La complexité croissante des obligations anti-blanchiment oblige les institutions financières à faire appel de plus en plus aux services d’auditeurs forensic. (Photo: Shutterstock)

La complexité croissante des obligations anti-blanchiment oblige les institutions financières à faire appel de plus en plus aux services d’auditeurs forensic. (Photo: Shutterstock)

Cet été, Paperjam met en lumière certains métiers méconnus, mais essentiels sur la place financière. Comme celui d’auditeur forensic, en charge d’enquêter sur les cas de criminalité financière. Un métier qui contribue à réduire l’exposition aux risques réglementaires et de réputation.

Pour lutter contre la criminalité financière, banques, fonds d’investissement, gestionnaires d’actifs et autres institutions financières réglementées sont priés de développer et de maintenir à jour un programme robuste de conformité. Les exigences en la matière n’ont eu de cesse de se renforcer et de s’accroître. En effet, depuis 1991, le législateur européen a initié pas moins de six directives anti-blanchiment successives.

Le rythme de l’agenda réglementaire en la matière a même accéléré, les quatre dernières directives anti-blanchiment ayant été émises entre 2015 et 2022. Simultanément, la charge de travail des services de conformité des sociétés surveillées s’est lourdement intensifiée.


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Outre la liste des exigences qui s’est allongée, le champ de compétences couvert par les programmes de lutte contre la criminalité financière s’est considérablement élargi. Alors que les premiers textes législatifs ne s’attaquaient qu’au blanchiment de capitaux, les évolutions législatives ont progressivement obligé les institutions financières à intégrer également le financement du terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, les sanctions internationales et les aspects relatifs aux cryptomonnaies.

La complexité des programmes de conformité ne s’arrête pas pour autant là, car ils doivent également prendre en compte 22 «infractions sous-jacentes». Par ce terme, la loi anti-blanchiment fait référence à toute une série de crimes ou délits qui contribuent à générer les fonds qui seront blanchis par la suite, plus communément les profits financiers d’un crime. Le spectre de ces criminalités primaires va, par exemple, de la traite des êtres humains à la fraude fiscale, en passant par le délit d’initié, la cybercriminalité, la criminalité environnementale, la contrefaçon, le trafic d’armes, l’extorsion ou la corruption.

Détecter les transactions suspectes

Face à la diversité des champs d’application et le degré d’exigence de la législation anti-blanchiment, disposer d’un programme de conformité ne suffit pas pour une institution financière. En plus de prévenir le crime, il faut le détecter, et ensuite enquêter. Pour ce faire, les entités surveillées font de plus en plus appel aux services d’auditeurs forensic, des experts de l’investigation comptable et financière.

En cas de détection d’une transaction liée à une activité relative au blanchiment ou à l’une de ces criminalités primaires, voire même juste en cas de suspicion, les professionnels de la finance ont l’obligation de la rapporter auprès de la Cellule de renseignement financier (CRF), rattachée au Parquet. Pour ce faire, il est nécessaire d’enquêter afin de fournir un rapport des plus détaillés aux autorités.

Réciproquement, il arrive que les autorités judiciaires envoient des demandes spécifiques d’information auprès des institutions financières, auxquelles elles doivent répondre sans délai. Mais avant, elles ont besoin d’effectuer des recherches dans leurs comptes.

En amont de toute nouvelle relation d’affaires, les entités surveillées doivent également mener une enquête préalable sur le futur client afin de le qualifier avec un niveau de risque. Dans le cas d’un prospect qui sortirait de l’appétit au risque de l’institution, c’est-à-dire le niveau de risque qu’elle accepte d’absorber en fonction de ses activités, son management se réunit pour en évaluer les éventuelles conséquences dans la perspective des revenus potentiels générés. La loi oblige également les entités réglementées à effectuer ce type d’investigation, de façon régulière, pour le portefeuille de clients existants.

Une fonction souvent externalisée

En cas de faiblesses dans le programme de lutte contre la criminalité financière identifiées par le régulateur au cours d’une inspection, ce dernier peut exiger de l’institution en question une «remédiation» complète de sa clientèle. Cela signifie qu’elle doit effectuer une nouvelle enquête pour chacun de ses clients en vue de s’assurer de leur conformité avec les règles en vigueur. En cas de manquements graves, le régulateur peut être amené à imposer une amende à l’entité.

La complexification croissante des obligations réglementaires a conduit plusieurs institutions financières à se retrouver impliquées dans des scandales médiatiques au cours des dernières années. Face au risque d’amende et de réputation, les entités surveillées investissent de plus en plus de façon préventive dans l’audit forensic.

Souvent externalisée, la fonction de l’audit forensic se retrouve dans la plupart des cabinets de conseil de type Big Four ou dans des cabinets d’avocats spécialisés dans le droit pénal des affaires. Les professionnels qui s’engagent dans cette voie possèdent généralement un diplôme universitaire en finance ou en droit. Il s’agit d’une profession qui est facile d’accès dès la fin des études. Toutefois, le jeune professionnel constate rapidement qu’il devient nécessaire de continuer à étudier en vue d’obtenir une certification d’aptitude, tel le certified anti-money laundering specialist (CAMS) ou le certified fraud expert (CFE).