La volonté d’un marché unique de l’assurance ne date pas d’hier. Trente ans après la troisième directive européenne sur la question, la libre prestation de services a visiblement permis d’atteindre les territoires européens et de proposer aux professionnels de la gestion de patrimoine une offre en assurance-vie luxembourgeoise complémentaire et innovante par rapport aux offres assurantielles locales. 

Compte tenu du contexte macroéconomique, le renouvellement des caractéristiques des contrats d’assurance vie proposés par les compagnies luxembourgeoises apparait aujourd’hui nécessaire et va constituer le défi des années à venir. En premier lieu, il convient de rappeler que la libre prestation de service permet à une compagnie d’assurance, d’un État membre de l’Union européenne, d’offrir ses produits et ses services dans un autre pays, tout en y respectant le cadre règlementaire et les droits des consommateurs.

Le Luxembourg a été l’un des pays pionniers à appliquer la Directive de l’UE de 1992, permettant aux assureurs étrangers de pénétrer son marché. La mise en concurrence directe des compagnies locales a sans doute été bénéfique au consommateur, ainsi qu’à son portefeuille, mais elle ne s’est pas faite sans se heurter à quelques contraintes législatives. Antonio Valente, directeur commercial et spécialiste de l’assurance-vie chez CNP Luxembourg, est de ceux qui y font face quotidiennement: «Le Luxembourg a la capacité d’offrir à ces résidents européens des solutions d’épargne patrimoniale haut de gamme, mais chaque pays a ses règles.

Par exemple, en France, il n’est pas obligatoire de souscrire une garantie couverture décès quand on contracte une assurance-vie. En Italie, cette clause est obligatoire. En Belgique, s’applique une fiscalité par branche selon que l’investissement du souscripteur se voit réalisé via le support exprimé en euros ou par le biais des supports exprimés en unités de compte.

Le Luxembourg a la capacité d’offrir à ces résidents européens des solutions d’épargne patrimoniale haut de gamme, mais chaque pays a ses règles.
Antonio Valente 

Antonio Valente Directeur commercialCNP Luxembourg

«La structure de la solution que nous allons proposer à nos clients doit donc s’adapter à toutes les particularités règlementaires du pays de résidence du souscripteur. Et nous devons penser en permanence à être également en conformité avec le cadre luxembourgeois.» Le marché unique, tant espéré à l’échelle européenne, a donc trouvé ses limites et a encouragé les compagnies d’assurance à se réinventer comme le souligne Antonio Valente: «Dans chaque entreprise, il y a un équilibre entre business et risque. À charge aux assureurs de tester les limites de cet équilibre tout en respectant chacune des lois des pays de l’Union. Si les règles étaient les mêmes pour tous les pays, la possibilité de développer de nouvelles solutions pour les souscripteurs serait pratiquement nulle. Le fait que nous ayons eu une marge de manœuvre dans l’éligibilité des actifs, que nous ayons pu adopter certaines solutions alors que des concurrents en ont adopté d’autres, a permis d’avoir une diversité d’offres, qui fait à présent la richesse de notre milieu et répond aux besoins d’une clientèle au sein d’un même pays.» Alors, si l’offre peut répondre à la demande et que le cadre législatif est maîtrisé, pourquoi la libre prestation de service ne s’est-elle pas plus généralisée?

Le marché de l’assurance, pas totalement en pointe

Aujourd’hui, l’offre est évidemment déterminante pour attirer la clientèle. Mais la méthode de distribution l’est tout autant. La tendance récente montre une progression évidente de l’acquisition de biens et de services par le biais du réseau internet. À tel point que certains commerces, dont le métier était autrefois exclusivement tourné vers l’accueil et la relation client, à l’instar des banques, se sont tournés en masse vers les solutions en ligne ces dernières années, pour ne pas rater le virage imposé par le digital.

Loin de faire office de lièvre dans cette course, le monde de l’assurance doit, de son côté, encore évoluer en la matière: «Ce que le digital peut apporter, c’est par exemple la possibilité de souscrire à une assurance-vie en ligne tout en fluidifiant l’intégralité du parcours client. Cela casserait notablement l’image de la souscription au format papier, qui implique un délai d’attente ressenti parfois comme interminable par les partenaires banquiers. Dans notre segment de marché, nos partenaires, professionnels de la gestion de patrimoine, investissent beaucoup de temps dans la gestion des avoirs de leurs clients, donc ils veulent maîtriser le processus de souscription dans son ensemble et les délais d’enregistrement des dossiers», reconnaît Antonio Valente, qui prévient néanmoins que l’intervention humaine reste importante dans une procédure d’étude d’éligibilité d’une souscription. D’abord, son contrôle ne peut pas s’automatiser intégralement, sous peine de faire face à un manque de vigilance quant à la conformité des dossiers. Puis, le suivi du contrat requiert l’accompagnement d’un commercial pour répondre aux diverses interrogations.

Ce que le digital peut apporter, c’est par exemple la possibilité de souscrire à une assurance-vie en ligne tout en fluidifiant l’intégralité du parcours client.
Antonio Valente

Antonio ValenteDirecteur commercialCNP Luxembourg

Vers une démocratisation de certaines offres?

Perçue comme proposant des produits réservés surtout à une clientèle aisée, le monde de l’assurance pourrait donc trouver de nouveaux souscripteurs en se tournant vers la digitalisation et des offres plus grand public. Une perspective entendue par le Groupe CNP Assurances et CNP Luxembourg, qui travaillent au développement d’une plateforme dédiée aux conseillers en gestion privée (CGP): «Le but sera d’apporter des instruments d’épargne adaptés à des clients souhaitant placer des montants moins élevés que les portefeuilles que nous gérons habituellement.» De quoi démocratiser un peu plus l’assurance-vie.