Le principal risque pour les banques reste d’être inondées encore davantage par de faux positifs dans les alertes générées par les outils de surveillance des transactions. (Photo: Shutterstock)

Le principal risque pour les banques reste d’être inondées encore davantage par de faux positifs dans les alertes générées par les outils de surveillance des transactions. (Photo: Shutterstock)

Point d’entrée et de sortie des flux financiers, les banques sont mises à contribution dans la guerre économique menée par l’Union européenne contre la Russie en réponse à son invasion de l’Ukraine. La CSSF insiste auprès de l’industrie bancaire sur l’importance d’effectuer une surveillance poussée.

Le Conseil européen a établi la liste des individus et entités touchés par son dernier train de sanctions en réponse à la guerre menée par la Russie sur le sol ukrainien. Bien que la décision d’instaurer de nouvelles sanctions ait fait grand bruit au cours des derniers jours, l’industrie bancaire est aguerrie depuis de nombreuses années à la gestion des sanctions, étant à l’avant-poste de la lutte contre la criminalité financière, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.

Contactée par Paperjam, une institution bancaire de la Place nous indique, en off, que l’implémentation des nouvelles mesures économiques sera quasiment instantanée. Aussitôt officiellement publiés, les noms de la liste des personnes sanctionnées sont injectés dans les systèmes d’information des banques. «Cela prend moins de 24 heures», nous est-il indiqué.

Une fois mis à jour, les systèmes de vérification automatique des transactions génèrent une alerte dans le cas où l’une d’entre elles implique un nom relatif à l’une des personnes sanctionnées. Bien qu’effectuée automatiquement, chaque alerte produite doit faire l’objet d’une vérification humaine. Un analyste doit en effet s’assurer que la transaction identifiée concerne bien la personne faisant l’objet de sanctions. Il est courant que les banques se retrouvent inondées d’alertes liées à de faux positifs.

L’importance du «transaction monitoring»

Des cas d’homonymies ou d’orthographes proches ou similaires parasitent quotidiennement le travail des analystes des banques. En revanche, quand il s’agit d’un vrai positif, les équipes de conformité anti-blanchiment des banques valident l’alerte et la soumettent à un comité qui prend la décision finale d’effectuer une déclaration de soupçon à la Cellule de renseignement financier (CRF) qui dépend du Parquet. C’est seulement ensuite que les fonds identifiés peuvent être bloqués et gelés.

L’impact du nouveau train de sanction reste donc limité pour les banques de la Place, l’essentiel du travail étant automatique. «Il n’y a pas de branle-bas de combat», nous dit-on.

Même si les institutions bancaires ne semblent pas s’inquiéter outre mesure des sanctions à l’encontre de la Russie, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), que nous avons contactée, veille tout de même au grain: «En matière de sanctions financières internationales, notre rôle est de publier les sanctions décidées au niveau politique et ainsi de faire en sorte que les entités que nous surveillons soient proprement informées.» Le travail de la CSSF ne s’arrête pas là: «Notre rôle est, par ailleurs, naturellement, de veiller à ce que les entités surveillées se conforment à leurs obligations professionnelles, dont celle d’appliquer ce type de sanction.» De ce fait, le régulateur de la Place rappelle que «le dispositif ‘sanctions screening’ mis en place par les entités surveillées fait partie intégrante de notre programme de contrôles sur place».

De la prévention et d’éventuelles poursuites judiciaires

En cas de manquement avéré au respect de la bonne application des sanctions internationales, les banques risquent gros. «Il convient de rappeler que la violation des sanctions peut déclencher des enquêtes pénales et les risques juridiques qui en découlent, des mesures prudentielles liées à la faiblesse des contrôles, mais aussi d’importants problèmes de réputation pour les banques», souligne la CSSF. En cas de non-respect des mesures restrictives, la loi prescrit des peines allant d’un emprisonnement de huit jours à cinq ans ou d’une amende de 12.500 euros à 5 millions d’euros. Dans le cas où l’infraction a permis de réaliser un gain financier, «l’amende peut être portée au quadruple de la somme sur laquelle a porté l’infraction», précise la loi.

Malgré le risque judiciaire du non-respect des sanctions internationales, la CSSF nous informe réduire cette possibilité au travers d’un travail intensif de prévention: «Nous étudions actuellement l’opportunité de préciser nos attentes aux institutions par le biais de communications spécifiques, notamment de leur rappeler l’importance de l’application de ce type de sanctions et de les inviter à mettre en œuvre des mesures de surveillance renforcées.» À cela s’ajoute «le travail important de sensibilisation» réalisé auprès des banques avec des conférences et des prises de contact avec leurs compliance officers.

Le contexte sécuritaire international et les décisions politiques évoluant de jour en jour, la CSSF se tient prête à poursuivre son travail d’information auprès du secteur financier.