Le marché des voitures de société luxembourgeois pèse pour 50% des nouvelles immatriculations annuelles. (Photo: Shutterstock)

Le marché des voitures de société luxembourgeois pèse pour 50% des nouvelles immatriculations annuelles. (Photo: Shutterstock)

Les acteurs du marché automobile luxembourgeois frémissent et s’interrogent depuis la décision de la CJUE concernant le paiement de la TVA des voitures de société dans le pays de résidence du bénéficiaire.

En début d’année, la , dans le cadre d’un différend fiscal entre une société au Luxembourg et l’administration fiscale allemande, que le paiement de la TVA sur une voiture de leasing doit être effectué dans le pays de résidence du bénéficiaire, donc de l’automobiliste.

Autrement dit, un travailleur frontalier avec une voiture de leasing luxembourgeoise, pour laquelle il a payé par son salaire, doit payer une TVA sur ce véhicule dans son pays de résidence. Pour rappel, la TVA au Luxembourg est de 17% contre 19% en Allemagne et 20% en France et en Belgique.

Mais le dossier est plus complexe que cela, d’autant plus qu’au Luxembourg, on n’entend pas acquiescer sans réagir. Pour le moment, des discussions sont en cours au niveau de l’UEL et du ministère des Finances luxembourgeois pour éclaircir le sujet. Au pire, l’automobiliste frontalier avec une voiture de leasing devra s’acquitter de la TVA dans son pays de résidence, au mieux les contrats des salariés concernés vont devoir être modifiés. Explications.

La décision de la justice européenne a fait frémir le marché des voitures de société luxembourgeois, qui pèse pour 50% des nouvelles immatriculations annuelles. «C’est un écosystème très important. Si demain les voitures de leasing devaient être remplacées par des voitures privées au Luxembourg, c’est 10.000 nouveaux véhicules en moins par an (sur 50.000), moins de voitures pour les entretiens et les assurances. Il y aura aussi des conséquences écologiques dans la mesure où les véhicules de leasing sont plus récents et donc moins polluants que les véhicules plus âgés», explique , ancien directeur d’Arval Luxembourg et porte-parole de la House of Automobile, l’asbl réunissant les acteurs du marché automobile luxembourgeois.

Sacrifice salarial contre avantage en nature

La question qui occupe les fiscalistes et les juristes sur le dossier tourne autour de l’interprétation des textes européens. «Il n’y a pas eu de changement de législation avec la décision de la CJUE. La loi européenne reste la même qu’auparavant, mais il faut éclaircir certains points», assure Gerry Wagner.

Pour bien comprendre le dossier, il faut distinguer deux types de leasing automobile.

Dans un premier cas, le plus répandu, le salarié dispose dans son package salarial d’une voiture de société, indépendamment de son salaire brut. Le salarié dispose donc d’un avantage en nature qui est savamment calculé en fonction de la valeur du véhicule, et de ses émissions de CO2. La TVA est réglée par l’entreprise, dont une partie n’est d’ailleurs pas récupérable, pour faire simple. «L’entreprise paie la TVA pour l’utilisation privée du véhicule et ces véhicules ne tombent pas dans le cadre du jugement», résume rapidement Gerry Wagner.

Dans un second cas, le moins répandu, le salarié dispose d’une voiture de société contre un «sacrifice» sur son salaire. Le loyer de la voiture est donc déduit de la rémunération du salarié. Le salarié ne dispose pas d’un avantage en nature, mais de ce que l’on appelle un «salary sacrifice». Dans ce cas-là, la TVA est à payer dans le pays de résidence du salarié. Et ce depuis toujours et avant la décision de la CJUE. La loi européenne stipule effectivement que la TVA est à régler dans le pays de résidence si la mise à disposition du véhicule constitue une prestation de services à titre onéreux au sens de la directive.

Revenons maintenant au premier cas. Pour une raison ou une autre, un salarié peut renoncer à une voiture de société. Un salarié a le droit de prendre le bus, le train, le vélo, de faire du covoiturage, d’avoir déjà une voiture personnelle, etc. Dès lors, le salarié qui renonce à la voiture de fonction se voit généralement remettre «en cash» le loyer supposé du véhicule. Dans la pratique, il ne faut pas y comprendre que des enveloppes circulent, mais bien qu’il y a une intégration du loyer supposé du véhicule dans le salaire brut. Cette pratique reviendrait donc à une augmentation de salaire et sous-entend que, dans le cas contraire, le salarié faisait bel et bien un «sacrifice» sur son salaire, le rendant assujetti à la TVA dans son pays de résidence.

L’UEL, mais également la House of Automobile, se sont emparées du sujet afin de clarifier la situation auprès du ministère des Finances. Sans parler de bouleversement, la situation fait tout de même frémir dans le secteur. «Ça ne va pas bouleverser le secteur. Ce n’est pas une grande menace», rassure Gerry Wagner, avant d’ajouter, «le souci se trouve au niveau de l’interprétation. Si le paiement de la contrepartie du loyer dans le cas où l’employé a le choix entre une voiture ou un paiement est considéré comme un sacrifice sur le salaire, cela peut poser un problème. Non seulement en termes de coût pour l’automobiliste qui ne peut pas récupérer la TVA, mais également en termes de coût administratif pour l’entreprise, d’autant plus que l’administration de la TVA allemande est très compliquée.»

Autre inquiétude, l’éventuel effet rétroactif de l’interprétation de la CJUE. «Le système fonctionne assez bien au Luxembourg. Maintenant, nous devons trouver des solutions avec l’administration fiscale. Il faut éclaircir certaines choses, savoir ce qu’il en est des contrats actuels. Une voiture peut être mise dans un contrat de travail via un document que l’on appelle ‘car policy’, où il est mentionné par exemple qu’il est possible de recevoir la contrepartie du loyer en cash si le salarié renonce à la voiture. Comment est-ce que l’administration va interpréter ces cas qui n’ont, auparavant, jamais posé de problème? Une nouvelle interprétation de ces cas avec une application rétroactive serait une catastrophe», termine Gerry Wagner.

L’enjeu est tout de même important, car les pays voisins pourraient sauter sur l’occasion, en s’appuyant sur la décision de la CJUE, pour faire pression sur le Luxembourg, dans un cadre de relations fiscales transfrontalières qui sont parfois tendues. Les autres grands gagnants du dossier pourraient être les entreprises ayant la fiscalité comme cœur de métier. Car le cas échéant, les entreprises se tourneront vers elles pour s’occuper de la complexité administrative pour régler les diverses TVA auprès des administrations de nos voisins.