«J’ai perdu dix kilos», témoigne Jaroslaw Tomczyk, qui garde des séquelles du Covid-19, contracté en mars. (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

«J’ai perdu dix kilos», témoigne Jaroslaw Tomczyk, qui garde des séquelles du Covid-19, contracté en mars. (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

En plus de ses activités habituelles, le Rehazenter réhabilite des patients touchés par le Covid-19. Comme Romain Back, 56 ans, ou Jaroslaw Tomczyk, 37 ans, qui nous racontent leur parcours contre la maladie. Face à la deuxième vague, il a aussi fallu isoler plusieurs lits pour des hospitalisations Covid.

Une pièce calme et lumineuse se cache au sous-sol de l’immense bâtiment du Rehazenter, à Luxembourg-ville. Entre les salles de kinésithérapie, d’ergothérapie, de musculation, ou encore la piscine, où s’agitent les nombreux patients en rééducation, celle-ci est dédiée aux anciens patients Covid-19. Ceux chez qui le virus et le passage en réanimation ont laissé de fortes séquelles, sur la respiration, l’endurance, mais aussi les muscles, les nerfs, les fonctions cognitives… On parle alors de syndromes post-soins intensifs, ou PICS.

Romain Back, 56 ans, en fait partie. Après quelques minutes d’entraînement sur le vélo d’appartement, il reprend son souffle. «J’ai perdu plus ou moins 50% de la capacité de mes poumons. Maintenant, ils vont travailler pour récupérer ces 50% le plus possible», espère-t-il. Nouveau au centre, il réalisait, vendredi 13 novembre, sa deuxième séance de réhabilitation. «J’ai été testé positif au Covid-19 le 14 septembre», raconte-t-il. «C’est vraiment d’une heure à l’autre que j’ai remarqué que j’avais des symptômes. À 16h, j’étais encore bien, à 17h j’avais de la fièvre, du mal à respirer». Il part donc directement à l’hôpital, où on l’envoie au bout de quelques jours en réanimation. «Je n’avais pas assez de saturation en oxygène.» Il y restera dix jours, dont il ne se souvient pas en détail. «Je n’étais pas intubé.» Des «masques» et «tuyaux» servaient à apporter de l’oxygène dans ses poumons. «C’était assez dur.»

Après deux autres semaines dans le service des maladies infectieuses, il a enfin pu en sortir et prendre rendez-vous au Rehazenter. «Avant, j’étais en pleine santé. J’ai du diabète depuis plus de dix ans, mais il était très bien ajusté. Je faisais attention, je portais le masque. Ma femme aussi. Nous avons tous les deux eu le Covid, nous ne savons pas exactement comment.»

«Mon corps était un désastre»

Aujourd’hui, monter les escaliers ou encore promener son chien représentent un effort pour lui. Les altérations au niveau du goût et de l’odorat n’ont en revanche duré que quelques jours. «J’espère qu’après quelques semaines ici, je pourrai quand même recommencer à travailler. Le Covid n’est pas une simple grippe. C’est vraiment une maladie dure, dès qu’on est hospitalisé», avertit celui qui travaille dans l’informatique.

Ce n’est pas Jaroslaw Tomczyk qui dira le contraire. «J’étais l’un des premiers patients», se remémore l’homme de 37 ans qui a contracté le Covid-19 dès le mois de mars. Sans antécédents médicaux, il se disait en «bonne condition physique». Il a passé un mois à l’hôpital, dont une semaine en soins intensifs. «Je ne pouvais respirer que sous oxygène». De retour chez lui, l’ingénieur projet dans l’industrie se sent «extrêmement fatigué», n’arrive pas à tenir huit heures par jour au travail. «Mon corps était un désastre», estime-t-il. «J’ai perdu dix kilos.» À cause du stress, une partie de ses cheveux tombent. Après cinq mois sans signe d’amélioration, il décide de se tourner vers son médecin, qui l’envoie au Rehazenter. Il y vient trois fois par semaine, depuis près d’un mois. «Je me sens beaucoup mieux», se réjouit-il. «J’ai presque retrouvé ma vie normale». Il saura lors de son prochain rendez-vous avec le médecin, début décembre, s’il a encore besoin de venir ou non. En attendant, il s’exerce à l’aide d’une échelle de rythme.

Encadrés par les kinésithérapeutes et ergothérapeutes, les patients viennent en général plusieurs fois par semaine faire différents exercices pendant une à quatre heures, pour réhabiliter leurs muscles ou leurs poumons. En ce moment, le Rehazenter compte huit patients Covid en ambulatoire. Sept autres sont hospitalisés au premier étage, au sein de l’unité 3, dont deux sont encore isolés.

10 lits pour patients Covid

«Lors de la première vague, on nous a demandé de libérer 30 lits pour prendre en charge les patients Covid+», raconte Thierry Debugne, coordinateur médical. Finalement, la cellule de crise de l’État a changé de stratégie, et le Rehazenter ne s’est occupé que de la réhabilitation post-Covid. Mais pour cette deuxième vague, il a été sollicité pour prendre en charge un maximum de 10 patients positifs au Covid-19. Son hôpital a donc isolé la partie concernée grâce à des cloisons mobiles. «Jusqu’ici, nous avons eu un maximum de six patients en même temps.» Après leur hospitalisation, ils peuvent suivre leur réhabilitation ici ou dans un autre centre, comme celui de Colpach par exemple. «Nous travaillons en réseau.»

Le séjour moyen d’hospitalisation Covid dure entre «cinq et dix jours», précise le docteur. En revanche, pour la réhabilitation, «on n’a pas assez de recul». Il faut en tout cas compter plusieurs mois, et «on a, encore maintenant, des patients en ambulatoire de la première vague».

Stress post-traumatique

En plus des nombreuses séquelles sur la respiration, les muscles et la cognition, beaucoup de patients sont atteints de stress post-traumatique et de dépression. L’équipe dédiée aux patients Covid-19 au Rehazenter se compose donc de quatre kinésithérapeutes, deux ergothérapeutes, de deux psychologues et d’une assistante sociale. Concernant les hospitalisations Covid-19, une dizaine d’infirmiers peuvent tourner selon le nombre de lits occupés. Sur un effectif de 315 salariés au total, qui n’a pas pu être augmenté, regrette le coordinateur.

La crise a aussi entraîné une baisse de ses activités classiques. Les 550 patients en ambulatoire n’ont pas pu venir pendant quelques semaines lors de la première vague. Et cet été, l’établissement a constaté l’«effet ricochet» de la crise, quand beaucoup avaient hésité à aller à l’hôpital à cause du Covid et ont maintenant du retard à rattraper dans leur rééducation. Même s’ils sont aujourd’hui de retour, «on ne sait pas regagner le même niveau d’activité qu’on avait avant la crise», à cause de la réorganisation due au Covid, par exemple pour respecter les distances de sécurité. Le taux d’occupation des 73 lits tourne, lui, autour de 95%.

Les pics de patients en réhabilitation arrivent toujours en décalage par rapport aux infections dans le pays. «On a eu jusqu’à 34 personnes en ambulatoire vers juin-juillet», se rappelle Thierry Debugne. Alors, au regard des récentes hausses du nombre de cas au Grand-Duché, dans plusieurs semaines, «ce serait logique qu’on ait une demande plus importante».