En mars, le Luxembourg est passé de la 23e à la 27e place dans le classement du «Global Financial Centres Index (GFCI)». (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

En mars, le Luxembourg est passé de la 23e à la 27e place dans le classement du «Global Financial Centres Index (GFCI)». (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

L’avenir du secteur financier luxembourgeois est en jeu. Représentants de l’industrie, patrons de sociétés et employés en ont conscience. Les actifs sont là, encore faut-il des personnes pour les gérer. Il en va de la croissance économique du pays. Mais le monde politique va-t-il s’emparer du sujet?

Mi-juillet, . La plus haute note de confiance sur les marchés, couplée à une gestion saine des finances publiques. Voilà ce qui attire les plus prestigieuses institutions financières de la planète et leurs clients à venir au Luxembourg. Grâce à cela, notre industrie bancaire affiche un volume d’actifs sous gestion de plus de 921 milliards de dollars, en croissance permanente. Et, pour sa part, l’industrie des fonds, 5,9 trillions d’actifs, plaçant le pays au rang de deuxième plus grand centre d’administration de fonds au monde, après les États-Unis. De la sorte, le secteur financier contribue à 25% du PIB national, ayant du coup permis notamment à notre économie s.

Pourtant, la compétitivité de la Place reste constamment menacée. En mars, le célèbre «Global Financial Centres Index (GFCI)» de sa 23e place, le faisant passer à la 27e place mondiale. Ainsi, le pays n’arrive plus qu’en 10e position au niveau européen, loin derrière Londres, Paris, Francfort et Amsterdam. Pareille décote de la compétitivité du Luxembourg pourrait bien peser sur sa capacité a attirer de nouveaux flux d’actifs et de nouveaux entrants sur le marché. Selon la Banque centrale européenne (BCE), le Luxembourg en 2021, contre 141 en 2017. À en croire les données de KPMG, l’année dernière, le secteur bancaire a enregistré un nouvel acteur et cinq sont partis.

Le constat de perte de vitesse de la Place est d’autant plus préoccupant que certains représentants de l’industrie déclarent, en «off-the-record», avoir perdu l’oreille d’un pan du monde politique. Ce décalage est à l’image de la dichotomie entre la finance et l’économie du pays. Par exemple, sur les 125 établissements de crédit de la Place, à peine sept adressent leurs offres à la population retail du pays. À cela s’ajoute que les autres banques proviennent pour 70% d’entre elles du reste de l’Europe, 18,55% de la région Asie-Pacifique, 7,26% d’Amérique du Nord et du Sud et 3,23% du Moyen-Orient, selon les données de KPMG. En outre, seulement 82 des banques bénéficient d’une personnalité légale au Luxembourg, les 43 restantes étant des succursales de groupes bancaires internationaux.

Le problème était latent, il s’accélère

Les défis de la Place pour maintenir son rayonnement sont bel et bien une réalité. Le Luxembourg n’étant pas une place comme les autres, en raison de sa particularité à produire surtout des produits financiers, peinait déjà à recruter des talents de niche. Désormais, le phénomène de la «Grande Démission» aux États-Unis arrive en Europe et pourrait se retrouver accentué au Luxembourg par les problèmes de télétravail pour les frontaliers, massivement actifs dans la finance. De plus en plus de frontaliers français démissionnent au profit d’employeurs à Paris. Même s’ils sont basés en Lorraine, Paris ne reste qu’à deux heures de TGV. Ce qui n’est pas un handicap avec quatre jours de télétravail par semaine. Côté allemand, le phénomène commence à se répandre avec la concurrence de Francfort.

D’autres pensent carrément à déménager vers d’autres places tandis qu’une partie encore minime, mais ô combien croissante, envisage tout simplement de passer sous le statut de travailleur indépendant pour collaborer avec un ou plusieurs clients outre-Atlantique, pleinement en télétravail et sous le fuseau horaire de leur choix. Le marché du travail se mondialise. Les compétences s’exportent, pas la Place.

Avec un nombre d’employés qui , la pénurie de travailleurs dans le secteur financier, combinée à l’exode de certains, les débats sur les hausses des salaires et font piètre figure. C’est sans compter l’état des finances publiques qui restent à la merci des vents contraires de la guerre en Ukraine, alors qu’elles ont déjà été malmenées par la pandémie de Covid-19. Tout ceci pourrait impacter à terme la confiance des investisseurs étrangers de la Place. Au final, tous les enjeux se tiennent et l’attractivité de la Place en est sûrement le plus petit dénominateur commun, car le Luxembourg sans son secteur financier ne pourrait pas offrir une si haute qualité de vie telle que nous en jouissons aujourd’hui. Au regard des crises en cours et à venir, les candidats aux élections législatives de 2023 ont tout intérêt à s’emparer du sujet sans plus attendre, au risque de perdre les talents, les acteurs et les actifs.

Cet éditorial est issu de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.