Sam Tanson souligne que chaque mesure de relâchement du confinement est susceptible d’être retirée si les contaminations reprennent une trajectoire inquiétante. (Photo: Anthony Dehez/archives Maison Moderne)

Sam Tanson souligne que chaque mesure de relâchement du confinement est susceptible d’être retirée si les contaminations reprennent une trajectoire inquiétante. (Photo: Anthony Dehez/archives Maison Moderne)

Si la reprise à plein régime de l’activité judiciaire n’est pas à l’ordre du jour, la ministre Déi Gréng annonce une nouvelle étape avec davantage d’audiences et la généralisation des mesures sanitaires.

Comment se sont passées ces dernières semaines dans l’administration judiciaire et les juridictions?

– «Tout le monde a dû trouver ses marques. Les juridictions ont vraiment travaillé – plus de 1.700 arrêts et jugements ont été rendus depuis le 16 mars au niveau des tribunaux et de la Cour supérieure de justice. S’y ajoutent de très nombreuses décisions au niveau des justices de paix. Le travail a été bien entendu effectué dans le respect d’abord d’ et ensuite des mesures sanitaires.

J’avais réuni les différents acteurs assez tôt afin de discuter de solutions. Les chefs de corps et leurs équipes ont élaboré des plans de travail pour s’organiser et éviter que tout le monde tombe malade en même temps – parce que c’était un scénario envisageable.

Comment s’organise le retour à la normale dans les juridictions judiciaires et administratives?

«J’ai convoqué une vidéoconférence avec tous les chefs de corps, les présidents des tribunaux, des justices de paix, des juridictions administratives. Ils se sont encore concertés entre eux pour organiser le déconfinement progressif. Tout le monde est très motivé pour trouver des solutions. Il s’agit aussi de rattraper le retard qui a pu s’accumuler dans certains dossiers. La plupart des juridictions ont programmé des audiences encore plus fréquentes à partir du 4 mai, bien entendu en s’adaptant toujours aux mesures sanitaires.

Dans plusieurs matières, des rendez-vous seront fixés afin de faire en sorte de réunir le moins d’avocats et de parties. Cela implique cependant que moins d’affaires seront évacuées qu’en temps normal dans le cas où les affaires programmées prendraient moins de temps que prévu.

Une exception est prévue pour que les avocats puissent plaider sans masque et que les témoins puissent témoigner sans masque.
Sam Tanson

Sam Tansonministre de la Justice

Les mesures sanitaires devront de toute façon être respectées, en particulier le port du masque obligatoire. Il est prévu dans le règlement grand-ducal une exception pour que les avocats puissent plaider sans masque et que les témoins puissent témoigner sans masque si les mesures sanitaires sont respectées. Dans certaines salles, les juges seront protégés par des parois en plexiglas. D’autres mesures ont été prises pour éviter la propagation du virus au sein du tribunal.

Peut-on imaginer une prolongation de certaines mesures éprouvées durant la crise sanitaire, notamment les échanges électroniques entre les greffes et les avocats pour les mises en l’état, dans le cadre du développement d’une «paperless justice»?

«Nous allons faire un bilan des expériences qui se sont avérées positives et réfléchir à une pérennisation de ces mesures dans le cadre du .

Avez-vous un horizon pour une reprise définitive de la justice sans ces mesures?

«Nous nous plaçons dans le même cadre que le cadre général. Nous l’avons dit et il faut le répéter: toutes les mesures prises actuellement peuvent être resserrées à nouveau si le nombre de personnes infectées devient trop élevé. Il s’agit d’une veille constante. Une petite ouverture s’est opérée la semaine dernière avec le redémarrage des chantiers et de certains magasins. Tout dépend de l’évolution de l’épidémie.

Comment garantir le respect de l’État de droit dans le contexte du confinement?

«Il était très important dès le départ que les affaires urgentes, en particulier celles concernant des détenus, ne soient pas reportées, hormis les grosses affaires impliquant beaucoup de personnes. C’est pour cela qu’une procédure écrite a été instaurée par exemple pour les demandes de mise en liberté afin d’éviter à la fois le contact physique et un report. La déléguée à l’exécution des peines a aussi énormément travaillé pour traiter toutes les demandes de liberté conditionnelle afin que les personnes qui en bénéficient puissent sortir de prison.

Nous avons augmenté le pécule des détenus de 50 euros afin qu’ils puissent davantage téléphoner en compensation de l’absence de visites physiques.
Sam Tanson

Sam Tansonministre de la Justice

Quelles mesures avez-vous prises pour éviter une propagation du Covid-19 en milieu carcéral?

«La direction de l’administration pénitentiaire a élaboré un plan en plusieurs étapes. De nombreuses mesures de sécurité ont dû être prises pour éviter que le virus n’entre parce que la population carcérale est vulnérable. Beaucoup de détenus ont des déficiences immunitaires et sont donc particulièrement sensibles.

Les visites ont ainsi été restreintes puis interdites. Nous avons renforcé le matériel numérique à disposition afin d’organiser davantage de vidéoconférences. Les avocats ont critiqué une organisation trop compliquée, nous avons discuté avec le bâtonnier et la direction de l’administration pénitentiaire pour trouver des solutions. Nous avons également augmenté le pécule des détenus de 50 euros afin qu’ils puissent davantage téléphoner en compensation de l’absence de visites physiques.

Le Barreau vous a fait part des difficultés rencontrées par de nombreuses études d’avocats. Auront-elles droit à une aide?

«Selon leur statut, elles peuvent prétendre à certaines aides. Il existe une discussion plus générale au niveau du gouvernement pour voir quelles aides nous pouvons introduire pour les indépendants. Cette discussion n’est pas encore terminée. Les avocats ne sont pas les seuls à risquer de passer à travers les mailles du filet.

Le bâtonnier m’a en effet expliqué que certains avocats se plaignent d’une baisse de 75% de leur chiffre d’affaires en avril. Il faut dire qu’ils font partie d’une chaîne: si une entreprise ne paie pas les mémoires d’honoraires, l’avocat se retrouve dans une situation difficile. C’est un cercle vicieux pour lequel nous devons mettre en œuvre les moyens nécessaires.

Le bâtonnier a également évoqué le paiement de l’assistance judiciaire. Les taxations sont versées dans des délais très brefs, environ deux semaines.»