraient pas être disponibles avant le quatrième trimestre 2022. À ce propos, rien ne prouve pour l’instant qu’il y a lieu de céder au pessimisme. Toutefois, dans le panorama de marché actuel, preuve et discrétion sont de mise. Le marché se trouve dans une phase d’orientation. Bien que des sujets comme l’ESG et la protection du climat ne soient pas exactement la priorité absolue du moment, nous sommes certains qu’ils continueront à constituer des tendances futures clés ayant d’ores et déjà une action transformatrice sur le secteur immobilier.