Pour que la vie en colocation ne vire pas au cauchemar, il est important de s’accorder sur une juste répartition des tâches ménagères, garantissant un vivre-ensemble optimal. (Photo: Shutterstock)

Pour que la vie en colocation ne vire pas au cauchemar, il est important de s’accorder sur une juste répartition des tâches ménagères, garantissant un vivre-ensemble optimal. (Photo: Shutterstock)

Partager un logement à plusieurs offre bien des avantages. À l’heure où la colocation et le coliving se développent au Luxembourg, penchons-nous sur ce qui fait le succès d’une bonne cohabitation. Car bien vivre ensemble, ce n’est pas toujours simple. 

Au Luxembourg, la colocation ou encore le concept de coliving ont de beaux jours devant eux. Les biens résidentiels étant rares (et donc chers) sur le marché de l’immobilier, partager à plusieurs un même lieu de vie constitue un bon moyen d’alléger l’effort financier nécessaire pour se loger. Au niveau de la capitale, l’attrait pour la formule s’accroit depuis quelques années, même si l’offre reste relativement limitée.

«Au regard de l’évolution des prix, accéder à un logement au Luxembourg devient de plus en plus difficile, explique Jerome Ensch, cofondateur de Vauban&Fort, opérateur de coliving luxembourgeois depuis 2015, pionnier dans ce domaine. Ce phénomène, d’autres grandes métropoles l’ont connu avant Luxembourg. On y a vu se développer fortement la colocation, ainsi que des concepts de coliving. Au cœur de Manhattan ou de Londres, la colocation correspond à 70% des unités de logement que l’on y trouve. Les familles, le plus souvent, migrent à l’extérieur de la ville, vers des logements plus spacieux et plus accessibles.» À cette évocation, on se remémore les séries télévisées qui nous ont marqués – de Friends à The Big Bang Theory, en passant par New Girl. Dans de grandes villes américaines, on y voyait de jeunes adultes partager un appartement, le temps au moins de se lancer dans la vie active. 

Au Luxembourg, reconnaissons-le, ce n’est pas encore le mode de logement qui est actuellement privilégié. Toutefois, l’état d’esprit évolue avec les prix du marché de l’immobilier. Dans ce contexte, ce mode d’habitat devrait s’étendre, du moins en ville. 

Trentenaires et expatriés

La possibilité de partager un logement à plusieurs répond aux attentes d’une partie de la population. Les jeunes, qui entrent dans la vie active, peuvent de cette manière se loger sans se ruiner. Les adeptes de la colocation ont en moyenne une trentaine d’années. Au Luxembourg, depuis quelques années, on voit aussi se développer une offre de coliving, fortement plébiscitée par les expatriés, qui viennent parfois de l’autre bout de la planète pour travailler. «90% des utilisateurs de nos infrastructures proviennent de l’étranger. 10% seulement sont d’origine luxembourgeoise. Concernant ces derniers, il s’agit aussi de personnes revenant de l’étranger qui souhaitent retrouver un concept qu’ils ont expérimenté ailleurs», précise Jerome Ensch.

La plupart des arrivants qui choisissent une formule de coliving ne connaissent personne sur place et s’installent avec une vague idée du Luxembourg et de sa culture. «Pour beaucoup de nos locataires, nous sommes leur deuxième point de contact sur place, après leur employeur, explique Nicolas Legay, cofondateur de ­Cocoonut, un autre opérateur de coliving au Luxembourg. 80% de nos locataires viennent d’un autre continent. Le concept leur permet de faire rapidement des rencontres, d’établir un premier réseau.» 

Désir de communauté

 Le coliving se distingue de la colocation en raison d’un ensemble de services associés au logement. Le concept vise une professionnalisation de la colocation, avec l’idée de permettre aux utilisateurs d’accéder à un logement directement prêt à les accueillir. L’occupant paie un prix unique, qui comprend les charges ainsi qu’un ensemble de facilités. La chambre est meublée, tout confort. La connexion Internet est directement disponible. Un service de nettoyage régulier est prévu dans le forfait. L’assurance est aussi incluse. L’approche est celle du «plug and play», autrement dit la possibilité de s’installer rapidement sans avoir à multiplier les démarches administratives et en bénéficiant d’une grande flexibilité. 

Mais ce que les adeptes de la formule souhaitent avant tout, c’est de pouvoir apprécier une vie en communauté, de créer rapidement des liens avec des colocataires. «C’est essentiel, quand on s’installe dans une nouvelle ville, où l’on n’a pas de connaissances particulières, explique Jerome Ensch. Nos utilisateurs, avant toute chose, ne souhaitent pas se retrouver isolés. Des statistiques démontrent que la création de relations interpersonnelles facilite grandement l’intégration des personnes dans un nouvel environnement et les invite à y rester. En général, une personne qui noue plus d’une amitié dans un nouveau lieu de vie y reste beaucoup plus longtemps. Ce qui est bien sûr aussi un avantage pour son employeur. Au sein de nos logements, les occupants restent en moyenne entre 22 et 23 mois.»

74% des étudiants au Luxembourg recherchent une chambre à louer contre seulement 26% en France. (Source: Appartager.com)

74% des étudiants au Luxembourg recherchent une chambre à louer contre seulement 26% en France. (Source: Appartager.com)

Le bon casting

Pour que cela fonctionne, toutefois, il est important de s’assurer que les personnes habitant un même logement vont s’entendre. C’est évidemment plus simple lorsqu’on a la possibilité de choisir avec qui l’on va partager un logement, comme peuvent le faire quelques amis à l’issue de leurs études ou de vieilles connaissances qui trouveraient opportun de louer un appartement pour y vivre ensemble. C’est moins simple lorsqu’il s’agit de faire cohabiter des personnes qui viennent d’horizons divers, dont les cultures peuvent être éloignées.

«Notre métier, bien plus que la gestion d’un bien immobilier, consiste en la création de communautés. Nous passons une grande partie de notre temps à interviewer les candidats à une chambre au sein de nos logements, pour comprendre leurs attentes, leurs centres d’intérêt, et ce dans l’optique de leur permettre de partager un logement avec des personnes se trouvant dans le même état d’esprit qu’eux, explique Jerome Ensch. L’important est de s’assurer que le lien pourra rapidement se créer, de garantir le bon fonctionnement de la communauté.» 

C’est un enjeu critique. Une erreur de casting et tout peut rapidement tourner au cauchemar. Un colocataire un peu trop bruyant, alors que l’on aspire à la quiétude, un autre englué en permanence dans le canapé, une table qui n’est jamais débarrassée, de la vaisselle qui déborde de l’évier… les sources d’agacement peuvent être nombreuses lorsque l’on vit sous le même toit avec des personnes ne partageant pas forcément le même état d’esprit. 

Garants d’un état d’esprit

Les opérateurs de coliving, dès lors, savent mieux que quiconque ce qui fait une colocation réussie. Cette expertise en fait des garants de la bonne entente de celles et ceux qui sont amenés, par leur intermédiaire, à partager le même lieu de vie. 

Dans cette optique, il s’agit de jouer franc jeu. L’idée n’est pas de vendre du rêve à tout prix, mais d’être clair sur ce qui attend les futurs occupants. 

Parce qu’une personnalité peut mettre en péril l’harmonie d’une unité de coliving, un opérateur ne louera pas une chambre au premier venu et préférera attendre de trouver la bonne personne, celle dont il est convaincu qu’elle s’entendra avec les occupants déjà présents. «La philosophie n’est pas celle du premier arrivé, premier servi. Beaucoup de gens patientent sur nos listes d’attente. Nous prenons néanmoins à chaque fois le temps de trouver la bonne personne», déclare Jerome Ensch. «Vivre en colocation ne convient pas à tout le monde, poursuit Nicolas Legay. Il faut faire preuve d’une certaine ouverture, aller vers les autres, vouloir participer à la vie en communauté.»

Accueillir et animer

Les opérateurs de coliving ne se contentent pas de louer ou de bien accueillir les occupants. Ils cherchent en permanence à proposer des animations pour la ou les communautés qu’ils hébergent. «À l’échelle d’un lieu de vie, il faut veiller à une certaine harmonie entre les personnes. Au-delà, nous sommes là pour les ­inviter à sortir ensemble, à découvrir le Luxembourg, en les guidant dans les divers recoins du pays, en partageant avec eux de bons tuyaux, commente Jerome Ensch. Nous sommes les premiers ambassadeurs du Luxembourg vis-à-vis de nos utilisateurs. Puis nous cherchons à fédérer la communauté au sens large, en mettant ses membres à l’honneur sur les réseaux sociaux, en proposant des événements.» Dans beaucoup de cas, les nouveaux arrivants ne connaissant pas le Luxembourg ni ses us et coutumes, le coliving permet de les assimiler rapidement. 

Limiter les frictions

L’équipement, l’ambiance d’un lieu et les services intégrés ont aussi leur importance dans le bon fonctionnement au sein d’une communauté partageant un même espace. «Une colocation réussie, c’est celle où il n’y a pas de frictions entre les personnes, indique Nicolas Legay. À travers la conception des espaces proposés et par la mise à disposition d’un ensemble de services, on peut déjà désamorcer beaucoup de conflits. Si le logement est mal fichu, la probabilité que des tensions émergent est grande.» 

Pour l’associé de Cocoonut, la taille de la colocation importe beaucoup. «Les utilisateurs cherchent à retrouver le schéma familial qu’ils ont connu, autrement dit un espace partagé par 3, 4 ou 5 personnes au maximum, explique-t-il. Aujourd’hui, les chambres doivent garantir toute l’intimité requise, avec notamment une salle de bains et des toilettes privatives. Les espaces partagés doivent être qualitatifs, bien décorés, de manière à donner à chacun l’envie de les maintenir en bon état. La configuration du lieu, idéalement, doit permettre d’éviter d’exposer les personnes dans leur chambre à des nuisances sonores liées à l’utilisation des parties communes.» Le coliving, en intégrant un service d’entretien et de nettoyage, permet aussi d’éviter les brouilles liées à la non-exécution de certaines tâches ménagères. 

À l’inverse, s’il s’agit de limiter les frustrations, certains éléments sont de nature à faciliter les échanges. Un espace commun bien décoré, à l’ambiance chaleureuse, agrémenté de fauteuils confortables, dans lequel on se sent bien, donne envie d’y passer du temps ensemble. La présence d’un service de verres à vin ou à apéro peut contribuer à briser la glace. «Il existe plein de petites astuces pour animer la vie en communauté, à l’échelle d’un lieu de vie. De manière générale, nous serons toujours plus heureux de répondre à des locataires qui nous font part de leur souhait de disposer d’un barbecue que de voir une seule personne exiger d’ériger des cloisons», conclut Nicolas Legay. 

Cet article a été rédigé pour  de l’édition  parue le 13 juillet 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

  

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