Est-ce un tournant? En 2023, l’assurance-vie luxembourgeoise avait accusé une baisse de l’encaissement pour la deuxième année consécutive. Mais le marché est reparti à la hausse début 2024: au premier trimestre, l’encaissement de primes d’assurance-vie a augmenté de 58% en comparaison annuelle, selon l’Association des compagnies d’assurances et de réassurances (Aca). Son administrateur délégué, , y voit un bon signe, mais attend confirmation au deuxième trimestre.
Comment s’explique cette poussée au premier trimestre?
Marc Hengen. – «Il y a d’abord un effet de rattrapage dans la mesure où le premier trimestre 2023 était particulièrement faible. Ensuite, si on regarde le détail des chiffres, on observe une progression extrêmement forte des produits à rendements garantis, où les affaires ont plus que doublé. Cela signifie qu’en ces temps incertains, la sécurité supplante la prise de risque. L’environnement que nous connaissons depuis deux ans reste donc d’actualité.
Cette augmentation est-elle portée par le marché local ou par l’étranger?
«Plutôt par l’étranger.
Quels sont les marchés en expansion?
«La croissance s’observe sur tous les marchés. Les marchés traditionnels sont la France, l’Italie et la Belgique. Ils resteront les principaux débouchés, aux côtés de l’Espagne et du Portugal.
Le contexte d’instabilité politique en France profite-t-il à l’assurance-vie luxembourgeoise?
«Je n’ai pas d’éléments pour l’affirmer, mais chaque fois qu’il y a des élections en France, c’est un moment où les gens se posent des questions. Pour les clients français, le Luxembourg est attractif en termes d’offre de produits et de choix des sous-jacents. Nous avons une autre offre, plutôt axée sur la gestion patrimoniale, avec de gros contrats qui ont très souvent une dimension internationale. On parle très souvent de primes uniques, contrairement au marché retail. Et la stabilité politique et financière du Luxembourg joue évidemment aussi un rôle.
On a presque assisté à un dépassement du marché vie par le marché non-vie. À rebours de la tendance historique.
Qui sont les principaux concurrents du Luxembourg dans l’assurance-vie?
«Les assureurs-vie luxembourgeois proposent avant tout une offre complémentaire à celle des assureurs nationaux sur leur marché domestique. Parmi les centres qui se sont fortement positionnés dans ce domaine, le principal est l’Irlande.
La poussée des produits à rendements garantis remet-elle en cause la domination des produits en unités de compte?
«Les contrats en unités de compte représentent toujours la plus grande part, avec 180 sur 230 milliards d’euros de provisions techniques. Il s’agit effectivement d’un point d’évolution. Quant à savoir si c’est une tendance de fond, nous manquons de recul pour pouvoir en juger.
L’assurance-vie peut-elle rester la locomotive du marché?
«Il y a deux effets. D’une part, l’assurance-vie a connu une régression, d’autre part, les activités non-vie se sont développées, également parce que l’un ou l’autre acteur est arrivé au Luxembourg. L’un dans l’autre, à rebours de la tendance historique, on a presque assisté à un dépassement du marché vie par le marché non-vie. Mais là aussi, il est trop tôt pour parler d’un renversement de tendance.
Pourquoi l’assurance-vie a-t-elle connu deux mauvaises années en 2022 et 2023?
«La montée très rapide des taux d’intérêt, accompagnée d’un environnement économique et politique compliqué, n’est pas un bon schéma pour les assureurs. Cela a provoqué un switch des clients vers du court terme: ils préfèrent une solution bancaire temporaire, mais bien rémunérée, plutôt qu’un produit d’assurance-vie – par essence davantage à moyen ou long terme.
Les difficultés de FWU Life Insurance ne reflètent pas une crise généralisée dans le secteur de l’assurance-vie.
, déclarée récemment, est-elle révélatrice des difficultés rencontrées dans le secteur de l’assurance-vie?
«Elle peut être perçue comme telle, en tout cas par le public et les autorités étrangères. Plusieurs facteurs spécifiques sont en jeu et il s’agit d’un cas particulier dans l’histoire de l’assurance au Luxembourg. Il est donc tôt pour en tirer des conclusions ou des généralités.
Cette crise est en partie due à des problèmes structurels au sein de la société mère, FWU AG, qui a elle-même déposé une demande d’insolvabilité en Allemagne en raison d’un surendettement. FWU Life Insurance Lux a donc été confrontée à des problèmes de solvabilité majeurs, ne respectant plus les exigences en matière de capital minimum et de capital de solvabilité requis. Cette situation a conduit les autorités luxembourgeoises à geler les actifs de l’entreprise pour protéger les assurés, tout en demandant à la société de soumettre un plan réaliste de redressement. Si cette situation n’est pas rectifiée rapidement, l’entreprise risque de perdre sa licence d’exploitation.
Cela étant dit, les difficultés de FWU Life Insurance ne reflètent pas une crise généralisée dans le secteur de l’assurance-vie: elles soulignent la nécessité, pour les entreprises d’assurance, de maintenir une gestion rigoureuse du capital et de la solvabilité, surtout dans un environnement économique incertain. Le secteur n’est pas menacé par cet événement.
Quel message voulez-vous adresser aux clients concernés?
«Je ne suis pas sûr que les clients concernés pourront me lire dans ce média, puisque, pour une large majorité, ils ne sont pas résidents luxembourgeois. Néanmoins, je veux souligner que même si la situation est complexe, des actions concrètes sont en cours pour protéger les droits et les créances des preneurs d’assurance et des bénéficiaires. Les actifs sur les comptes bloqués seront destinés à couvrir les engagements issus des contrats d’assurance en vigueur.»