La loi d’avril 2017 a dopé le nombre de nouveaux Luxembour­geois via l’acquisition d’une double nationalité. Au point de fausser les statistiques? Pas nécessairement, selon le Statec.

C’est une première dans l’histoire moderne du Lu­xem­bourg. En 2018, le pays a connu une augmentation plus forte du nom­bre de Luxem­bourgeois au sein de sa population que d’étrangers. Cela alors que le solde migratoire (la différence entre les Luxembour­­geois qui quittent le pays et ceux qui y reviennent) est négatif, tout comme celui de la natalité (on a compté moins de nais­sances de Luxembourgeois que de décès).

L’explication de ce phénomène est assez simple. «C’est un effet direct de la loi d’avril 2017 sur la naturalisation», explique François Peltier, chef d’unité Population et logement au Statec.

16.380 nouveaux Luxembourgeois en 2018

En 2018, 11.877 personnes ont obtenu la nationalité par naturalisation, par option ou par recouvrement. Au 1er janvier 2019, le Luxembourg comptait 613.894 habitants, dont un peu moins de la moitié d’étrangers.

9.030 personnes ont obtenu la nationalité en 2017, première année d’application de la loi. Mais seulement 5.035 en 2015 et 3.405 en 2011. «Il ne faut pas oublier de tenir compte du fait que la nationalité luxembourgeoise s’applique à un enfant mineur si un de ses parents l’obtient et si, évidemment, il n’avait pas déjà cette nationalité avant», avance François Peltier.

791 personnes ont été naturalisées en 2018. Cette procédure est la plus lourde et, souvent, les candidats ne peuvent prétendre au recouvrement ou à une option. Ceux-ci ont dû prouver une résidence d’au moins cinq ans dans le pays, avoir satisfait à un test de langue et suivi les cours «Vivre ensemble au Grand-Duché de Luxembourg».

6.454 personnes sont aussi maintenant Luxembourgeoises par option. La nouvelle loi prévoit en effet 10 cas pour que cela soit possible: un majeur dont un parent est ou a été Luxembourgeois, en cas de mariage avec un Luxembourgeois, une personne résidant dans le pays depuis au moins 20 ans...

4.632 personnes sont maintenant aussi Luxembourgeoises par recouvrement. Dans son ar­ticle 89, la loi prévoit la possibilité d’obtenir la nationalité lu­xem­bourgeoise si on prouve sa descendance directe d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900.

Ce qu’il fallait faire avant le 31 décembre 2018 ou jusque fin 2020 en souscrivant la déclaration de recouvrement devant un officier d’état civil. Attirés par la possibilité de disposer d’un passeport grand-ducal ou nostalgiques, ils ont été nombreux à se précipiter dans les dépôts d’archives à la recherche de documents pouvant alimenter leur dossier.

À cela s’ajoutent 3.195 nouveau-nés qui ont été déclarés en tant que Luxembourgeois par le fait d’être nés au Grand-Duché et d’avoir un de leurs parents de cette nationalité. Enfin, 1.308 personnes ont fait valoir «le droit du sol de la première génération». Concrètement, une personne née au Luxembourg avant juillet 2013 et résidant depuis au moins cinq ans dans le pays avant sa majorité légale est devenue automatiquement Luxembourgeoise.

Ce sont donc 16.380 nouveaux Luxembourgeois qui sont venus au monde ou bien alimenter les statistiques.

Un Luxembourgeois = un Luxembourgeois

Tout cela déteint évidemment sur la composition de la population. Et pas de façon si anecdotique, puisqu’en 2018, il y a presque plus du double d’acquisitions de nationalité que de naissances, toutes nationalités confondues (6.274 naissances, dont 3.195 Luxem­bourgeois) «Au 1er janvier 2019, il y avait 613.894 personnes dans le pays: 322.430 Luxem­bourgeois et 291.464 étrangers», détaille François Peltier. «284.602 Lu­xem­bourgeois n’ont pas d’autre nationalité, donc 37.828 en ont une seconde.» Et parmi les 291.464 résidents à ne pas être Luxem­bour­geois, ils sont 6.496 à avoir aussi une autre nationalité étrangère.

Plus de Luxembourgeois, nés comme tels ou naturalisés, cela ne fausse-t-il pas les statistiques? Car la naturalisation ouvre l’accès aux droits intégraux de manière identique à un Luxem­bourgeois de naissance. De plus, cela contribue sans doute à atténuer cette impression que les Luxem­bourgeois sont de moins en moins nombreux, et les résidents étrangers de plus en plus nombreux. François Peltier n’est pas de cet avis. «Un Luxem­bour­geois égale un Luxem­bour­geois, peu importe finalement la manière dont la nationalité est obtenue», dit-il. Et l’arrivée massive de doubles nationaux n’y change rien.

Une personne ayant une citoyenneté double ou multiple est ainsi classée dans un seul pays selon un ordre hiérarchique précis. Si la personne est Luxem­bour­geoise, c’est évidemment de cette nationalité qu’on tient compte.

François Peltierchef d’unité Population et logementStatec

«Le Statec applique dans ses études les règles émises par Eurostat.» Ce qui permet de comparer de ma­nière similaire les pays européens entre eux. «Une personne ayant une citoyenneté double ou multiple est ainsi classée dans un seul pays selon un ordre hiérarchique précis. Si la personne est Luxem­bour­geoise, c’est évidemment de cette nationalité qu’on tient compte. Ensuite, cela dépend du fait que ses nationalités soient ou non relatives à des pays membres de l’Union européenne, on tient alors compte du pays de naissance.» Et si une des deux nationalités est similaire au pays de naissance, c’est cette nationalité qui sera prise en compte.

Ces nouveaux Luxem­bour­geois ayant une autre nationalité ne risquent-ils pas, enfin, de perdre cette dernière, et de n’être plus «que» Luxembour­geois? Et de compter comme tels dans les statistiques, alors qu’en tant que binationaux, cela n’aurait peut-être pas été automatiquement le cas? Non, en vertu d’une astuce révélée par , ministre de la Justice, dans une réponse parlementaire, puisque, pour le droit luxembourgeois, «toute personne possédant, outre la nationalité luxembourgeoise, une ou plusieurs autre(s) nationalité(s) est considérée comme possédant exclusivement la nationalité luxembourgeoise».

Impossible en effet de savoir si l’acquisition de la nationalité luxembourgeoise entraîne la perte de la nationalité de son pays d’origine. Cela relève exclusivement de la compétence légale du pays d’origine et «aucun mécanisme adéquat de coopération inter­­nationale ne permet de déter­miner cela».