Vous êtes devenue associée de CMS Luxembourg le 1er mars dernier, après avoir intégré le cabinet en 2019.
Aurélia Viémont. – «Oui, je suis arrivée en septembre 2019 avec pour but de développer un département spécialisé en droit réglementaire, donc j’ai démarré toute seule. L’idée était de créer une équipe dédiée à cette matière, avec comme objectif à court terme de devenir associée au sein de l’étude.
Qu’est-ce que le droit réglementaire?
«C’est le fait d’assister des entités qui sont soumises à la supervision de la CSSF, dans la compréhension du cadre juridique dans lequel elles peuvent naviguer. Ces règles ont vocation à assurer la protection du système financier, mais aussi celle des consommateurs. Les règles sont nombreuses et elles évoluent très souvent. Nous aidons aussi des entités à devenir réglementées, dans leur processus d’agrément ou d’enregistrement.
C’est un domaine que CMS Luxembourg voulait développer?
«Oui, l’idée avec mon arrivée était de traiter ce sujet de manière plus structurée et avec des équipes spécialisées en la matière. Cela s’inscrivait aussi dans une démarche de croissance de l’étude, qui était en partie liée au Brexit. Nous avons eu beaucoup de demandes de clients sur le sujet.
Nous sommes trois dans mon équipe, il se trouve que nous sommes trois femmes, mais c’est un hasard.
Quel est votre parcours?
«Je suis Française d’origine (j’ai également recouvré ma nationalité luxembourgeoise depuis peu), et inscrite au barreau luxembourgeois. Je suis venue m’installer au Luxembourg en 2010, et j’ai commencé ma carrière au sein de l’étude d’Arendt & Medernach, où je suis restée neuf ans. J’ai étudié le droit bancaire et financier quand j’ai fait mon LLM (master of law, ndlr) en Angleterre, j’ai vraiment trouvé cela passionnant, et j’ai décidé de me spécialiser en droit réglementaire. Suite à mon LLM, j’ai fait un master 2 en droit bancaire et financier à l’Université de la Sorbonne à Paris, et depuis j’ai toujours continué dans cette voie.
Combien de personnes sont présentes aujourd’hui au sein de votre équipe?
«Nous sommes trois, il se trouve que nous sommes trois femmes, mais c’est un hasard. Au niveau du recrutement, cela peut être compliqué si on recherche des personnes qui ont déjà des connaissances en matière réglementaire, car nous sommes peu nombreux sur la Place. Mais au final, lorsque nous recrutons, ce n’est pas tant la connaissance de la matière qui est le plus important, parce qu’elle s’acquiert avec l’expérience et la pratique, et que les règles changent souvent. Ce que l’on veut connaître lors des recrutements, c’est la pensée juridique du candidat, sa méthode de travail, de réflexion, etc. Avoir l’esprit juridique, la motivation et l’envie d’apprendre, c’est ça le plus important dans un recrutement.
Y a-t-il d’autres recrutements de prévus?
«Oui, en 2023 nous devrions recruter une nouvelle personne au sein de mon département, mais si nous avons un développement plus rapide, cela interviendra plus tôt.
On est encore dans cette image où l’associé doit tout sacrifier pour y arriver.
Vous êtes actuellement la seule femme associée de CMS Luxembourg et la première depuis sa réorganisation (une autre femme, qui a depuis lors quitté CMS Luxembourg, était partner au sein du cabinet avant sa refonte, ndlr), pensez-vous que ce sont des métiers qui sont plus masculins?
«Non, car au final c’est un métier qui se féminise de plus en plus, et en proportion il y a plus de femmes. Mais lorsque l’on monte dans la hiérarchie, on ne retrouve pas cette même proportion. C’est quelque chose que l’on retrouve dans de nombreux secteurs, l’idée est de comprendre pourquoi on retrouve de moins en moins de femmes quand on monte dans la hiérarchie, et ce que l’on peut faire pour changer cela. Est-ce qu’il faut plus expliquer le processus pour devenir associé? Entendre et faire savoir ses ambitions qui sont souvent moins affichées que celles des hommes?
Beaucoup de femmes pensent qu’être partner est moins compatible avec un équilibre vie privée-vie professionnelle?
«Oui, on est encore dans cette image où l’associé doit tout sacrifier pour y arriver. C’est certes beaucoup de temps, mais je pense que c’est une question d’organisation. Je crois qu’aujourd’hui il y a beaucoup de femmes qui se disent que ce n’est pas nécessairement à leur portée, alors que c’est à la portée de tout le monde que l’on soit homme ou femme. Et le processus est là pour que tout le monde puisse afficher l’ambition de le devenir.
Pourquoi avez-vous voulu devenir associée au sein de CMS Luxembourg?
«C’était un défi personnel de se dire que si l’on a l’ambition et que l’on travaille dur pour l’obtenir, il faut viser le poste le plus haut. C’est l’aboutissement d’une carrière, ce n’est pas la fin, mais c’est une étape dans une carrière. Et je voulais pouvoir aussi développer mon département, mon équipe, avoir une gestion qui soit à ma manière, dans l’écoute, la communication, l’empathie. Je n’ai pas la prétention d’être un modèle, mais je trouvais important de montrer que l’on peut commencer en bas de l’échelle, et grimper pour arriver jusqu’en haut. J’étais arrivée à un stade où je me disais pourquoi certains sont associés et pas moi? J’avais envie de relever ce défi personnel, et de développer des relations privilégiées et de confiance avec les clients.
Vous arrivez justement à gérer l’équilibre vie privée-vie professionnelle?
«Oui, c’est une question d’organisation. Il y a certes des hauts et des bas, quand mes deux enfants sont malades en même temps c’est sûr que cela met des grains de sable dans les rouages, mais mon métier et le développement du télétravail font que l’on peut s’organiser de manière plus souple.»